Jumelage de Villennes et Largo Area Community  :
présentation de l'histoire et du patrimoine villennois
à la délégation écossaise


La courte vidéo qui précède cet article est destinée à conserver la mémoire de la journée historique du 23 septembre 2023, en montrant Villennes pavoisée aux couleurs de l'Ecosse, des Villennois déambulant, rassemblés avec la délégation écossaise, derrière un Pipe Band. Celui-ci, avant le serment de jumelage, a interprété La Marseillaise, chantée par les personnes présentes à la mairie.

La contribution de l'ACV, la mémoire de Villennes pour cette journée a été la présentation de l'histoire et du patrimoine de notre village à la délégation écossaise constituée notamment du président et du vice-président de Largo Area Community, du représentant du gouvernement écossais à l'ambassade de la Grande-Bretagne et de deux jeunes filles représentant la jeunesse de Largo. Le comité de jumelage nous avait demandé de faire cet exposé devant le plan-relief ; nous y avons ajouté un tableau figurant Villennes en 1500 et une présentation extérieure de la grotte.

Afin que notre présentation limitée à 40 mn mais préparée depuis de nombreuses semaines, notamment pour établir les similitudes historiques entre les deux partenaires du jumelage, puisse rester utile, nous la reproduisons en l'illustrant. Je remercie notre ami Stuart Wood, membre actif de l'ACV, d'avoir traduit, à haute voix, ce texte au fur et à mesure qu'il le lisait.


I'm very pleased to welcome you to tell you a few words about the history and the heritage of our village which comprises two parts ; I suggest we call them Lower Villennes and Upper Villennes. As my language and my accent are neither english nor scottish and the time is short, my friend Stuart Wood will translate the speech I have written. He has scottish roots but he doesn't know the relationship between his family and your famous admiral of the scottish navy, Andrew Wood.


Le plan-relief

Ce plan-relief représente le village de Villennes en 1896, une année-charnière dans l'évolution du village agricole vers la cité de villégiature. Par manque de place, seule la partie centrale de Villennes, traversée par la Seine et par la ligne de chemin de fer, y figure.

Vous pouvez voir que le centre du village ne se trouvait pas ici mais au-dessus du parc du château qui occupait une place importante : les maisons et les rues de cette partie ancienne existent toujours. 

Voici le point où nous sommes, actuellement, [l'entrée de la Salle des Arts] à côté des bâtiments du château du XIXe siècle.


L'église


Ici se trouve l'église, qui est le bâtiment le plus ancien : elle a été construite à la fin du XIe siècle et au début du XIIe. Elle a été placée sous le patronage de Saint-Nicolas, protecteur de tous les marins, ceux des mers et ceux d'eau douce, les mariniers, la Seine ayant depuis longtemps constitué une voie de transport fluvial.

Je ne parlerai pas plus longtemps de l'église car vous la visiterez bientôt ; vous pourrez y voir, notamment, d'intéressants chapiteaux. Dans la mairie, a été placé le tableau La Pentecôte qui se trouvait dans l'église ; il avait été réalisé en 1648 par un peintre assez connu [Laurent de la Hyre].

Le deuxième château de Villennes

Ce petit château a été construit sur les communs du château des seigneurs par la fille et le gendre du dernier, qui avait été guillotiné après la Révolution française. Toutes ses propriétés avaient alors été vendues comme biens nationaux ; le château qui datait de la Renaissance avait été acquis, comme c'était souvent le cas, pour réutiliser ses pierres. Il se situait juste à côté de nous, perpendiculaire à l'avenue, entre le parc de la mairie et le jardin qui lui fait face. Nous verrons, tout à l'heure, les deux parties de ce petit château qui subsistent, en particulier sa façade. Elle comprend un fronton triangulaire comme celle de Largo House mais il ne contient pas le blason des propriétaires ; ses ornements évoquent les activités de Villennes à l'époque, l'agriculture et la viticulture.


Retour en arrière


Allons voir ce tableau réalisé par une artiste que je connais bien.


