Le rôle du chemin de fer dans la transformation de Villennes, au début du vingtième siècle, est évident : rapprochant notre village de Paris, il a favorisé son développement, en apportant une nouvelle population, d'abord en villégiature saisonnière puis en résidence principale.

Le lotissement du parc du château a considérablement modifié son aspect ; il a également apporté l'opportunité de doter notre village d'une place, donnant accès à la nouvelle gare. La station du chemin de fer, devenue une gare en 1896, se situait encore alors à proximité de l'emplacement du passage à niveau actuel ; elle était l'une des plus importantes de la ligne Paris-Mantes pour le trafic voyageurs en été.

Etudes du projet et négociations

C'est en 1907 que le Conseil Municipal demande son déplacement de 100 mètres "en aval" ; il décide d'acquérir deux terrains : d'abord celui longeant le mur du presbytère pour l'ouverture de l'avenue qui conduira à la nouvelle gare puis celui situé en face "tant pour assurer dans l'avenir à la dite gare des dégagements éventuels que pour créer une place publique qui manque à la commune et dont le besoin se fait impérieusement sentir". Il est prévu que le premier sera acheté à M. Ernest Capdeville et que l'autre sera cédé gratuitement par M. Hippolyte Pichard du Page, propriétaire du château et de son parc.

A cette époque, il peut se passer beaucoup de temps entre une décision municipale et sa réalisation effective : il faudra 3 ans pour que le préfet donne son accord sur l'acquisition des terrains, sur les travaux et, en particulier, sur leur financement. En 1909, la commune souhaite porter de 22 000 à 30 000 francs le montant de l'emprunt demandé car son budget est alors grevé de manière importante par des travaux et par des dépenses imprévues :
- les frais nécessités par les intérêts de l'emprunt pour la nouvelle gare,
- des travaux supplémentaires exécutés à l'école des filles et au puits de Breteuil,
- les frais relatifs aux inondations,
- la nourriture et le couchage des soldats du génie qui ont séjourné à ce moment dans la commune.

En novembre 1910, une nouvelle demande d'autorisation est adressée au préfet après l'avis favorable du commissaire-enquêteur qui, sur onze déclarations, n'a reçu qu'une seule s'opposant à l'acquisition des terrains, en raison de la dépense jugée trop considérable. Un emprunt est consenti pour la somme prévue initialement, à rembourser en 30 ans au taux de 3,85 %. Les villennois seront soumis à une imposition extraordinaire de 6,20 %, à partir de 1911, pour couvrir les frais.

Une convention est signée avec M. Pichard du Page pour la cession de ses terrains, imposant à la commune les mêmes obligations que celles des acquéreurs des autres parcelles du parc en cours de lotissement :
- interdiction d'établir aucun chantier ou dépôt de matériaux ou d'installer aucun établissement industriel ou commercial et de faire aucun affichage,
- si la commune y fait des constructions, elle devra respecter les obligations du cahier des charges en matière de construction ou de clôture ; sinon, elle devra laisser à ce terrain la destination de place publique ou de jardin public qu'elle devra tenir constamment en bon état d'entretien.

Elle devra prendre à sa charge le nettoyage, l'entretien et l'éclairage des routes du Parc cédées ainsi que l'enlèvement des ordures ménagères, comme pour les autres voies du domaine communal ; les routes ne devront en aucun cas être pavées.
Les canalisations du service des eaux resteront la propriété de M. Pichard du Page, mais la commune devra financer la déviation de la canalisation au droit des bâtiments de la nouvelle gare.

 

La vente du terrain (lot n° 4 du plan de lotissement du Parc de Villennes) et des routes du Parc, au prix de 14 000 francs, ainsi que celle de M. Ernest Capdeville et de son épouse Anne Berthe Pecqueur (lot n° 2 du plan), au prix de 4 000 francs, auront lieu le 29 mars 1912.

Ces deux derniers propriétaires, résidant à la villa "Les Cocotiers" au Golfe Juan (Alpes Maritimes) et précédemment à Villennes, sont représentés par Georges Théodore Gratien Capdeville, commerçant à Paris.

   

Construction puis améliorations de la place


La nouvelle gare est inaugurée en 1910. En juin de l'année suivante, un entrepreneur de la localité est chargé du remblai et du nivellement du sol ainsi que des travaux d'aménagement de la nouvelle place publique. Un peu plus d'un an après, le conseil municipal considérera que la place de la gare a été mal nivelée, qu'il est urgent de la nettoyer, d'y apporter la quantité nécessaire de terre pour y établir une pente uniforme et d'y semer du gazon. Ce travail sera confié à M. Derain.

