L'arrivée du téléphone
De nombreuses années de persévérance seront nécessaires au conseil municipal pour que sa demande de création d'un bureau téléphonique soit acceptée par l'administration des Postes et Télégraphes. C'est grâce à une souscription, ouverte en juin 1890 auprès des habitants, que les frais d'installation du bureau téléphonique pourront être couverts.
Dès 1879, le conseil municipal cherche, auprès du préfet, des informations sur les conditions d'installation d'un service télégraphique. Rappelons que le télégraphe électrique a été imaginé en 1832 par Samuel Morse, né dans le Massachussetts, alors qu'il effectuait la traversée entre l'Ancien et le Nouveau Monde mais qu'il a dû multiplier contacts et démarches jusqu'en 1843 pour obtenir le budget nécessaire afin de tenter une expérience à grande échelle entre Baltimore et Washington. Le télégraphe suscita alors l'enthousiasme et partit à la conquête des Etats-Unis et du Vieux Continent. En France, on passa entre 1852 et 1889 de 45 à 12 835 bureaux télégraphiques et, dans le même temps, de 43 000 à plus de 33 millions de télégrammes envoyés à l'intérieur de notre pays. Souvenons nous aussi que la première communication téléphonique a été réalisée, le 10 mars 1876, par Graham Bell.
En février 1883, le conseil municipal de Villennes demande, à nouveau, la création d'un service télégraphique, mais l'établissement d'un bureau de poste ou d'une recette reste un préalable. Ce même mois, une circulaire du ministre des P. et T. concerne "le complément du réseau télégraphique départemental", mais il faut attendre décembre pour que le préfet annonce la décision du conseil général, prise fin août : un crédit de 20 000 francs, répartis sur 4 exercices, est voté pour "venir en aide aux communes qui consentiraient à supporter les charges résultant de la création d'un service municipal de télégraphie". Villennes peut en bénéficier, dès l'année suivante, si le conseil municipal souscrit à des conditions très précises :
"voter l'établissement du service qui nécessitera : la construction de 200 mètres de ligne neuve et l'adaptation du fil aux appareils existants, sur une longueur de 300 m ; s'engager au nom de la commune
1. à contribuer au paiement de la dépense évaluée ainsi qu'il suit :
| Etablissement de ligne neuve : |
35 F
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| Installation des appareils : |
500 F
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| Installation de la sonnerie d'appel du porteur des dépêches : |
25 F
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| Total de la part contributive de la commune : |
560 F
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2. à supporter toutes les dépenses afférentes au service de la distribution des télégrammes dans l'agglomération principale (salaire du distributeur, fourniture, pose et ultérieurement frais de déplacement de la sonnerie d'appel établie au domicile du porteur).
3. à mettre gratuitement à la disposition de l'administration, tant qu'elle jugera convenable d'y maintenir le service télégraphique, un local facilement accessible au public et spécialement affecté au bureau qui devra d'ailleurs être approprié, entretenu, chauffé et éclairé aux frais de la commune.
4. à présenter un agent, avec un suppléant, chargés de la manoeuvre des appareils et capables d'assurer le service.
La municipalité de Villennes devra, en outre, s'entendre avec celle d'Orgeval pour l'usage en commun de la section de fil comprise entre Villennes et Poissy. "
En fonction de l'accroissement que prend la commune, le conseil municipal "accepte en principe la création d'un bureau télégraphique" et demande au ministre des P. et T. (par l'intermédiaire du préfet et du directeur de Versailles) "de vouloir bien faire étudier à quelle somme se monterait l'établissement du bureau en question, et quelle part de la dépense l'administration des P. et T. consentirait à prendre en charge".
Le préfet confirme rapidement la somme de 560 F et précise que la subvention de 5 000 F, en 1885, sera répartie entre 15 communes du département. Le conseil municipal vote la dépense ; il s'engage "à fournir le local nécessaire, pendant la durée de 6 ans et à payer le porteur de dépêches sur l'étendue du territoire de la commune", à condition que l'administration des Postes et Télégraphes prenne à son compte le bureau de facteur-boîtier. Il émet également le voeu que "le préfet demande à la commune de Médan de se réunir pour délibérer sur la part qu'elle serait disposée à supporter pour l'établissement et l'entretien du bureau télégraphique de Villennes, dont elle bénéficierait".
