Bandeau sur le thème de la distribution de l'eau

La distribution de l'eau


Premières canalisations sur le domaine public

Les premières demandes pour l'installation de canalisations d'eau sous les chemins communaux sont apparues au début de l'année 1902. En février, le conseil municipal autorisa "le maire à donner l'autorisation nécessaire à ce sujet conformément au tarif existant à cet égard". Le mois suivant, un entrepreneur, agissant au nom de M. Briens, propriétaire [de l'Île de Villennes et de villas], sollicita l'autorisation de poser des tuyaux devant passer sous le pont du chemin de fer.

Une société était alors en formation pour la distribution de l'eau dans la commune. Sa demande a fait allusion à la borne-fontaine, appartenant à la commune, alimentée à raison de 10 litres à la minute par le propriétaire de l'ancien château : des personnes non propriétaires avaient greffé, sans droits, des tuyaux de conduite sur celui alimentant la borne-fontaine. La question suivante était posée : "La mission de faire supprimer ces branchements incombait-elle au fournisseur de l'eau ou à la commune ?". Le préfet répondit que leur suppression devrait être faite par le fournisseur de l'eau.

En avril, MM. Chanoit Frères demandèrent l'autorisation d'établir des tuyaux sur la voie publique sur toute l'étendue de la commune pour la distribution des eaux, au titre de concession, aux propriétaires qui en feront la demande. Le conseil municipal accorda l'autorisation sous les conditions suivantes imposées aux demandeurs :

Gaston Henri et Jean Léon Chanoit étaient tous deux ingénieurs des arts et manufactures et habitaient à Villeneuve Saint Georges ; ils traitaient des affaires en commun mais aucune société n'existait entre eux.

En juillet, le conseil municipal a décidé de rapporter sa délibération précédente et a nommé une commission, composée de MM. Desnues et Cauchoix, pour examiner le cahier des charges et faire un rapport. Il fallut attendre huit ans pour qu'une décision soit prise. Entre temps, le conseil municipal avait répondu favorablement à deux initiatives de portée limitée :

Concession du service de distribution d'eau
à MM. Chanoit Frères

En mars 1910, le conseil désigna une nouvelle commission chargée d'étudier le projet de canalisation dans l'étendue de la commune. Début mai, elle présenta un projet de convention entre la commune et MM. Chanoit Frères, que le conseil municipal accepta.

Les premiers courriers de cette entreprise portaient l'entête suivante :

Entreprise Générale d'Exploitation à forfait de distributions d'Eau, de Gaz et d'Electricité

Moteurs à Gaz Pauvre & Transports de Force

En-tête de la société Chanoit Frères

Un traité de concession  a été signé le 20 juin 1910 pour 30 ans. Le concessionnaire s'engageait à fournir gratuitement près de 25 000 m3 par an à la commune :

Lavoir 19 000 m³
Borne-fontaine 5 250 m³
Mairie et écoles 550 m³
Arrosages 180 m³

En août 1910, la commune prit à sa charge la déviation, par les soins du concessionnaire du service des eaux, de la canalisation d'eau de l'avenue du Parc, nécessitée par la construction de la nouvelle gare.

Acquisition de la source, de la grotte,
des canalisations et des terrains voisins

M. Pichard du Page, lotisseur du parc du château a vendu à MM. Chanoit les lots suivants décrits dans l'annonce légale publiée le 15/4/1911 dans le journal Le Courrier de Versailles :

Premièrement.
Les portions ci-après désignées, formant le troisième lot du plan général de lotissement de la propriété dite « Château de Villennes », [...]
savoir : Un terrain de forme irrégulière, d'une contenance superficielle de douze cent soixante-dix-neuf mètres quatre-vingt-seize centièmes, à prendre dans ledit troisième lot, de manière à tenir, d'un bout, la rue des Ecoles sur une façade de trente-trois mètres [...] ; d'autre bout, le surplus du troisième lot sur une largeur de neuf mètres cinq cent cinquante-sept millimètres ; d'un côté, le surplus dudit troisième lot, [...] ; d'autre côté, le surplus du même troisième lot, [...] ;
Sont compris dans le terrain susdésigné et font partie de ladite vente :
1° La source et la galerie souterraine par laquelle cette source est amenée au jour ;
2° Le massif de la grotte, dans lequel s'écoule ladite source et le bassin en avant de cette grotte, jusques et y compris le pont en pierre établi sur la rivière anglaise ;
3° La portion de rivière comprise entre ce pont et la cascade imrnédiatement au-dessous ; Deuxièmement.
Et l'ensemble des canalisations par lesquelles est actuellement assuré le service des abonnements aux eaux de la source, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du parc de Villennes.

