Le premier presbytère, vendu comme bien national

 

La maison voisine de l'église abrite la cure jusqu'à la Révolution.

Cette ancienne maison presbytérale a plusieurs propriétaires après sa vente, comme bien national, le 13 fructidor an IV.

La maison commune : ardue cohabitation entre le curé et l'instituteur

Marie Marthe de Cotte, veuve de l'avant-dernier seigneur, lègue aux villennois, en 1777, une maison pour que deux religieuses, soeurs de Nevers, y instruisent les filles et soignent les pauvres malades.

Vendue également comme bien national en 1794, elle devient la propriété de la commune pour servir de maison commune (mairie) et d'école.

Cette maison de la rue de l'école sert également de presbytère, après le rétablissement du culte en 1813, ainsi que, bientôt, de logement de l'instituteur jusqu'à la construction de la nouvelle mairie-école.

 

Elle est utilisée ensuite uniquement comme presbytère, mais le garde-champêtre y sera logé, avec le curé, pendant quelques temps, après l'accord du préfet et de l'évêque.

Pour le curé l'inconvénient est la distance qui sépare le presbytère de l'église. En 1855, à la demande de l'autorité ecclésiastique, le conseil municipal envisage de transférer le presbytère dans une maison en vente (après le décès de sa propriétaire, Madame Simon). Des habitants de Villennes sont disposés à participer à la dépense.

Ce projet n'a pas de suite de même que le retour dans l'immeuble voisin de l'église, dont le propriétaire est disposé, en mai 1862, à le vendre ou à l'échanger contre la maison, où se trouve encore le presbytère, "distante d'un kilomètre".

Une donation pour construire un nouveau presbytère, difficile à accepter

Le conseil municipal accepte une donation

En août 1877, M. du Courthial de Lassuchette, le propriétaire du château d'Acqueville, écrit au maire de Villennes :

[...] En exécution des désirs de Melle de Latour de Foissac, décédée à Cannes le 2 mars 1877, MM Henri et Victor de Lassuchette, ses légataires universels, ont l'intention de faire donation à ladite commune d'un immeuble qui serait affecté à l'installation d'un presbytère et d'une somme de six mille francs pour la même destination. [...]

Il offre, en fait, de faire abandon à la commune d'un terrain de 13 ares, proche de l'église, et de donner une somme de 6 000 F, à la charge de la commune d'y construire un presbytère, dans un délai d'un an après l'approbation des plans par le préfet. "Le terrain est une partie de l'ancienne propriété Hauran, sise à Villennes, lieu dit la Nourraye, à côté de l'église formant l'angle de la place de l'église et de la rue qui conduit au passage à niveau de la ligne de chemin de fer de Paris à Cherbourg".

En mars de l'année suivante, le conseil municipal est d'avis d'accepter cette "offre généreuse" et demande l'approbation du préfet. Seul, M. Laurent Daniel proteste.

La donation a effectivement lieu devant notaire, le 4 mai à Paris, par Jules Marie Jean Victor du Courthial de Lassuchette, sous-lieutenant au 3ème régiment de dragons, en garnison à Tours (Indre et Loire).

Etablissement et modification du devis

Un devis est établi à un montant total de 13 680 F. Le financement est étudié : la participation de la commune, complétant la somme de 6 000 F donnée par M. de Lassuchette, serait de 5 180 F. Le maire sollicite un secours pour les 2 500 F, qui restent à trouver. En novembre, le Ministre des Cultes allouera "sur les fonds de l'état un secours de 2 000 francs pour aider la commune à payer la dépense de construction d'un presbytère".

Fin juin, le préfet écrit au maire à propos de ce projet,dont les plans et le devis ont été acceptés par le donateur, le conseil municipal et le conseil de fabrique.

[...] J'ai dû consulter tout d'abord à cet égard M. l'Architecte Diocésain, qui a proposé l'approbation du projet, sous réserve de la suppression de l'office de la cuisine au profit de la cuisine qui aura ainsi 3 m dans chaque sens au lieu de 1 m 80 sur 3 m. [...]

Un délai irréaliste, imposé par le donateur

Le préfet indique ensuite que la commune ne pourra pas s'engager à accepter la donation avant le mois d'août, comme le stipule le préambule de l'acte de donation, car il doit soumettre le projet au Conseil Général, qui ne se réunira que le 19 août, avant de le transmettre au Ministre des Cultes. De plus, "les travaux ne pourraient être mis en adjudication, qu'autant que les ressources seraient complètement assurées". Il écrit, en conclusion :

Veuillez donc, je vous prie, insister auprès de M. de Lassuchette pour qu'il consente de modifier l'acte de donation, de manière à étendre, dans les limites les plus larges, le délai imparti à la commune de Villennes pour sa réalisation définitive.

En juillet, M. de Lassuchette père, mandataire de son fils, accepte, devant notaire, de proroger le délai jusqu'au 1er juillet 1879.