Apparemment ces demandes n'ont pas eu de suite positive. Le projet ne réapparaît qu'en juin 1890, un courrier du ministre des P. et T. fixant forfaitairement à 700 F la part contributive de la commune. C'est alors que deux conseillers municipaux, Emile Martin et Léon Martin sont chargés d'ouvrir une souscription.
Début juillet, la somme demandée a été souscrite et le conseil vote la création d'un bureau téléphonique, acceptant les clauses du traité proposé par le ministre.
En août, le préfet annonce qu'un récent décret a porté de 700 à 1300 F la somme nécessaire pour établir un bureau téléphonique. Le conseil municipal pense que l'on peut pas "obtenir une somme supérieure des habitants, qui ont déjà tenu à faire un sacrifice important, d'autant plus que des souscriptions ont été assez souvent faites pour des améliorations dans la commune. Considérant que les lois et décrets n'ont pas d'effet rétroactif, il fait appel à la justice et à l'équité de M. le Ministre pour obtenir que le traité soit exécuté dans les conditions proposées et acceptées".
Fin septembre, la réponse prend une autre forme que celle attendue : les demandes de créations téléphoniques dont les conseils municipaux n'auront pas pris une décision définitive avant le 31 octobre seront renvoyées à l'année suivante.
La prolongation de la souscription a produit 1 228 F. Le conseil municipal décide de prélever le complément de 72 F sur le crédit alloué sur le budget de 1890 pour dépenses imprévues et vote la création du bureau téléphonique. Un crédit annuel de 200 F sera inscrit au budget communal pour la distribution des télégrammes.
Fin octobre, le préfet annonce la création du bureau téléphonique de Villennes. Le conseil accepte les conditions de fonctionnement et "prie le préfet de vouloir bien faire le nécessaire pour qu'il soit installé dans le plus bref délai possible". Mais ce n'est pas suffisant ; il doit déclarer les heures d'ouverture. Il décide donc, en décembre, "que le bureau sera ouvert en semaine de 9 heures à midi et de 2 h à 7 h du soir ; les dimanches et jours fériés de 8 à 9 h du matin et de 1 à 2 h du soir".
L'inauguration du service téléphonique de Villennes a lieu le 10 avril 1891.
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L'administration n'a toutefois pas tenu ses engagements : en juin, elle réclame une somme de 1 553,88 F au lieu des 1 300 F prévus pour les frais d'installation ; le conseil municipal demande au préfet des renseignements sur les motifs de l'augmentation.
La construction du réseau téléphonique
Un arrêté préfectoral du 22 juillet 1896 autorise la construction d'un réseau téléphonique à Villennes. Des poteaux sont installés dans le centre du village pour desservir les abonnés jusqu'au début de la Côte Saint-Jean et vers l'amont de la Seine, dans la première partie de la rue de Poissy ainsi que dans la sente des Iselles. Le réseau s'étend jusqu'au château d'Acqueville, dont le propriétaire, M. de Lassuchette, est l'un des premiers abonnés. Le château de Villennes dispose de 3 lignes. Le marchand de fromages, M. Godfrin, le marchand de vins, M. Duroux et l'entrepreneur de maçonnerie, M. Mirgon, sont parmi les premiers villennois à bénéficier du téléphone. La traversée du chemin de fer posant alors des problèmes, le restaurant "Les Tilleuls", situé de l'autre côté du passage à niveau, ne sera desservi que plus tard.
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Information publiée par le Journal de Versailles, le 12/6/1897 |
En février 1899, le propriétaire du local du bureau de poste, M. de Lassuchette répond au maire qui lui avait transmis un extrait d'une note du Directeur des P. et T. au facteur-boîtier, M. Koliskoski, au sujet de la manière de remédier à l'inconvénient que présente l'installation actuelle du bureau à propos d'une indiscrétion commise à l'occasion du service et sur la demande qui lui a été faite de s'entendre avec son architecte pour remédier à cet inconvénient : le bureau a été installé par la commune qui en a modifié l'usage en y plaçant un téléphone ; cette nouvelle destination n'est pas prévue au bail ; lui-même n'a accepté aucune responsabilité ni aucun engagement relativement à l'usage du téléphone ; c'est à la commune de remédier aux inconvénients, en faisant des aménagements à ses frais.