Travaux perturbateurs

Pose d'une canalisation d'eau

En octobre, la tranquillité des Villennois était troublée par les travaux de pose des canalisations. Léon Francq, propriétaire à Villennes (futur directeur du Syndicat d'initiative et de la Société d'Electricité de Villennes), écrivit au préfet qu' "il se passe des choses extraordinaires à Villennes" :

Après information auprès du maire, le préfet invita MM. Chanoit à donner des ordres, afin qu'il soit remédié aux inconvénients des travaux de canalisation.

Voici le plan du réseau initial :

Plan du réseau de distribution d'eau en 1910

Un réseau de distribution,
à partir d'une source à mi-hauteur

Pendant quelques décennies, les Villennois ont bu et utilisé les eaux des sources du Parc.

Captées depuis l'aménagement du Parc, vers 1869, par le propriétaire du château, Jean Baptiste Paradis, leur eau est canalisée jusqu'à la grotte, qu'il a fait construire, puis alimente la rivière anglaise qui traverse tout le parc avant de rejoindre la Seine.

Plan des sources du Parc

Les photographies, qui suivent, vous font visiter :

Entrée de la galerie des sources
Conduite dans la galerie
Intérieur de la galerie des sources
Source 1
Source 2
Bassin supérieur, intérieur
Bassin supérieur, extérieur
Cuve de stockage de l'eau

Le réseau de distribution comprenait alors deux parties distinctes :

Un rapport technique a décrit de manière détaillée, en 1927, les moyens qui étaient alors utilisés :

Les communes de Villennes et de Médan sont alimentées actuellement au moyen des eaux de la source du Parc de Villennes.

Cette source qui apparaît au jour à la cote 39,31 m au fond d'une galerie de captation forée dans le coteau, tombe, à la sortie de cette galerie, d'une hauteur de 9 mètres dans une petite rivière qui, après avoir traversé plusieurs propriétés du Parc de Villennes sur une longueur totale de 800 mètres environ, se jette dans la Seine.

L'altitude de cette source permet de la distribuer par gravité dans un réseau de canalisations dit de basse pression situé entièrement sur le territoire de la Commune de Villennes (au dessous de la cote 39 mètres).

Pour assurer l'alimentation des parties hautes de cette Commune et celles de Médan, il a fallu recourir à un relèvement mécanique des eaux de source.

Réservoir du Bois des Falaises

Ce relèvement est fait au moyen de 2 groupes élévatoires distincts : l'un est constitué par une machine Samain à colonne d'eau utilisant la chute d'eau de 9 ms dont il est parlé plus haut, et refoulant les eaux dans un réservoir situé à la cote 85 mètres dans le bois des Falaises. Le volume d'eau ainsi élevé varie de 2 m3 50 à 2 m3 75 par heure. Une 2e machine à colonne d'eau mais d'un autre type sert de réserve en cas d'accident. Le 2e groupe élévatoire est formé par un moteur à gaz Japy de 7,5 HP actionnant une pompe centrifuge Weise et Monski capable de refouler de 12 à 15 m3 à l'heure à une hauteur manométrique oscillant de 55 à 60 mètres suivant les variations de la perte de charge dans la conduite de refoulement de 110 m/m de diamètre qui réunit ces diverses machines à un réservoir situé dans le bois des Falaises.

Cette conduite maîtresse de refoulement (qui aboutit au fond de ce réservoir) alimente, sur son parcours, un ensemble de conduites de distribution de 60 m/m de diamètre qui sont installées dans toutes les rues de l'agglomération de la Commune de Villennes. Un de ces branchements se prolonge jusqu'à Médan. Cet ensemble de canalisations constitue le réseau dit de haute pression.

On termine actuellement l'installation d'un 3e groupe élévatoire de réserve comprenant, comme le précédent, un moteur à gaz Japy de 7,5 HP et une pompe centrifuge.

Pendant les mois d'hiver et une partie de ceux d'été la machine Samain suffisait au début, en 1911, à alimenter le réseau de haute pression mais au fur et à mesure du développement de la consommation, l'insuffisance du débit de cette machine ne lui permettant plus d'assurer le service, on fut obligé de mettre en marche de plus en plus fréquemment le groupe élévatoire Japy. Cette année, par exemple, il a fallu, même pendant les mois d'hiver, recourir à l'emploi du moteur à gaz qui a dû fonctionner jusqu'à 16 heures par jour pendant l'été. Les machines à colonnes d'eau doivent être arrêtées pendant la marche des moteurs à gaz, l'eau motrice devenant alors insuffisante pour les actionner.

