La villa de la Nourrée, transformée en 1920 en l'hostellerie de la Nourrée, devenue le Country-Club de la Nourrée au début des années 1950, a été démolie dans les années 1970 pour laisser la place à la Résidence Gallieni-Clémenceau, située à l'angle des deux rues dont elle porte les noms.
La villa de la Nourrée
Les terrains
L'extrait ci-dessous du plan d'intendance, établi en 1786, montre l'emplacement des deux parties du terrain de la villa de la Nourrée qui, de chaque côté du chemin principal, faisaient vraisemblablement partie de terrains plus importants, appartenant à un seul propriétaire.
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Le potager du
château s'étendait jusqu'aux prés de la Nourrée.
Un acte d'échange avec les châtelains, Monsieur et Madame
de Givry, laisse penser qu'en 1842 leur propriétaire était
Madame veuve Prevost.
Jusqu'en 1881, le terrain labourable situé à l'angle des deux chemins devait appartenir à Monsieur et Madame Giraux, qui sont restés propriétaires de la parcelle voisine. Le docteur Magitot l'a alors acheté. |
Le bâtiment
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Ce nouveau propriétaire a fait bâtir sa villa par l'architecte Eugène-Jules Suffit (1831-1895). Elle est décrite ainsi dans l'ouvrage "Autour d'Orgeval, de la boucle de Poissy au pays de Cruye" de la Direction Générale des Affaires Culturelles d'Ile-de-France : |
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Elle est connue grâce à d'anciennes cartes postales (coll. part.) et s'avère être une version affadie du projet publié en 1881 dans le recueil d'architecture de J. Broussard Petites habitations françaises. En effet, les dessins évoquent l'une des sources de l'architecture de villégiature du XIXe siècle : la villa rustique italienne caractérisée par une disposition en plusieurs corps, dont une tour, une loggia, une terrasse, des toits à faible pente débordants, des élévations asymétriques, l'usage de l'arc en plein cintre. La réalisation, sans doute par mesure d'économie, est plus sobre : symétrie des volumes, simplification des toitures, suppression de la loggia au profit d'un porche plus ordinaire. |
Les premiers propriétaires de la villa
Le docteur Magitot
Emile Magitot est l'un des premiers médecins, qui ont enlevé les maux de la bouche. Précurseur de la stomatologie, il est aussi parmi les parisiens qui ont installé leur résidence secondaire à Villennes, dès la fin du 19ème siècle.
Le passage souterrain
En 1881, il acquiert le terrain situé "dans la Nourrée", de l'autre côté du chemin vicinal n° 1 ; il deviendra le potager de la propriété.
Bien que la circulation était beaucoup moins importante que de nos jours sur ce chemin, devenu l'avenue Clémenceau, il demande l'autorisation de faire pratiquer un passage de piéton, de 1,80 m de hauteur, sur un mètre de largeur, sous ce chemin vicinal.
Le conseil municipal donne son accord, à la condition que ce passage sera construit avec toutes les garanties de sécurité, que l'entretien soit assuré par le propriétaire et ses successeurs, moyennant le paiement d'une somme de 500 F affectée à la construction de la rue de la Ravine. Une délibération de janvier 1882 précise que cette somme ne sera pas restituée si le passage n'est plus entretenu et doit être démoli. En novembre 1884, le passage a été réalisé et le docteur Magitot doit 600 F à la commune ; le conseil municipal n'accepte pas sa proposition de payer en 3 versements ...
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Lorsque le passage n'a plus été utilisé, il a été comblé ; on peut encore apercevoir l'une de ses extrémités, cachée par du lierre. |
Après le décès d'Emile Magitot, la vente sur licitation a été annoncée, le 5/3/1898, dans le journal Le Courrier de Versailles :
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[...] Au nom et comme subrogé-tuteur ad hoc des mineurs Magitot
susnommés ; DESIGNATION PREMIER LOT. Une grande maison de campagne sise à Villennes, canton de Poissy, arrondissement de Versailles, appelée La Nourée, à proximité de la Seine. Comprenant : DEUXIEME LOT. Un petit port particulier sur la berge de la Seine, avec escalier d'embarquement
; vaste hangar pour les bâteaux et les ustensiles de pêche,
adossé à celui du voisin et couvert par le même
toit. TROISIEME LOT. Une pièce de terre d'une contenance de huit ares soixante et un centiares, sis commune de Villennes, lieu dit la Garenne, canton de Poissy, arrondissement de Versailles (Seine- et-Oise), tenant, d'un côté Eugène Lamirault et Vallerand ; d'autre côté, Daniel et les héritiers Cholet ; d'autre bout, le chemin de Villennes. [...] |
Jacques Cattaui
La propriété est alors acquise par Jacques Cattaui, rentier, ayant habité rue Demours à Paris et à Asnières. Né en octobre 1857 au Caire, il est décédé en juillet 1931. Il avait épousé Marie Joséphine Gillet.