Il demandera une compensation équitable à la dépense à faire pour les travaux d'aménagement du bureau. Il trouve la salle du public bien petite et le bureau bien grand ; mais cela ne regarde que le conseil municipal …
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Le Sous-Secrétariat d'Etat des Postes et des Télégraphes annonce, en septembre 1907, une enquête pour la construction d'une ligne téléphonique à Villennes. L'enquête sera renouvelée au mois de mai suivant. |
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En novembre 1910, le conseil vote la cotisation annuelle qui est demandée à la commune, ainsi qu'aux 6 autres desservies par la Gendarmerie de Poissy, pour la relier par téléphone à la brigade. La part contributive de la commune dans la dépense d'abonnement au téléphone de la Gendarmerie de Poissy sera augmentée en juin 1914.
En mai 1912, il est décidé d'installer le téléphone à la mairie pour lui permettre d'être rapidement en rapport avec la gendarmerie et le parquet, dans les cas urgents, ainsi qu'avec la préfecture. Il est à noter que le maire prend personnellement à sa charge les redevances dégressives des trois premières années (160 F, au total) ; le budget communal comprendra, à partir de 1913, la redevance ordinaire de 30 F et 25 F de frais de communications.
L'extension du réseau
Fin 1912, l'administration annonce l'établissement d'une troisième ligne téléphonique entre Poissy et Paris, en évoquant l'éventualité d'une ligne directe de Villennes à Paris, si cette nouvelle installation ne donnait pas satisfaction aux abonnés. Sa proposition de prolonger l'ouverture du bureau de poste, pour le service du téléphone, de 19 heures à 21 heures n'est pas acceptée à cause de son coût, qui s'ajouterait à "l'énorme somme" de 1 400 F, payée annuellement pour le fonctionnement du bureau de poste. La proposition sera toutefois portée à la connaissance des abonnés au service téléphonique, qui pourront s'imposer personnellement ce sacrifice, s'ils en reconnaissent l'utilité.
En 1914, trois abonnés acceptent de supporter des frais pour l'établissement d'un fil supplémentaire pour téléphoner à Paris :
- Gaston Akoun (Villa "la Nourée", administrateur de la Société française "Luna Park", exploitant à la Porte Maillot "La ville enchantée" avec les attractions américaines les plus sensationnelles),
- J. Cartier-Bresson (Villa Beau Site, chemin d'Orgeval),
- George Whitechurch (dirigeant de George Whitechurch Limited, société de tannerie sise à Londres et à Paris, exploitant une tannerie à Longjumeau, une mégisserie et une tannerie à Paris ainsi qu'une usine à vapeur à Gentilly).
Le réseau téléphonique est progressivement étendu :
| 1919 : | chemin du Bord de l'Eau, | |
| 1921 : | desserte d'un habitant de la Clémenterie, | |
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1923 :
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prolongation de la ligne téléphonique de Breteuil pour raccorder la cabine, téléphonique située chez M. Petitjacques Francis ainsi que M. Burneron, treillageur, et M. Devaux de la ferme de Marolles, | |
| 1924 : | rue Gallieni, | |
| 1930 : | rue de la Fontaine. |
L'établissement d'un circuit direct Villennes-Paris a été prévu au programme d'extension du réseau dressé en 1914. Lorsqu'en décembre 1920, la préfecture propose cette réalisation, le conseil ne donne pas suite, en raison de l'effort financier tout à fait hors de proportion avec les moyens dont dispose la commune ; elle aurait à payer une somme annuelle supérieure à 2 700 F, correspondant à l'intérêt de l'avance faite par le département, alors qu'initialement sa quote-part était fixée à moins de 400 F.