Sur le seul territoire de la Commune de Villennes le réseau de haute pression comporte :
1.370 ms de conduite de 110 m/m (refoulement)
3.250 ms de conduite de 60 m/m (distribution)

Le réseau de basse pression, de son côté, est constitué par :
     85 ms de conduite de 135 m/m
   225 ms de conduite de 110 m/m
2.425 ms de conduite de   80 m/m
   625 ms de conduite de   60 m/m

La Commune de Médan est alimentée en haute pression par une conduite de 60 m/m et 2.000 m de long. [...]

Les conduites de basse pression sont en fonte du type Lavril à joints de caoutchouc, celles de haute pression sont en fonte jointe au plomb coulé et matté à cordon et emboîtement.

Le réservoir installé dans le bois des Falaises est en ciment armé de forme cylindrique, couvert et d'une contenance de 300 m3.  [...]

Police d'abonnement au service des eaux, 1911

L'une des premières polices d'abonnement au service de l'exploitation des "Eaux des sources du Parc de Villennes" ... et une quittance.

Quittance du service des eaux, 1912

Extensions du réseau

Le conseil municipal décida, à la demande du concessionnaire du service communal des eaux, après autorisation de M. Binet, propriétaire, que le service des eaux du Bois des Falaises serait compris définitivement dans le réseau municipal.

En février 1911, il fit ajouter six prises d'eau aux cinq bouches d'incendie que le concessionnaire s'était engagé à installer. En juillet, il décida l'installation, au cimetière, d'une "concession d'eau" au tarif le plus réduit mais il voulu limiter les frais en n'acquérant pas un compteur qui ne paraissait pas nécessaire, attendu que les prises d'eau ne se faisaient guère que pendant l'été.

En août 1912, la soumission-marché à forfait établie par MM. Chanoit frères, a été acceptée pour l'installation de l'eau de source dans les deux écoles de Villennes (centre) et au cimetière, ainsi que cinq bouches d'incendie réparties dans l'agglomération du chef-lieu communal.

Au début de la guerre, au printemps suivant, au début de la guerre, le maire intervint auprès de la société concessionnaire du service en faveur "de petits propriétaires qui ont payé leur abonnement d'eau mais ne viendront pas louer cette année".

En octobre 1915, MM. Chanoit Frères écrivirent au maire qui avait demandé le déplacement de la bouche d'égout située en face de la porte d'entrée de sa villa. Ils acceptèrent, tout en demandant si la société du gaz avait le droit, comme elle le prétendait, d'augmenter le prix de son gaz.

Bulletin d'analyse de l'eau en 1916

En janvier 1916, le conseil municipal chargea la commission des travaux d'étudier le projet de canalisation des eaux du Coquart et d'obtenir les autorisations nécessaires des propriétaires. En octobre 1921, il a adopté la soumission de M. Perret Joannès, entrepreneur de travaux publics, pour l'établissement d'une canalisation dans la rue Parvery (3000 F).

Le nombre d'abonnés augmentait régulièrement ainsi que leur consommation, sauf pendant les deux dernières années de la guerre de 1914-1918, comme le montre le tableau suivant, ne comprenant pas la fourniture gratuite à la commune, restée constante :

Graphique de l'évolution du nombre d'abonnés et de la consommation d'eau

Les principales caractéristiques du développement du service de distribution d'eau, en une décennie, sont les suivantes :

La plupart des abonnés se trouvaient dans les deux premières tranches du tarif : moins de 250 litres par jour, puis moins de 500 l/j.

Une conduite a été installée en 1928 sous le chemin de Seine. Ce n'est qu'en 1937 que l'eau a été distribuée dans les hameaux de la Clémenterie et de Breteuil.

La borne-fontaine de la Fontaine

Les eaux du lavoir de la Fontaine et du puits de la rue du Regard étant fréquemment contaminées, le conseil municipal considérait, en juillet 1916, "qu'il est de toute nécessité au point de vue de l'hygiène et de la santé publique de pourvoir d'eau de source le quartier de la Fontaine habité en général par des familles peu fortunées".

Il décida de placer une borne-fontaine dans ce quartier, dont les habitants allaient parfois chercher l'eau nécessaire aux besoins du ménage au grand lavoir ou à la borne-fontaine du Sophora.

Borne-fontaine
Emplacement actuel de la borne-fontaine

L'aspect actuel de son emplacement,
à l'angle de la rue du Regard et de la rue de la Fontaine

Il a été demandé aux Frères Chanoit de l'alimenter en eau, en échange de l'abandon des 180 m3 qu'ils doivent fournir gratuitement chaque année pour l'arrosage des rues ; " ils ne devraient pas subir de préjudice, le quartier étant habité par des familles peu fortunées qui ne prendront jamais de concession d'eau". La commune, devant prévoir exactement la dépense à son budget, n'accepte pas de payer l'eau selon la consommation mesurée par compteur ; un accord a été trouvé pour un abonnement forfaitaire, sur la base de 2 m3 par jour. Un écriteau a interdit, sous peine de contravention, tout usage de l'eau autre que la boisson et la cuisine, les autres besoins étant couverts par le lavoir de la Fontaine voisin.