Il était issu d'une large famille juive d'Egypte, qui a joué un rôle important dans son pays et s'est disséminée dans différents pays. Son père, qui a eu 11 enfants, était lui-même le petit-fils de Eliahu Cattaui, trésorier du vice-roi d'Egypte, chargé de la collecte des impôts. Celui-ci s'était installé, à la fin du 18ème siècle, à Quatta, un village proche du Caire, dont le nom a été utilisé pour forger celui de sa famille.
Gaston Akoun
Gaston Akoun, créateur et directeur du Luna-Park de Paris, achète ensuite la villa de la Nourrée ; le contrat comprend deux parties signées, vraisemblablement à cause de la guerre, en 1914 et en 1919. Sa profession est alors "Ingénieur Constructeur" ; devenu citoyen américain, il réside à New York, après avoir habité à Paris rue de Presbourg et avenue du Bois de Boulogne.
Il transforme bientôt la villa en hôtel-restaurant, appelé "Hostellerie de la Nourrée" et parfois Eden Roc.
Après son décès à New York, en juin 1943, ses deux filles héritent de la propriété :
- Huguette Jocelyne, née à Chambéry en 1918, mariée précédemment à New York avec un citoyen américain et plus tard avec un médecin d'Orgeval, qui habitera avec elle dans une annexe de l'établissement ; ensuite, elle partagera la vie de Georges Debierre, gérant de l'une de ses sociétés, qui était le fils de Charles Debierre (1863-1932), professeur de médecine, dirigeant du parti radical dans le département du Nord et adjoint du maire de Lille. Elle décédera en 1983.
- Monique Ginette, née à Paris en 1919, célibataire.
Assistées par d'autres personnes, elles exploiteront l'hôtellerie puis en feront le "Country-Club de la Nourrée".
Lors de la fin de leurs activités, en 1961, la première y
habitera encore tandis que la seconde résidera à l'hôtel
du Berceau, place de l'Eglise ; l'une de ses occupations était l'élevage
de chiens.
L'hostellerie de la Nourrée
Un document permet de connaître la date de l'ouverture de l'hôtel-restaurant : la déclaration obligatoire du débit de boissons, du 16 mai 1920. L'exploitant est Achille Jean Destombes, originaire de Tourcoing, qui confie la direction de l'établissement à Léon Maullé.
De nombreuses cartes postales montrent les transformations, qui ont été apportées à la villa, en particulier l'adjonction d'une véranda. Elles nous offrent différents points de vue du parc et du bâtiment.
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Le personnel de l'établissement attend les clients. |
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Après la déclaration de la guerre, la propriété est mise en vente. Cette annonce, parue, dans Le Figaro du 11 octobre 1939, indique que l'agence Mirgon est chargée de la vente. Il en semble pas qu'une transaction ait alors lieu. |
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Deux chambres sont détruites pendant la guerre. Des jardiniers effectuant des travaux de nettoyage, sur le terrain situé de l'autre côté de l'avenue Clémenceau, déterreront en mai 1955, à proximité du court de tennis, un obus de 75 paraissant non percuté.
La reconstruction totale concerne 8 appartements nouveaux, une annexe et trois portails ; un permis de construire concerne un porche en pan coupé, à l'angle de la rue Gallieni.
Le Country-Club de la Nourrée
Les différentes sociétés propriétaires et exploitantes
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La société, créée sous ce nom, a pour objet : l'exploitation d'un hôtel-restaurant, club de sports, tennis, piscine, bar. | ![]() |
Georges Debierre reçoit la société en location-gérance de Mademoiselle Huguette Akoun. Il est également gérant d'une société "Eden Roc de Paris", créée en janvier 1954 puis renommée "La réserve de Paris", qui a pour objet la création, l'exploitation d'un commerce d'hôtel restaurant à Villennes-sur-Seine, rue Georges Clémenceau.