Les abonnés au téléphone deviennent de plus en plus nombreux, aussi bien à Villennes qu'à Médan, desservi par le même bureau surchargé. Il faut souvent attendre longtemps son tour de communication : "après une attente prolongée parfois pendant plus d'une heure, beaucoup de personnes se voient dans la nécessité de renoncer à obtenir la communication pour Paris, ce qui cause aux nombreux villégiaturants qui viennent ici un tort considérable au point de vue de leur commerce ou de leurs affaires." En juillet 1923, le conseil, considérant que cette situation intolérable est très préjudiciable aux intérêts de la localité et est de nature à en arrêter le développement, ne voit qu'un seul remède radical à y apporter : mettre Villennes par fil direct en communication avec Paris (cet avantage existe déjà, pendant la nuit, à partir de 18 h, chez un particulier). Le conseil prie le préfet de transmettre son voeu au sous-secrétaire d'Etat des PTT, en l'appuyant d'un avis très favorable (l'un des arguments est que cette solution, qui donnerait satisfaction à tous les abonnés, augmenterait les recettes de l'administration).
Les plaintes continuent, notamment à propos de la longue attente pour l'obtention des communications et le faible éclairage de la cabine téléphonique :
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Incurie administrative Le mauvais fonctionnement du service de levées et de distributions
des lettres a été signalé la semaine dernière. «
Monsieur le Maire, Le Journal de Poissy et ses environs, 23/4/1924 |
Une ligne téléphonique est posée au printemps 1924 pour relier par téléphone le hameau de Breteuil au bureau de Villennes. Les frais d'établissement s'élèvent à 1 200 F. Une ligne directe est enfin établie, en 1925, entre Villennes et Paris.*
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Paris-Villennes et au-delà Nous sommes heureux d'apprendre aux habitants de Villennes qu'ils ont
maintenant à leur disposition une ligne téléphonique directe pour Paris.
Cette ligne est en service depuis le 30 janvier. Le premier essai qui
a été fait n'a demandé que deux minutes pour obtenir la communication.
Le Journal de Poissy, Meulan, Marly-le-Roi et leurs environs, 4/2/1925 |
En 1929, les communications téléphoniques avec Paris deviennent impossibles, malgré la satisfaction que donnent les services du personnel du bureau de Villennes. Des démarches sont effectuées auprès du Directeur des PTT de Seine-et-Oise pour obtenir une permanence téléphonique au bureau de Villennes le dimanche. La Direction régionale des PTT annonce la constitution d'un nouveau circuit téléphonique Paris-Villennes.
En août 1931, l'administration des PTT propose la création d'un poste téléphonique public, aménagé sur le mur de façade du bureau, accessible en dehors des heures normales d'ouverture de la cabine publique du bureau téléphonique. Il sera signalé à l'attention du public par une lanterne éclairée toute la nuit, la commune n'ayant à sa charge que les frais d'éclairage intérieur du poste et de la lanterne.
En 1951, le poste téléphonique de Breteuil, tenu par Madame Petitjacques, est transformé et mis à la disposition du public jour et nuit. En 1960, suite à une pétition pour l'installation d'une cabine téléphonique à La Clémenterie, la Direction Régionale des Télécommunications demande qu'elle soit placée chez un particulier, dans un local accessible et permettant d'assurer le secret des communications.
Cette même année, un poste d'intercommunication est installé dans le bureau du maire.
En 1962, un central téléphonique est construit à l'angle de la rue Gallieni et de la ruelle Saint-Nicolas. La municipalité annonce, au début de l'année 1966, dans son bulletin, "le téléphone à la disposition des usagers" : toutes les personnes qui ont fait une demande d'installation de ligne téléphonique auront satisfaction dans un avenir proche ... l'Administration des P & T termine les travaux et sera à même de prendre les abonnements dans un temps rapproché.
En 1970, la cabine téléphonique de Breteuil ne peut plus être assurée par son titulaire ; des démarches sont faites pour l'installation d'un taxiphone.
Compléments historiques
Pour aller plus loin dans l'histoire
du téléphone, nous vous proposons de visiter
le site du Musée des Télécommunications de Pleumeur-Bodou (France Télécom), ainsi que deux sites parsonnels :