L'installation de la borne-fontaine avait été prévue au budget de 1916 (1000 F). MM. Chanoit Frères avaient consenti à un abonnement annuel de 100 F ; le devis de l'installation, à la charge de la commune, a été de 751,39 F. Le conseil municipal décida d'accepter les propositions et de faire installer la borne-fontaine dans le plus bref délai possible.

Dès l'installation de la nouvelle borne-fontaine, son fonctionnement et son arrêt se sont montrés difficiles. Selon le concessionnaire, en octobre 1916, la borne qu'elle avait fournie "est d'un système qui a fait ses preuves ainsi que la plus ou moins grande dureté de son levier et l'irrégularité de son débit ne sont qu'une question de réglage".

Contrat d'abonnement pour la borne-fontaine

Début août 1917, un contrat a été passé avec MM. Chanoit, pour la fourniture d'eau à forfait et sans compteur à la borne-fontaine, leur consentant une redevance annuelle de 100 F.



En janvier 1933, un abonnement de 1000 litres par jour a été  établi pour l'alimentation de la borne-fontaine.

Elle a été  utilisée jusqu'à la Seconde Guerre mondiale : en juillet 1939, la municipalité a recensé les immeubles sans eau dans le quartier de la Fontaine et a fait établir par la société concessionnaire de la distribution de l'eau un devis pour les branchements que nécessiterait la suppression de la borne-fontaine.

Refus répétés de l'augmentation du prix de l'eau

En novembre 1916, l'augmentation du prix du gaz, qui était utilisé pour le moteur de la pompe, a conduit MM. Chanoit à vouloir augmenter celui de l'eau. Ils ont fait valoir que le prix de l'eau était plus élevé dans la plupart des villes de Seine et Oise. Ils proposèrent que seul le prix de l'eau consommée en supplément des abonnements soit augmenté et porté à 0,60 F le m3 au lieu de 0,50 F.

Considérant que le service des eaux restait rémunérateur, le conseil municipal n'accepta pas les prétentions des concessionnaires et s'opposa à l'augmentation : "En effet, ceux-ci bénéficient de la totalité des abonnements qui leur sont acquis même lorsque les abonnés ne consomment pas d'eau pendant la majeure partie de l'année comme c'est le cas dans la commune. Le moteur à gaz ne fonctionnant que peu de temps au cours de l'année, l'augmentation du prix du gaz ne peut occasionner aux concessionnaires qu'une légère diminution de bénéfice".

Le préfet répondit au maire qui lui avait demandé s'il était fondé à résister à l'augmentation projetée : les concessionnaires des communes d'Epinay-sous-Sénart, d'Ezanville, de Guyancourt, de Montgeron, de Sucy-en-Brie et de Viry-Châtillon n'avaient formulé aucune demande d'augmentation des prix. A Carrières-St Denis, Evry-Petit-Bourg, Rambouillet et Soisy-sous-Etiolles, les conventions intervenues avaient donné lieu à des contestations qui ont été réglées à l'amiable.

Suite au manque de gaz, le moteur de la pompe, de 12 chevaux,  a été transformé, en 1918, pour fonctionner à l'essence.

Les frères Chanoit demandèrent, en 1919, une nouvelle augmentation des tarifs, faisant référence à cinq arrêts nouveaux du Conseil d'Etat sur la question des charges extra-contractuelles provoquées par la guerre, qui grevaient les concessions d'eau, de gaz et d'électricité. Ils ont déclaré que "les circonstances (manque de gaz, nécessité de marcher à l'essence, hausse des matières premières pour la réparation des machines, majoration des salaires, ...) ont lourdement grevé leurs frais généraux et le bilan de leur exploitation montre un bénéfice absolument nul, ne couvrant pas l'intérêt du capital engagé dans l'affaire". Ils ontproposéune augmentation de 30 %, à partir de juillet pour les suppléments et de 1920 pour les abonnements, tout en menaçant d'avoir recours au Conseil d'Etat s'il n'y avait pas d'entente amiable (le Conseil d'Etat avait accordé des augmentations de plus de 40 % dans d'autres affaires). Le préfet, dont le maire avait sollicité l'avis, répondit que son administration ne pouvait pas être appelée à juger de la valeur des motifs sur lesquels la Maison Chanoit s'appuiyait pour imposer l'augmentation de ses tarifs. Un avenant du contrat fixa de nouveaux tarifs.