Egalement en 1911, au mois d'août, le conseil municipal accorde au Syndicat d'Initiative de Villennes l'autorisation de planter sur la place, au cours de l'hiver suivant, des tilleuls ou des platanes (qui deviendront immédiatement la propriété de la commune), d'y placer des bancs portant sa marque et d'y construire ultérieurement un kiosque à musique, si ses ressources le lui permettent. Il le remercie de son concours pour l'embellissement de Villennes.

Par contre, le conseil municipal n'accepte pas, en novembre 1912, la demande du Comité Républicain des Intérêts de la Commune de Villennes de donner à la place le nom de Maurice Berteaux, le député qui a aidé à la construction de la nouvelle gare.
Elle conservera la dénomination de Place de la Gare, qu'elle a reçue quelques mois plus tôt.

C'est l'année suivante que prend forme un projet pour l'aménagement du côté de la place opposé à la gare : dès la fin de 1911, le terrain, sur lequel se trouvait une partie des bâtiments de l'ancien château, avait été envisagé pour la construction d'une nouvelle mairie, mais le prix demandé était alors trop élevé. Les pourparlers avec le propriétaire ont été repris suite à sa décision de démolir ces bâtiments, dont l'état ne permettait plus leur utilisation. Une promesse de vente du terrain est signée en avril 1913, mais dans le but d'y édifier une nouvelle école de filles.

Le monument aux morts

La place deviendra le lieu qui maintiendra le souvenir de chacune de deux guerres mondiales : elle prendra son nom actuel de Place de la Libération, à l'issue de la seconde.


Le monument, érigé en 1919 à la mémoire et à la gloire des défenseurs de la patrie, se compose d'une pyramide à base carrée de 1,50 mètre de côté et de 5,50 m de hauteur, sur laquelle est appliqué un coq gaulois victorieux en bronze de 1,30 m de hauteur. La pyramide, en pierre d'Euville, a été fournie et installée par un marbrier de Poissy, le coq ayant été réalisé par la Maison Fumière et Cie de Paris. La dépense de 15 000 francs a été, en partie, couverte par des dons particuliers et par une souscription.

Deux poèmes ont été lus lors de l'inauguration du monument, le 15 mai 1921.
Le premier a été composé par le Lieutenant Maurice Saunier.

   

AUX   DEFENSEURS   DE   LA   PATRIE

Couvrant son flanc meurtri de ses ailes sanglantes,
L'aigle noir d'outre-Rhin, aujourd'hui terrassé,
Considère, hurlant d'une rage impuissante,
L'écroulement de tout l'orgueil de son passé.

Et l'empereur germain, que le remords enchaîne,
Mesure le néant de son rêve dément …
Il se courbe honteux, infâme loque humaine.
Au souffle précurseur du dernier châtiment !

Cependant que pour nous, le Coq gaulois, sonore,
Dressé vers le soleil, clame un chant glorieux.
Chassant au loin la nuit, faisant briller l'aurore
Sur l'or des étendards aux noms victorieux.

De la joie est partout, partout des jeux, des danses,
Et des espoirs naissants, des rêves et des fleurs.
Tandis que libre et fier, notre peuple de France
En un superbe effort se remet au labeur.

Mais dans l'air parfumé que la Victoire exhale,
Quand luit enfin le jour du grand apaisement,
Gardons-nous d'oublier tous ceux que la rafale
A heurtés mille fois, mille fois vainement.

A ceux qui sont tombés dans la mêlée ardente,
Enfants faisant au sol l'offrande de leur sang,
A ceux que la souffrance, infernale passante,
A meurtris et vieillis, soyons reconnaissants!

Et devant cette pierre, où pour toujours réside
Un peu de l'esprit pur des morts et des vivants
Dont la poitrine fut un bouclier splendide,
Français sauvés par eux, méditons un instant …

Méditons, comparons, et que passe en notre âme,
La vision d'hier et celle de demain.
Du soleil nous sourit après l'horreur des flammes.
Devant nous s'est ouvert un radieux chemin.

Et si tant de douleurs et tant de sacrifices,
Tant de craintes, d'espoirs, tour à tour envolés,
Si tant de gloire enfin après tant de supplices,
Mettent des pleurs de joie à nos yeux consolés,

Offrons très simplement la rosée émouvante
De ces larmes d'amour à tous nos défenseurs …
Bien mieux qu'en notre voix, encor toute tremblante.
Ils sentiront monter le Merci de nos cœurs.

   

La poésie de Jean Péheu a été dite par lui-même.