Elle y a représenté notre village, dont le nom était écrit autrement, vers 1500, le jour du mariage du fils du seigneur de Villennes avec la fille de celui de Médan, le village voisin. Elle a imaginé le château, dont nous n'avons pas d'image, à partir d'une ½uvre célèbre de cette époque  [Les riches heures du duc de Berry] mais divers éléments correspondent à la réalité historique :

- des travaux étaient en cours pour terminer la construction du château ;

- le clocher de l'église était à son emplacement primitif mais il avait été détruit par les Anglais pendant la guerre de Cent ans ;

- le cimetière se trouvait alors autour de l'église ;

- l'île était une prairie où pâturaient des bovins ;

- en face de l'église, à la place de la supérette et du café, se trouvait une grange ;

- tout le village, même dans sa partie basse, était couvert de champs et de vignes ;

- la guerre était terminée mais des soldats anglais patrouillaient toujours à cheval.

La pêche

Nous n'avons pas eu autant de pêcheurs professionnels qu'à Largo mais la capture de poissons de la Seine a fait vivre plusieurs familles. Nos pêcheurs ne faisaient pas traîner leurs filets par des bateaux, comme en mer, mais ils les tendaient en travers du fleuve et utilisaient des nasses.

La pêche de loisir a eu un rôle plus important dans le développement de Villennes. Au début du siècle dernier, de nombreux Parisiens venaient, les week-ends, pêcher soit à partir des rives du petit bras de la Seine soit sur des barques.


Les moulins 

Sur cette peinture de mon épouse, vous pouvez voir un moulin-bâteau qui était amarré au pont, certainement en bois à cette époque. Le courant actionnait une roue à aubes pour moudre le blé.



Retournons au plan-relief pour voir le moulin qui l'a remplacé sur le pont, lorsque que celui-ci a été reconstruit en pierres.

Malheureusement, ce pont n'était pas assez solide et une crue de la Seine l'a fait s'effondrer en 1818. Un autre moulin a été construit mais, déjà en 1896, il n'existait plus. Sa représentation, en ruines, sur ce plan-relief est donc une erreur mais celle-ci est volontaire pour rappeler cette activité. 

Comme le moulin de Lundin Mill, il servait à produire de la farine tandis que le moulin Largo Mill, qui utilisait aussi la force des eaux de la rivière Keil Burn, avait un usage industriel, pour la filature du lin puis la production d'huile. Vous aviez, également, un moulin actionné par des chevaux, celui de Largo home farm

Dans notre village, c'est le vent qui faisait tourner un autre moulin, dont il ne reste que la tour ; il est représenté sur le plan-relief dans Upper Villennes [3].

La ferme de Marolles

Alors qu'il y avait de nombreuses fermes à Villennes, seule la ferme de Marolles [4] reste exploitée. C'était la ferme du seigneur, qui a été reconstruite en 1784. Elle a, alors, été bâtie selon un plan rectangulaire comme Largo home farm, plus tard.

Le fermier utilisait des chevaux pour la culture de céréales et de pommes de terre. Il élevait des porcs, des bovins et des moutons mais ceux-ci ne disposaient pas d'un bassin de baignade comme ceux de Largo home farm.



L'île de Villennes 

Cette île de la Seine n'était qu'un grand pâturage ; vous n'y voyez que de petits bâtiments, qui accueillaient les bovins que le fermier de Marolles y conduisaient.

Il y a eu de nombreux conflits entre le meunier, qui encombrait le pont, et le fermier, lors du passage des troupeaux. Des b½ufs sont même tombés dans la Seine.

Le chemin de fer et les gares

Juste en face de l'autre côté de la place, vous avez pu voir notre gare dont nous avons célébré le centième anniversaire en 2011. Construite dans le parc du château, elle n'existait donc pas en 1896.