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L'établissement appartient depuis octobre 1953 à la Société Civile Immobilière du Country-Club de la Nourrée. |
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Une association sportive "Country-Club de la Nourrée" est également constituée. Ses statuts seront publiés en août 1952. Le prix de l'adhésion annuelle est alors de 12 000 F ;
les membres et leurs invités bénéficient d'une
réduction de 10 % sur les services hôteliers et le restaurant
; les membres sont admis gratuitement à la piscine, aux courts
de tennis et à l'ensemble des installations sportives. |
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L'ouverture du Country-Club
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Divers travaux d'aménagement sont réalisés : agrandisse-ment de la véranda, construction de la piscine et des terrains de sport, ... Le Country-Club ouvre ses portes au début de l'été 52. |
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Week-end au Country-Club de la Nourrée
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Des encarts publicitaires, insérés dans des journaux, tels que l'Officiel des spectacles, invitent à venir passer le week-end à Villennes. |
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L'entrée du Country Club, également appelé Eden Roc, se trouve à l'angle de la rue Gallieni et de la rue Clémenceau. Cliquez sur le portail, pour pénétrer dans l'allée. |
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Orientez vous vers la piscine, au moyen du plan ci-contre. |
Voici
le spectacle que vous pouvez découvrir, décrit dans un article
publié dans le magazine Aux écoutes du monde
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Eden-Roc accueillait des célébrités, en particulier des acteurs de cinéma, dont quelques uns restent connus, pendant le tournage d'un film dans la région.
Cette photo, prise sur les marches de la piscine, a été publiée dans le numéro 1308 (1er septembre 1959) de la revue Cinémonde avec la légende suivante :
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Les multiples difficultés d'exploitation de l'établissement
Plus de 50 ans s'étant écoulés depuis cette période, nous pouvons relater les nombreux problèmes, qui ont rapidement entraîné la fermeture du Country-Club de la Nourrée.
Les problèmes avec la municipalité et la préfecture
La piscine
La piscine a été construite en béton armé avec revêtement en carrelage céramique. Sa surface est de 300 m2. Elle est munie d'une rigole anti-vague et de larges escaliers d'accès.
Suite à une visite de l'Inspecteur des Bassins et Piscines du département, la préfecture demande, en octobre 1952, des modifications, afin de corriger des erreurs techniques dans sa construction et de respecter la réglementation en vigueur.
En mai 1953, la société affirme respecter toutes les directives et exigences des services compétents, pour l'ouverture de sa nouvelle piscine. Elle conteste toutefois la demande d'autorisation, qui lui est faite, pour l'évacuation des eaux de la piscine par un puisard creusé sur son terrain.
La construction de bâtiments annexes
Un procès verbal est dressé en décembre 1953 pour une construction, sans permis, d'un logement pour le personnel sur un terrain voisin, loué par la propriétaire de la villa Clairefontaine, Mademoiselle Duchemin, en bordure de la rue Gallieni. Les murs et les portes, d'un bâtiment dont la construction avait commencé, avaient été démolis, après l'interdiction de la mairie. La SCI affirme que la mairie n'avait pas répondu à sa lettre, demandant l'autorisation d'ouvrir une porte de garage sur la rue Gallieni (qui supposait donc la construction d'un garage).
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En octobre 1954, les services départementaux du Ministère du Logement et de la Reconstruction déposent une plainte contre Huguette et Ginette Akoun pour infraction à la législation sur les permis de construire. |
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Elle concerne l'édification d'un bâtiment comprenant un garage au rez-de-chaussée et une chambre à l'étage en bordure de l'avenue Clémenceau ainsi que d'une annexe en bordure de la rue Gallieni. Les vestiges de ce petit bâtiment sont encore visibles de nos jours. |
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Le balisage
En octobre 1952, le gérant renouvelle sa demande au maire, M. Raynaut, de remplacer à ses frais le panneau de verre placé devant le portail de l'établissement, indiquant "Eglise du 11ème - PLAGE".
Une lettre qu'il écrit au nouveau maire, M. Mirgon, montre le manque d'entente entre la société et la municipalité, "après deux années de conciliation, dans un moment où elle tient à démarrer son affaire" :
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[...] j'ai l'impression formelle et malheureusement fondée, que la Mairie de Villennes, loin d'aider à notre entreprise de régénération et d'embellissement d'une ville autrefois prospère par le tourisme et ne pouvant même pas actuellement boucler son budget municipal, continue à considérer le COUNTRY CLUB DE LA NOURREE comme inexistant et à faire en sorte que tout ce que nous pouvons être amenés à demander, aussi faible soit-il, se trouve automatiquement rejeté. Que vos services aient cru bon d'indiquer "une plage à VILLENNES S/ SEINE" (alors qu'elle n'est même pas à Villennes), que de plus ils me refusent l'autorisation de modifier cette plaque, bien que située en face ma propriété, cela est peut-être leur droit strict, mais en ce qui me concerne, vous comprendrez aisément que cela m'oblige à en tirer les conclusions que vous avez pu lire. [...] en conséquence, je poursuivrai dorénavant une politique de publicité importante mais personnelle, le COUNTRY CLUB de la NOURREE, route de VILLENNES SUR SEINE évitera ainsi à la Ville de Villennes une publicité qu'elle ne semble pas désirer. Pour terminer enfin et en tant que Directeur de deux Sociétés Hôtelières nouvellement créées, je donnerai des ordres formels pour que tous achats comme toutes relations commerciales soient définitivement annulés par la Nourrée auprès des commerçants de Villennes, ce qui permettra à certains membres de votre Conseil municipal de réaliser un peu mieux leur intérêt présent. [...] |
Une autorisation est accordée par décision du conseil municipal, en mai 1954, "à condition que cette publicité conserve un caractère impersonnel afin qu'un autre commerçant ne puisse se prévaloir du précédent.