Voici l'étrange proposition, faite par la société en septembre 1920 :

[...] Nous sommes tout disposés à vous être agréable et à vous accorder une certaine quantité d'eau gratuite pour l'urinoir que vous comptez installer place de la gare.

Nous vous demanderons, en échange, de bien vouloir examiner avec bienveillance la demande de relèvement des tarifs d'abonnement d'eau que nous serons certainement obligés de vous faire l'année prochaine si les hausses extracontractuelles qui grèvent notre exploitation continuent à sévir d'une façon aussi désastreuse pour nous. [...]

En-tête Chanoit Frères, 1922

En décembre, le conseil municipal approuva de manière absolue les termes de la réponse négative que le maire avait faite à une nouvelle demande des frères Chanoit pour l'augmentation des tarifs d'eau.

Ils n'ont obtenu satisfaction qu'en octobre 1922, après avoir annoncé que leur exploitation à Villennes été déficitaire : le conseil municipal a fait examiner leur comptabilité par un expert-comptable puis a ratifié l'augmentation des prix de l'eau, bien qu'il regrettait que la Commission de l'eau n'ait pas pu être entendue par l'expert, M. Felix, ingénieur des Ponts et Chaussées à Versailles.

Voici, en francs, l'évolution des tarifs, en fonction de l'abonnement selon le volume d'eau :

litres par jour 125 250 500 1000 > 1000
1910
35 60 110 100 par m³/j suppl.
1919
45 75 140 120 par m³/j suppl.
1922 36 70 137 259 445 par m³/j suppl.
1927 61 121 237 459

Proposition de vente du réseau
et des installations à la commune

Avant ces augmentations de 1922, le concessionnaire du service avait envisagé de mettre fin à son contrat, avec cette annonce en février 1921 :

En raison de profondes modifications dans nos familles (départ au régiment d'un de nos fils spécialement chargé de Villennes, mauvais état général de nos santés respectives, qui ne nous permet plus de mener de front deux affaires d'eau, dont l'une, celle de Villeneuve et environs, absorbe tout notre temps, nous sommes décidés à vendre notre affaire d'eau de Villennes.

Ils ont proposé à la municipalité de lui céder en toute propriété l'ensemble du service des eaux de la commune, comprenant :

L'évaluation totale à dire d'expert s'élevait à la somme de 396 007 F, mais MM. Chanoit proposèrent de fixer le prix de la cession à 235 000 F. Le conseil désigna six membres de la commission des finances et de celle des travaux pour étudier cette question et déposer un rapport. En avril, le maire demanda au préfet quelle subvention la commune pourrait espérer obtenir du pari mutuel pour diminuer la dépense de l'achat du service des eaux. MM. Chanoit étaient-ils concessionnaires du service des eaux pour un temps déterminé ou propriétaires du système d'alimentation et du réseau de distribution d'eau dans la commune ? Le préfet répondit qu'ils étaient propriétaires de la source et du réseau de distribution d'eau.

Le mois suivant, le préfet transmit la demande de subvention du pari mutuel au ministère de l'Agriculture (Direction Générale des Eaux et Forêts, Service de l'Hydraulique et des améliorations agricoles). Celui-ci lui demanda de faire savoir dans quelles conditions devait s'opérer le rachat et quel était le but recherché par la municipalité. Le maire répondit que le rachat se ferait uniquement si l'affaire paraissait avantageuse pour la commune et si elle pouvait obtenir une grosse subvention ; l'exploitation se ferait dans les mêmes conditions en l'améliorant et en étendant, selon les moyens, le réseau des canalisations existantes. Pour le préfet, ces renseignements étaient insuffisants, la but recherché par la municipalité devant être présenté avec un projet d'extension.

En août, le conseil municipal rejeta la proposition de MM. Chanoit Frères qui ne paraissait nullement avantageuse pour la commune.

Cession à la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage

La vente de l'entreprise de distribution d'eau de Villennes à la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage a été effective le 1er janvier 1923.

Le service de l'exploitation a été suivi directement par la Société des Eaux du Vésinet.

En-tête de la Société Lyonnaise des Eaux, 1927

Lettre de la SLEE concernant le rachat de l'entreprise Chanoit
Robinet dans la galerie des sources

En janvier 1927, le conseil municipal refusa de payer les réparations d'un robinet, situé dans l'établissement de la SLEE !

Le débit de l'eau ne s'était pas amélioré

Quelques habitants de Villennes, qui n'avaient pas obtenu de réponse à plusieurs demandes, adressèrent une pétition : ils se plaignaient du "manque de distribution d'eau" et réclamaient la haute pression, demandant que le conseil municipal intervienne auprès de la Compagnie des Eaux. Des commerçants du centre (un entrepreneur de peinture, l'hôtel du Berceau, le bazar-hôtel et un coiffeur) adressèrent également une plainte dans le but "d'obtenir la haute pression". Enfin, c'est l'Association amicale des propriétaires de l'Île de Villennes qui s'est plainte du manque d'eau et de la pression insuffisante.