La première gare, représentée sur ce plan-relief [5], à côté du passsage à niveau, avait été construite, six ans plus tôt. Notre ligne de chemin de fer, qui ne devait pas passer par la vallée de la Seine, a été inaugurée en mai 1843 ; elle est donc plus ancienne que celle qui desservait Largo et Lundin Links, construite en 1857, mais notre village ne possédait alors qu'une halte, où les trains ne s'arrêtaient pas souvent. Alors que votre ligne a été fermée en 1966 et ses gares ont été démolies ensuite, pourquoi notre ligne est-elle toujours en activité ? Elle ne dessert pas que la banlieue ouest de Paris : dès l'origine, c'était une ligne nationale jusqu'à Rouen, étendue ensuite jusqu'au port du Havre. C'est pourquoi elle a intéressé les Britanniques qui ont fortement contribué à sa constrution, en apportant les financements, les ingénieurs, les ouvriers, les matériels roulants et les premiers conducteurs de locomotives.


Le Sophora

Cet arbre [6], planté en 1803 dans le jardin potager du château, devenu le jardin d'un restaurant, avait pris une très grande dimension et a été l'une des attractions de Villennes. Un jour, 196 personnes sont montées sur les branches de ce sophora !

Les premières villas

Le caractère de Villennes s'est modifié rapidement avec le développement du chemin de fer. Alors que des habitants de Glasgow et d'Edimbourg venaient profiter des plages de Lower Largo et de Lundin Links, des Parisiens devinrent de plus en plus nombreux à passer les fins de semaine au bord de la Seine, certains pour s'adonner à la pêche, pour pratiquer le canotage ou pour déjeuner dans l'un des nombreux restaurants qui s'établirent. Les plus fortunés y construisirent des villas.

Prenons trois exemples :



- Cette grande villa [7] qui était devenue une hôtellerie n'existe plus ; plusieurs immeubles d'habitation ont été construits dans son parc. Son premier propriétaire [Emile Magitot], qui était l'un des premiers médecins dentistes, soignait notamment l'empereur Napoleon III.

- Le pavillon de style mauresque de cette villa [8] abritait un petit théâtre. Elle avait été construite par un célèbre bottier parisien qui fabriquait des chaussures de luxe [Louis Constant Hellstern].

- Cette autre villa [9] a été bâtie par l'un des premiers Parisiens devenus maires de Villennes, un ancien directeur de théâtre [Louis Havez] ; elle fut acquise après son décès, alors qu'elle était encore en construction, par un écrivain très populaire [Pierre Decourcelle] qui participa au développement de la production de films de cinéma.

L'urbanisation, premiers lotissements

L'urbanisation de Villennes a commencé par les lotissements de plusieurs grandes propriétés :

- D'abord les deux parties du parc du château, séparées par la ligne de chemin de fer ;

- Ensuite, une partie d'une ancienne prairie, située entre les voies ferrées et la Seine ;

- Puis l'île, dont le lotissement n'a commencé, réellement, qu'après la Première Guerre mondiale. Des personnalités célèbres y ont habité dans les années 1950-1960.

Les parties manquantes sur le plan-relief

- L'Île de Platais

La commune de Villennes possède une partie d'une autre île de la Seine, du côté aval :

- C'est là qu'avait été établie, en 1927, la première cité naturiste de France. Le domaine de Physiopolis existe toujours mais les naturistes sont partis vers une île au climat plus chaud dans la mer Méditerranée.

- C'est dans cette île que se trouvait, également, la Plage de Villennes, qui était depuis 1935 un centre de loisirs important avec plusieurs bassins de natation, un restaurant et diverses attractions.

- Le château d'Acqueville

Il y avait à Villennes deux autres châteaux, situés de part et d'autre de la route qui conduit à la ville voisine, Poissy. Le domaine d'Acqueville comprend des bâtiments de diverses époques, depuis le Moyen Âge, dont le château construit à l'époque de la Renaissance. Malheureusement, il est à l'abandon depuis quelques années.

Nous espérons qu'il ne subira pas le même sort que le deuxième château.

- Le château de Migneaux

Bien qu'il ait été construit vers 1600, ce château pouvait faire penser à Largo House, qui n'est plus qu'une carcasse, suite à la démolition de son toit par l'un des derniers propriétaires. Complètement délabré après son abandon et son dépeçage, il a été détruit pour construire une résidence, en respectant, toutefois, le plan d'origine.

