Avant de devenir un agréable passe-temps, la pêche était un moyen de subsistance pour quelques familles villennoises. Sans remonter aux hommes préhistoriques, qui pêchaient au moyen de filets et de hameçons de silex taillés, il est vraisemblable que la pêche était pratiquée à Villaines pendant le Moyen Âge comme en d'autres parties de Seine.
La pêche à la ligne était alors appelée "pêche à la verge" ; il était toutefois plus efficace d'utiliser des filets et des "engins".
Il y avait certainement, sur le petit bras de la Seine, des "pêcheries" fixes constituées d'alignements de pieux convergeant vers une nasse. |
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Des nasses plus récentes sont visibles sur une photo représentant le port de l'hôtel-restaurant "Jallabert", en face de la pointe de l'île. |
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L'ouvrage Pêches, pêcheurs, pêchés ! de J. H. Perreau (1904) décrit le gille.
Comme il est interdit de traîner des filets sur le fond des cours d'eau pour ne pas détruire les œufs et les jeunes alevins et que le gille est un filet à traîner, cet engin doit donc être compris dans la série des filets prohibés. Cependant, dans certaines contrées, et on ne sait trop pourquoi, il est, sinon autorisé, du moins toléré ; nous nous en sommes servi fréquemment sous l'œil même des gardes, pour pêcher dans des canaux à demi asséchés.
Le gille n'est en somme qu'un très grand épervier, construit exactement comme cet engin, connu de tous, mais de dimensions telles qu'un seul homme ne saurait le manœuvrer à la main.
Aussi n'en fait-on usage que comme filet traînant. Il possède des bourses, des plombs très gros, est fait de grandes mailles ne pouvant retenir que les grosses pièces, et à l'extrémité de la chapelle, ou coiffe, ou pointe de l'épervier, est attachée, comme dans ce dernier, une solide corde non vrillable, destinée à permettre de sentir les secousses du poisson et à retirer l'engin de l'eau. Il est en général trois fois plus grand qu'un épervier ordinaire et peut tenir en largeur 10 à 12 mètres de rivière.
Nous avons recherché les racines du mot gille, qui est devenu un peu vieillot, car on dit plus fréquemment épervier à traîner, ou grand épervier ; nous n'avons trouvé qu'approximativement cette origine. D'après nous, il viendrait de l'expression populaire faire le gille, c'est-à-dire se retirer, s'enfuir peureusement. L'expression elle-même provient de l'histoire, ou plutôt de la légende de saint Gilles, qui s'enfuit de son pays et se cacha de peur d'être sacré roi. Il y a sans doute là une allusion moqueuse au poisson fuyant poussé par les plombs, alors que l'homme lui fait le grand honneur de vouloir le manger. Peut-être le mot vient-il aussi du personnage de l'ancienne comédie, le gille, le niais de la pièce, en voulant dire à cela que cette pêche est une pêche de niais, car en effet on s'y donne beaucoup de mal sans grand succès, à moins de circonstances spéciales que nous expliquerons tout à l'heure.
Hatzfeld Darmesteter et Thomas, dans leur dictionnaire de la langue française, disent :
Gille, origine inconnue, paraît être le même mot que gielle, mentionné dans Modus XIVe, comme nom d'une partie constitutive de rets. Le gille a été souvent interdit par d'anciennes ordonnances. [...]
Le même ouvrage présente la trouble, filet en forme de poche, monté sur un cercle ou un ovale, auquel est ordinairement ajusté un manche.
Truble ou trouble ?
Les deux se disent, mais si trouble est plus employé, truble est plus français ; quant au sexe de l'objet, personne n'est très fixé : la Grande Encyclopédie le fait masculin, alors que le Larousse le donne au féminin. Littré tranche la question et incline pour le féminin. Nous croyons avec lui que le féminin est le plus courant, et pourvu que l'engin prenne le poisson les vrais pêcheurs ne se préoccupent guère du sexe !
Le mot, d'après Littré, viendrait du wallon troul et serait d'origine inconnue ; P. Larousse dit qu'il est sorti de troubler l'eau, et cela nous parait parfaitement naturel. A part ces deux dictionnaires, tout le reste, encyclopédies, lexiques, etc., sont muets à son sujet, le Dictionnaire de la conversation l'oublie et l'Encyclopédie des gens du monde le dédaigne. Cependant nous avons rencontré des traces de l'engin dans les manuscrits du dix-huitième siècle, dans le Livre des Métiers, par exemple, [...]