En juillet, le conseil décida de prolonger le traité avec la Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage jusqu'au 31 décembre 1963. Il reporta la décision de la construction d'un réservoir d'une contenance de 300 m3 environ, destiné à assurer dans toute la partie de la distribution d'eau, desservie en basse-pression, une pression moyenne de 20 mètres au dessus du sol :

Le projet d'avenant a été adopté en août.

En novembre de cette année 1927, le conseil accepta la demande de la SLEE : elle installera le nouveau réservoir, destiné à maintenir la pression constante, dans le square de Marolles (appelé "Place verte" de nos jours), en bordure de la rue du Maréchal Gallieni.

En contrepartie, elle installera une canalisation dans la Ravine, elle posera trois bancs en ciment armé et agrémentera l'emplacement du réservoir par un jardin de fleurs qu'elle entretiendra.

La Place Verte

En décembre 1929, la pression restait très variable, selon la saison, comme l'a montré une plainte du Groupement de la Nourrée :

L'eau n'arrive plus que très faiblement aux premiers étages des maisons de notre chemin et, dans ces conditions, nous ne pouvons plus faire usage de nos appareils de bain.

En été, on souffre quelquefois d'un excès de pression qui risque de faire sauter nos appareils.

Le château d'eau

Un autre réservoir a été installé ultérieurement, sous la forme d'un château d'eau, à proximité du chemin de Groux.

Qui était propriétaire de la source ?

On dit [...]
Qu'il n'y a toujours pas d'eau dans l'abreuvoir de la rue Parvery,
Qu'il n'en coule plus sur le rocher de la propriété Lotiron, sauf à de très rares moments.
Que la rivière qui traverse le Parc ne reçoit plus la quantité à laquelle elle a droit.
Comme la source de Villennes n'est pas tarie, les uns supposent que l'eau doit être envoyée à Vernouillet, les autres croient qu'elle est dirigée sur Breteuil.

Journal de Poissy, Meulan, Saint-Germain-en-Laye, Rueil, Maisons-Laffitte, Marly-le-Roi, Rueil, 15/8/1929

En cette année 1929, la SLEE avait capté entièrement l'eau de la source, pour alimenter les villes de Médan et de Vernouillet, ne laissant que 200 m3 (par seconde), prévus contractuellement, pour la "rivière l'Anglaise". Le résultat a été que la cascade, qui faisait suite à la grotte, n'existait plus et que le rocher était à sec.