Nous n'avons pas eu, à Villennes, des marins tels que Andrew Wood et Alexander Selkirk mais deux familles d'armateurs. L'une d'elles [celle d'Alexandre Bordes], qui a été propriétaire de ce château, exploitait une flotte de navires à voile qui, au début du XXe siècle, était la plus importante du monde. Une vingtaine de ses trois-mâts avaient été construits en Ecosse par les chantiers navals de la Clyde.

Alors que le roi Louis XIV créait le parc de son château de Versailles avec des formes et des perspectives géométriques, l'un de ses dessinateurs de jardins [Charles Dufresny] avait acheté ce domaine et y avait aménagé le premier jardin paysager de France. Les Britanniques ont adopté ce concept qui est revenu, 80 ans plus tard, sous le nom « jardin à l'anglaise ».

Le parc, la rivière anglaise et la grotte

Le parc du château de Villennes fut transformé en 1869 par son propriétaire, un riche journaliste financier. Alors qu'il avait été aménagé avec des parterres rectangulaires et des allées rectilignes, il devint, également, un jardin paysager à l'anglaise. Nous allons en parler un peu plus, en allant voir le plus joli vestige de ce parc.

Le propriétaire, qui avait un nom édénique, Paradis (paradise in english), a dépensé beaucoup d'argent pour faire transformer ce parc de huit hectares par un paysagiste [Louis Sulpice Varé] qui avait, en particulier, aménagé le Bois de Boulogne à l'ouest de Paris. Celui-ci y avait créé une rivière artificielle, imitant la "Serpentine" de Hyde Park à Londres mais l'eau ne coulait pas bien car il avait mal calculé son nivellement ; elle fut remplacée par deux lacs de niveaux différents, séparés par une cascade. Il n'eut pas le même problème à Villennes où il reprit son projet à plus petite échelle.

Comme dans le Bois de Boulogne, il construisit une grotte artificielle ; celle-ci se trouve au point le plus élevé de l'ancien parc du château. La rivière qui en est issue, alimentée par une source située plus haut, est toujours nommée « rivière anglaise ». Avant de rejoindre la Seine, elle sinue dans les jardins de plusieurs villas, dont celle qui est devenue la mairie.

L'eau qui arrive ici a été bue et utilisée par des Villennois pendant plusieurs dizaines d'années, d'abord par ceux qui avaient construit des villas dans le parc du château. Vous pouvez voir, à gauche, le bâtiment qui abritait les pompes utilisées pour élever l'eau vers Upper Villennes.

Les Villennois ne buvaient pas que de l'eau mais aussi du vin produit localement. J'aurais aimé terminer ma présentation en vous offrant un verre de vin de Villennes, qui était servi au début du XXe siècle dans tous les restaurants du village, mais il n'y en a plus. Le seigneur de Villennes en produisait dans son pressoir qui se trouvait un peu plus haut. En 1815, il y avait plus de vignerons que d'agriculteurs.

Dans vingt ans, quand nos petits-enfants rendront visite aux habitants de Largo, ceux-ci pourraient leur proposer un verre de vin local. Ce n'est pas une utopie en raison du réchauffement climatique, de nombreux vignobles existant déjà en Angleterre. Nous pouvons déjà boire, en Ecosse, le vin de l'île de Selkirk [le marin de Lower Largo dont les aventures ont inspiré Daniel Defoe pour celles de Robinson Crusoe] mais il y est, seulement, mis en bouteilles après avoir été produit au Chili.

Toutefois, un premier vin, issu d'un vignoble écossais, a été commercialisé en 2015. Malheureusement, l'apprenti vigneron [le chef et chroniqueur culinaire Christopher Trotter] avait raté sa cuvée et, n'ayant pu améliorer, suffisamment, la qualité, il a dû arracher ses vignes trois ans plus tard. Celles-ci se trouvaient à Upper Largo et le domaine avait été nommé Château Largo !


Michel Kohn


Pour lire les informations sur l'histoire et le patrimoine de Largo Area Community, auxquelles ce texte fait référence, cliquez ici.