   

LE JOUR DE GLOIRE

I

Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé.
Ne t'en fais pas femme chérie,
Va... je viendrai te retrouver.
Et toi, sèches tes pleurs, grand'mère,
Embrasse pour moi les marmots,
Dis-leur que je pars à la guerre
Pour leur éviter ce fléau.
Au revoir Villennes ma belle,
Au revoir mes chers bons amis,
Puisque la France nous appelle,
Faisons tous face à l'ennemi...
En avant la locomotive...
Un coup de sifflet... eh aïe donc !
Contre nous prenant l'offensive
Les fleurs tombent sur nos wagons ;
On chante, on boit, on danse, on crie,
On va se battre... on croit rêver.
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé !

II

Il faut défendre la Belgique
Où les Boches veulent passer.
Superbes autant qu'héroïques
Les Belges se sont surpassés,
Grâce à eux... Grâce à leur courage,
Nous maintenons nos positions,
Ce qui nous donne l'avantage
Pour notre mobilisation...
Mais l'ennemi arrive en masse
Rangs serrés... armé jusqu'aux dents,
Et croit nous faire crier grâce
Car nous sommes un... contre cent !
Hélas nous reculons sans cesse...
Nous reculons... la rage au cœur...
Devant notre grande détresse
La joie enivre nos vainqueurs,
Et fiers de leur sauvagerie
Ils vont pouvoir nous achever...
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire……

III

Non ! Tant pis !... L'ennemi s'acharne,
Il nous faut tenir... jusqu'au bout...
Oui jusqu'au bout... Voici la Marne...
Nous y jouons notre va-tout.
Bravo ! Bravo ! Von Klück recule
Le grand Galliéni décidé
Le tarabuste et le bouscule
Employant le système D.,
Les taxis de la Capitale
Sur le front versent par milliers
Contre la horde colossale
Nos valeureux et bons troupiers...
Et maintenant... Paris respire,
Les Boches crient : " Maléticzion ! "
Ah ! quel triomphe et quel délire !
Mais... Nous manquons de munitions
Pour les bouter avec furie
Vers la frontière... et les braver...
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arri.....

IV

Et maintenant... c'est la tranchée,
La guerre pour longtemps, longtemps...
Le cafard... et l'âme rongée
Par la boue, le froid, les tourments...
Car les nouvelles sont mauvaises,
La Russie a signé la paix
Et bientôt les armées Françaises
Capituleront ! Çà, jamais !
Il faut dans un effort suprême
Les faire sortir de leurs trous.
En avant ! En avant quand même !
Chassons les Boches de chez nous...
Et brisé de fatigue... il rêve...
Pendant que taubes et obus,
Nuit et jour sans repos ni trêve,
Sèment la mort sur nos Poilus...
Adieu... Adieu... Femme chérie,
Je n'irai pas te retrouver.
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de......

V

Nom de Dieu !
Faut qu'on en finisse...
Debout les Morts...
On les aura...
Courage... un dernier coup... o... hisse.
Verdun ! Ils ne passeront pas !
Car là-bas le Soleil se lève,
Le Coq Gaulois victorieux
Entonne, et ce n'est pas un rêve,
L'Hymne chanté par nos aïeux,
Nos aïeux de Quatre-vingt-treize
D'Austerlitz et de Marengo.
L'aigle, sous la furia Française,
Du Coq a senti les ergots,
Et ce Coq à l'âme guerrière,
Ce Héros fier et résolu,
Solide comme cette pierre,
Ce beau Coq... c'est notre Poilu.
Poilus du Rhône ou de la Seine,
Du Midi, de l'Est ou du Nord,
En ce jour, Poilus de Villennes,
Tous... nous couronnons votre effort,
En sacrifiant votre vie,
Par vous le Monde fut sauvé.
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé !

   

L'avenue du Parc prolongée a pris le nom d'avenue Foch, de la Place de la Gare à Médan, en avril 1923, tandis que le nom du Maréchal Gallieni était donné à une autre rue de Villennes.

Le kiosque à musique

Il faudra attendre 1998 pour que la place, après son réaménagement, reçoive le kiosque à musique que le Syndicat d'Initiative souhaitait y construire.

Un autre projet avait été présenté, en juillet 1927, par Albert Manganne, directeur de la fanfare de Villennes (chef de la musique) ; il avait suggéré d'utiliser comme piliers les candélabres des réverbères à gaz, mis hors d'usage suite à l'installation de l'éclairage électrique. La proposition a alors été passée à la Commission des travaux pour étude ...

Les bâtiments entourant la place

Cliquez sur la photographie du kiosque, pour faire défiler une vue circulaire des alentours de la place, comme si vous y étiez, et en voir divers aspects d'autrefois.