Au quatorzième siècle aussi, nouvelle trace de la trouble dans l'Ordonnance des rois, t. VII : Truble de fil autre que celle de bois de quoi en tout temps l'en pourra peschier. La truble n'est pas toujours un filet à poissons, elle sert à désigner souvent, dans certains pays, la pêchette ou balance avec laquelle on capture les écrevisses, lorsqu'elle est plus grande que l'ordinaire de ces engins. [...]
En général, l'instrument a 1 mètre de haut sur un peu plus à la corde de base et environ 1 m. 30 de profondeur. Mais la grandeur est tellement variable, suivant les besoins, qu'on ne saurait lui assigner une dimension. Il en est de même pour le manche, qui est court ou long, suivant les pays et les dispositions des cours d'eau. Parfois le pêcheur plonge la truble dans le courant et la ramène à lui vers la berge pour la relever, brusquement lorsqu'il l'a atteinte ; c'est alors qu'on donne à l'engin le nom pittoresque de tire-à-soi.
La truble sert beaucoup à la pêche de l'alose. [...]
La truble est un engin qui complète le matériel d'un pêcheur acharné, mais elle sert rarement, car c'est plutôt un instrument de braconnage. [...]
La pêche était l'un des privilèges féodaux ; ne pêchait pas qui le voulait : la Seine appartenait à l'origine, comme tous les grands cours d'eau, au roi qui en concédait des parties. L'abbaye de Saint Germain des Prés, puis celle de Neauphles-le-Vieux qui possédaient au XIe et XIIe siècles le domaine, où a été bâtie l'église, bénéficiaient-elles d'une telle concession, comme ailleurs d'autres congrégations religieuses ? Dans ce cas, pour être reçu "maître-pêcheur", il fallait non seulement "être au fait de la pêche" mais également "de la Religion Catholique Apostolique et Romaine".
La pêche à la ligne était alors appelée "pêche à la verge" ; il était toutefois plus efficace d'utiliser des filets et des "engins". Les règlements royaux, de Philippe le Bel (1289) à la Révolution, limitaient l'ouverture de la pêche, prohibaient certains appâts et interdisaient certains types de filets, comme le carrelet, tout en définissant la taille minimale des mailles. |
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Pierre Gilbert Menard, le garde des eaux et forêts du dernier seigneur, Pierre Paul Gilbert de Voisins, avait la fonction de garde-pêche. Ses rapports nous font connaître deux procédés qui étaient utilisés dans le bras de la Seine, appartenant au seigneur, notamment par ceux qui n'avaient pas le droit d'y pêcher.
Son frère, Laurent, était pêcheur ; leur père, Jean Laurent Ménard, agriculteur, a été le premier maire de Villennes élu en 1790.
Parmi les quelques pêcheurs villennois qui ont laissé des traces dans les registres municipaux, nous pouvons noter Louis François Jolivet, maître pêcheur à Migneaux en 1847.
Deux faits divers, qui ont fait l'objet d'un procès-verbal au milieu du XIXe siècle, nous donnent des informations :
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Celles-ci étaient parfois vidées par des voleurs, comme l'ont déclaré deux pêcheurs :
Le métier de pêcheur a disparu lorsque les prises n'étaient plus suffisantes, suite à diverses modifications de l'environnement :
Les pêcheurs ont, également, subi la concurrence de leurs confrères de la mer, les marins-pêcheurs, dont la production arrivait de plus en plus rapidement sur les marchés, alors que la demande diminuait : les lois de l'Eglise sur l'observation du jeûne (140 jours "maigres" par an) étaient de moins en moins respectées.
Les diverses activités humaines sur la Seine, en particulier la construction de barrages-écluses, constituant des obstacles infranchissables, ont notamment entraîné l'extinction de sept espèces migratrices, en particulier la grande alose, le saumon, la truite de mer, la lamproie marine et l'esturgeon.
Un esturgeon de près de 100 kg et mesurant 3 mètres a été capturé en 1839 à Poissy ainsi qu'un autre de 140 kg à Mantes-la-Jolie en 1856. |
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Le célèbre restaurant qui perpétue le souvenir de l'esturgeon pisciacais appartenait alors à François Hommery. Il l'a pris dans les filets qu'il avait l'autorisation de tendre sous les arches du pont et qui lui servaient habituellement à pêcher les anguilles descendant le cours du fleuve. |
Des esturgeons ont fréquenté la Seine jusqu'en 1917 ; il est vraisemblable que de plus petits spécimens aient été capturés également à Villennes.
Un tonneau, des pièces de bois, un bateau ... et des noyés. Ce sont les "pêches" mentionnées dans les déclarations inscrites dans un registre municipal entre 1840 et 1884. Pour lire des détails, consultez la page Police (messiers et gardes).