Problème de stationnement pendant les messes ?

En août, un courrier adressé au maire laisse penser qu'il y avait déjà, à l'époque des difficultés pour se garer près de l'église, lors de la messe du dimanche matin.

 

Madame de Lassuchette, signant Clle (colonelle) de Lassuchette, lui propose d'ajouter un hangar au presbytère.

Voici la transcription de ce courrier, reproduit partiellement ci-contre :

Monsieur le Maire,

Le devis du Presbytère que j'ai eu l'honneur de présenter à l'acceptation du conseil municipal ne comportait pas de hangar pour ne pas augmenter la dépense ; cet appendice étant cependant très utile à une maison de campagne, je profite de la réduction faite sur le devis de la maison par la suppression d'un office de cuisine pour offrir à la Commune une somme de deux cents francs à condition qu'elle fera construire un hangar conforme au plan général modifié par le devis ci-joint du sus-dit hangar et que moi, ma famille et mes héritiers habitant le château d'Acqueville aurons le droit d'abriter dans ce hangar une voiture et ses chevaux pendant les offices de l'Eglise ; cette jouissance s'éteindrait si le château d'Acqueville venait à sortir de mes

successeurs et de leur famille. Si le conseil municipal veut bien accepter la donation dans ces conditions, sa délibération sera mentionnée dans le reçu.

La dépense du hangar devant être d'environ 290 F, la donation actuelle et l'économie provenant de la suppression de l'office de la cuisine sont plus que suffisants pour couvrir cette dépense, la dépense totale à la charge de la commune sera donc inférieure à celle du devis primitif accepté par le conseil municipal. [...]

Le conseil municipal rejette la donation

Toutefois, le conseil municipal rejette la donation de M. de Lassuchette, en mai 1879, sans en préciser la raison. On peut penser qu'elle se situe dans une clause particulière de l'acte notarié : le terrain devra être restitué si le bâtiment construit n'est plus utilisé comme presbytère. Un mois plus tard, il confirme sa décision en précisant :

La commune étant propriétaire de deux maisons à usage d'école et de presbytère, la construction d'une troisième serait trop coûteuse et elle serait réservée à l'usage de presbytère, sans que la commune en soit propriétaire.

Le préfet impose l'acceptation de la donation

Le préfet prend l'arrêté suivant, après avoir rappelé tous les éléments du dossier, à la fin du mois de juin :

Considérant que la donation faite par M. de Lassuchette à la commune de Villennes pour la construction d'un presbytère est très avantageuse pour cette commune en ce qu'elle lui procurerait un presbytère, sans qu'elle ait à faire pour la réalisation de ce projet, un sacrifice extraordinaire ; considérant, d'ailleurs, que la dernière délibération du conseil municipal portant la date du 19 juin 1879 a été prise à la majorité de quatre voix contre une sur cinq votants ; que quatre conseillers étaient absents et qu'enfin le Conseil municipal de Villennes ne compte actuellement que neuf membres en exercice sur dix, nombre légal déterminé par l'importance de la population ;
Considérant que dans cette situation il est impossible d'admettre que la délibération précitée du 19 juin 1879 soit l'expression parfaitement exacte des vœux de la majorité de la population. Qu'il importe dès lors, en raison de l'expiration très prochaine du délai fixé par le donateur, d'assurer à la commune, au moins provisoirement, le bénéfice de la libéralité très avantageuse qui lui est offerte par M. de Lassuchette ;
Considérant au surplus que la dite donation est faite avec charges, et ne rentre pas dès lors parmi les objets que le Conseil municipal a le droit de régler par ses délibérations ;

Arrêtons :

Article 1er - La donation faite à la commune de Villennes par M. Jules Marie Jean Victor du Courthial de Lassuchette [...] est acceptée d'office.
La dite acceptation est faite à titre purement conservatoire et réserve faite de la décision définitive à intervenir.
Article 2. Il sera procédé, dans un délai qui sera prochainement déterminé, à des élections ayant pour objet de compléter au nombre légal le Conseil municipal de Villennes.

La construction du presbytère

Un nouveau presbytère sera construit sur ce terrain jouxtant l'église, mais au moins une dizaine d'années sera nécessaire avant que la décision puisse être prise, comme le montrent les travaux qui ont continué à être effectués dans le presbytère, situé dans la maison commune : en 1879, en 1887 (réparation du puits démoli en partie et pose d'une pompe en bois), en 1888 (réparation des combles en mauvais état), en 1890 (recreusement du puits, à sec, et installation d'une salle à manger, dans une partie de l'ancienne mairie, attenante à la cuisine).

Bâti vers 1906, le presbytère abritera, à la fin du 20ème siècle, des religieuses attachées à la paroisse, lorsque celle-ci ne disposera plus d'un curé.

A partir du début du siècle suivant, il sera utilisé pour loger des employés municipaux.