Exemple : Eglise
Plage
Piscine
olympique"
Les problèmes avec les voisins
En juin 1954, des voisins se plaignent du bruit :
| La retransmission par hauts-parleurs, aussi bien de musique que de propos verbeux, de jour comme de nuit, crée un tapage fort désagréable pour ceux qui viennent à VILLENNES chercher le repos et la tranquillité, et qui retrouvent une atmosphère bruyante insupportable qui empêche tout calme pendant la journée et tout sommeil pendant la nuit. |
Les problèmes entre associés et dirigeants
Madame Oureida Cohen, gérante de la SCI, a des problèmes, au début de l'année 1953, avec son associé, qu'elle accuse d'escroquerie ; elle fait dissoudre la "Société Nouvelle de Gérance Libre du Country Club de la Nourrée", dont il avait nommé seul son gérant.
Elle confie la gérance du Country-Club à Georges Charles Debierre, gérant de la société "La Réserve de Paris".
M. Porcheron lui succède à ces deux postes, en mai 1954, après l'expulsion, en octobre 1953, de la société d'exploitation hôtelière, qui gérait le Country-Club, et sa mise en liquidation.
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En 1954, une nouvelle société "Eden Roc de L'Ile de France" exploite l'établissement. |
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Son gérant est René Erny, Président Directeur Général de la Société des Brasseries Alsaciennes, qui en septembre de la même année ouvre un restaurant parisien "L'Alsace aux Halles". Il exploite également l'auberge de Riquewihr et "Chez Hansi". |
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La mise en vente
Cette année 1954 n'est pas favorable à la poursuite des activités : au dernier trimestre, les faillites des deux surs Akoun sont prononcées et étendues à la SCI.
Suite à une saisie immobilière en janvier 1954, la propriété de la Nourrée, d'une superficie de 12 725 m2, est mise en adjudication au tout début de l'année 1955.
| L'annonce
de la vente décrit ainsi les bâtiments :
- bâtiment principal, élevé sur sous-sol d'un rez-de-chaussée et de deux étages comportant en étages 10 chambres et 10 salles de bains, au rez-de-chaussée salon, salle à manger, bar et hall d'entrée, au sous-sol cuisine, chaufferie, lingerie et dépendances ; - une annexe, sur rue Gallieni, se composant d'un bâtiment comportant un rez-de-chaussée surélevé et d'un étage comprenant quatre chambres avec salles de bains ; - une annexe longeant la propriété Duchemin, se composant d'un rez-de-chaussée et d'un étage comportant quatre chambres avec salles de bain et deux chambres en construction ; - dans le parc, deux pavillons, côté avenue Georges Clémenceau, l'un en bois et en chaume,comprenant une chambre et un cabinet de toilette, l'autre en maçonnerie non terminée [...] |
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La vente ne semble pas avoir effectivement lieu, vraisemblablement en raison d'un pourvoi auprès de la Cour d'Appel de Paris. Son arrêt de rejet, rendu en novembre 1960, et l'autorisation par l'Union des créanciers, l'année suivante, permettront la vente, qui ne se réalisera toutefois qu'en 1970.
Dernière fête : le Gala de la chasse
Le gérant annonce le Gala de la chasse, qui aura lieu à l'Eden Roc en octobre 1955, sous le patronage de Madame Coty. Il demande au maire, M. Mirgon, de lui communiquer la légende d'une chasse qu'aurait fait à Villennes Louis XIII ou Louis XIV ; le texte serait publié par Le Figaro, qui patronne le gala. Nous le reproduisons dans notre rubrique sur la chasse.
La résidence Gallieni-Clémenceau
Après démolition des diverses constructions, l'Union des créanciers vend les terrains, en 1970, à la Société Civile Immobilière Gallieni-Clémenceau - Résidence de Villennes.
Celle-ci construit 5 immeubles entre la rue Gallieni et l'avenue Clémenceau ainsi que 2 autres de l'autre côté de l'avenue.
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L'entrée de la première partie de la résidence ne se situe plus à l'angle des deux rues. Les seuls vestiges d'annexes du Country-Club se trouvent sur une bande de terrain de la propriété voisine. |
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