La question de l'eau

Il y a un an, des énergies se sont manifestées pour critiquer les membres du Conseil sortant au sujet de l'eau de la source de Villennes que le concessionnaire venait d'envoyer à Vernouillet et il leur était reproché de n'avoir rien fait à ce sujet pour la défense des intérêts de la commune.
Dans l'intérêt général, je tiens à signaler, si ma mémoire ne fait pas défaut, que d'ici très peu de temps la prescription trentenaire peut produire son effet pour le maintien des canalisations d'eau en dehors de la commune.
La période électorale est venue interrompre l'étude que j'avais commencée. Ce moment passé, j'ai pensé normalement que la question serait reprise par l'une de ces énergies, tout au moins.
Passons. Ceci n'est qu'un à-côté de l'affaire. Le principal était de savoir à qui appartient la source.
Je donne, ci-après, un exposé très sommaire du résultat de mes recherches.
Un simple coup d'œil sur le plan cadastral indique que cette source appartenait à la commune avant que le propriétaire du Parc ait demandé de faire un échange de terrains avec ceux de la commune, dans le but :
1° de supprimer la rue de la Procession (prolongeant la rue de la Mairie pour se continuer en tournant derrière la propriété de la Compagnie des Eaux et venant aboutir rue Parvery, en face la ruelle de la Lombarde) ainsi que le lavoir et l'abreuvoir communal existant dans cette rue, alimentés tous deux par la source et dont les eaux usées continuaient de s'écouler sur le sol pour aller se jeter dans un trou perdu qui aboutissait à la Seine en traversant le Château.
2° de pouvoir prolonger la rue Parvery pour qu'elle rejoigne la rue des Ecoles (Le terrain entre ces deux voies appartenant au Parc).
Pour effectuer ce travail, ou a dû surélever le profil de la route, obligeant ainsi le propriétaire du Parc, qui en avait la charge, de prolonger la galerie de la source depuis son entrée, située rue du Pavé (de la Mairie), jusqu'au rocher actuel, en passant sous la route prolongée. La rue du Pavé fut par suite remblayée pour qu'elle puisse se raccorder à niveau avec la nouvelle voie située en dessous, ce qui eut pour résultat de boucher le regard qui donnait dans la galerie (on voit encore actuellement les traces du cintre de la voûte dans le mur de l'école des garçons en face la ruelle de la Lombarde ; l'entrée de la galerie se trouvait vers le tuyau de descente des eaux usées provenant de la terrasse de la cour d'entrée du logement de l'instituteur).
L'eau captée à sa sortie de la galerie fut alors dérivée pour l'alimentation de la rivière « l'Anglaise » dont le lit fut creusé à cet effet. Un nouveau lavoir ainsi qu'un abreuvoir furent reconstruits rue Parvery par le propriétaire du Parc, en remplacement des installations supprimées rue de la Procession. (Le nouvel abreuvoir n'est plus alimenté !)
Jusqu'ici, il n'apparaît pas que la source ait été vendue ou cédée. Le propriétaire du Parc, tous travaux terminés, ne pouvait jouir légalement des eaux qu'à leur passage sur sa propriété. Il prenait, en outre, la servitude d'entretien du mur de soutènement qui maintient le sol de la rue Parvery. Depuis cette époque, la commune paraît s'être laissée diriger par le propriétaire du Parc. Par suite d'opérations ultérieures, la servitude d'entretien du mur a été repassée à la commune.
Or, on nous prétend maintenant que la source n'est pas propriété communale (partie comprise entre l'entrée actuelle de la galerie et l'endroit où elle jaillit du sol, c'est-à-dire sur une longueur au moins de 80 mètres située dans le terrain appartenant à la commune.
Résultat : la commune possédait une source qui fait une fortune et n'avait pas de servitude ; maintenant, elle n'aurait plus de source et elle a les charges ! Ce qui est communal et d'utilité publique ne s'annihile pas si aisément. Jusqu'à preuve du contraire, je maintiens que cette source appartient à la commune ; que l'on peut rouvrir le regard, si besoin est, et que le concessionnaire pour la distribution de l'eau n'a pas le droit d'effectuer des travaux dans la galerie sans autorisation et sans le contrôle de la commune.
MM. Chanoit, ou le premier propriétaire qui a vendu cette source, a cédé ce qui ne lui appartenait pas. La Lyonnaise fait état d'un acte de vente. Peut-on réellement vendre une source ? Je ne le pense pas. On vend une propriété dans laquelle se trouve une source ou un cours d'eau, mais pas la source ou le cours d'eau qui est susceptible, de par la nature, de pouvoir disparaître un jour ou l'autre.
Depuis un an, d'autres travaux ont été entrepris ; l'eau ne fait plus cascade sur le rocher de la propriété immédiatement intérieure (c'était pourtant l'idée et le but poursuivi par l'auteur des nouvelles installations) au grand détriment des propriétaires de la rivière qui ne reçoit plus, indépendamment des 200 mètres cubes qui lui sont dus journellement, le supplément d'eau auquel ces propriétaires peuvent prétendre avoir droit par suite d'une situation plus que trentenaire (question à étudier). Rien que cette particularité semble être en dehors de l'exposé qui précède, elle parait cependant devoir être considérée comme connexe. On trouvera chez Me Binet, notaire à Poissy, une réponse de la Lyonnaise donnant suite à ma première réclamation à ce sujet.
Si j'ai observé le silence, il y a un an, c'est que je ne voulais pas renseigner la Lyonnaise sur le résultat de mes recherches, étant donné surtout qu'elles n'étaient pas terminées ; elle était cependant bien [au] courant que je n'admettais pas sa thèse.

J'ajoute que je crois savoir qu'un nouveau projet est en cours d'étude et dont la réalisation ne sera pas, encore une fois, au bénéfice de la commune.

Picard.

Journal de Poissy, organe des cantons de Poissy, Meulan,
Saint-Germain-en-Laye, Rueil, Maisons-Laffitte, Marly-le-Roi, Rueil
, 1/5/1930

La municipalité s'est aperçue que, dans les actes de cession du terrain au concessionnaire, celui-ci était désigné comme le propriétaire de la source alors qu'elle prendait naissance sur un terrain de la commune. Elle Envisageant un procès, elle souhaita recueillir les témoignages d'anciens Villennois sur l'ancien état des lieux.

Le maire protesta auprès de la compagnie contre les traités ou conventions, qu'elle avait établis avec les municipalités de Médan et de Vernouillet :

[...] Vous ne pouvez pas distribuer ou vendre à l'extérieur de la commune de Villennes l'eau qui provient de la source, sans autorisation de la commune.

Distribution de l'eau du forage artésien de Migneaux

En décembre 1932, le concessionnaire informa le maire d'un problème et de la solution proposée :

Par suite d'une perturbation accidentelle, survenue aux sources de Villennes, la qualité de l'eau laissant actuellement à désirer, nous avons l'honneur de vous demander de bien vouloir porter à la connaissance des habitants de votre Commune qu'il est indispensable, jusqu'à nouvel avis, de faire bouillir l'eau de notre distribution.

Nous recherchons les causes de cette contamination et nous prenons les précautions qui s'imposent en javellisant l'eau.

En outre, afin d'éviter que pareil fait se reproduise, notre société, désireuse d'apporter un service de tout premier ordre en livrant à la population une eau naturellement pure, a pris la décision d'exécuter les travaux nécessaires, pour substituer, provisoirement, aux eaux actuelles les eaux artésiennes du forage artésien de Migneaux à Poissy qui sont de toute première qualité tant au point de vue chimique que bactériologique.

En avril 1933, M. Hauët, président du Syndicat d'initiative, écrivit au maire :

[...] Il serait à souhaiter que l'eau d'alimentation provenant de Migneaux soit au plus tôt livrée à la consommation. Il est hors de doute qu'il résulte de ce retard dans la distribution de l'eau à l'habitant, une grande gêne qui ne peut que favoriser les marchands d'eau minérale, après que la Municipalité a fait prévenir, à son de tambour, la population de s'abstenir de boire l'eau de source, sans la faire bouillir.

Cette eau artésienne a été, à nouveau, distribuée lors d'un autre incident, en juillet 1935, des dépôts ayant troublé la distribution.

En-tête de la Société Lyonnaise des Eaux, 1936

La Société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage jugea alors que cette eau "est la meilleure de toutes celles qui sont utilisées en région Parisienne, tant au point de vue bactériologique que comme teneur en calcaire".

Elle reconnaissait toutefois que les eaux des forages artésiens avaient l'inconvénient d'être ferrugineuses et de précipiter des dépôts ferreux sur les parois des canalisations, qui pouvaient se détacher et troubler l'eau. Elle étudiait un dispositif pour arrêter ces dépôts.

En novembre 1935, un grave incident a fait distribuer une eau contenant au moins 3 cm3 de boue ferrugineuse par litre d'eau. Le boulanger a été obligé d'aller chercher de l'eau de pluie chez un voisin pour pouvoir faire son pain ; tous les abonnés branchés sur la "haute pression" ont été privés d'eau, car elle n'était utilisable pour aucun usage.

L'usine de Villennes de la Lyonnaise des Eaux

La SLEE a poursuivi l'exploitation des sources de Villennes. Un autre réservoir a été construit à l'angle de rue du Pré aux Moutons et de la route d'Orgeval. L'employé, qui en était chargé, était logé dans la maison située dans le haut de son terrain, avant qu'un gardien le remplace lorsqu'une eau d'origine plus lointaine a alimenté les Villennois.

Maison de l'employé de la Lyonnaise des Eaux
Maison de l'employé de la Lyonnaise des Eaux

Elle était déjà, à l'origine, la maison d'un gardien : celui de la propriété, qui comprenait la villa voisine, où habitait le directeur du centre de Poissy de cette entreprise.

Villa du directeur de la SLEE

Les pompes installées par MM. Chanoit Frères ont, semble-t-il, été remplacées plusieurs fois. La date de la construction du bâtiment qui les contient, encore de nos jours, figure au dessus de sa porte.

Bâtiment des pompes

Pompe de l'usine des eaux
Plan de l'installation de pompage

Voici un extrait d'un document intitulé "Usine de Villennes - Consignes générales de marche", trouvé dans le local où l'on peut encore voir de nos jours, mais inutilisées, les pompes et la cuve de javellisation de l'eau :

L'usine comprend deux groupes de reprise dans la bâche de stockage de l'eau de la source dont le débit est de 30 m3/h.

Le premier groupe refoule vers le réservoir de la place verte (T. P. 54) et a un débit de 20 m3/h. à 32 m. d'élévation.

Le second groupe refoule vers le réservoir des GROUX (T. P. 95) et a un débit de 25 m3/h. à 70 m. d'élévation.

Le débit de la source ainsi que la puissance électrique B. T. disponible ne permettent pas de faire fonctionner les deux groupes ensemble. En conséquence, en fonctionnement automatique les deux groupes fonctionnent de la manière suivante :

- Le groupe n°1 fonctionne en priorité pour l'alimentation du réservoir de la place verte.

- Le groupe n°2 se met en marche automatiquement lorsque le groupe n°1 s'arrête, le réservoir de la place verte étant plein.

Fontaines, lavoirs, puits et éoliennes