Bandeau décoratif : la laiterie, le toit à porcs et le poulailler d'Acqueville

Le château d'Acqueville


Pour écrire le chapitre sur le Domaine d'Acqueville de son ouvrage Villennes et ses Seigneurs, publié en 1967, Marcel Mirgon s'est basé sur une "documentation obligeamment fournie par Monsieur Charles du Courthial de Lassuchette", le propriétaire à l'époque. Malheureusement, celle-ci était incomplète et n'a pas permis d'éviter des inexactitudes. Nous remercions très vivement Eike Edler von Graeve, propriétaire du domaine de 1985 à 2004, de nous avoir fait part des recherches qu'il avaient effectuées avant d'entreprendre la restauration du château, la transformation de ses dépendances et l'aménagement du parc.

Vue aérienne du Domaine d'Acqueville

Photo aérienne du château d'Acqueville, prise et confiée par François Gourdon

Sa documentation comprenait notamment le texte d'une conférence faite à Villennes en 1991 par Pierre-Yves Louis, qui avait étudié des documents très intéressants trouvés aux Archives Nationales et à la Bibliothèque Nationale, sur Adam Chevrier, créateur du domaine et du château d'Acqueville, sur sa famille et sur ses successeurs. Nous en résumerons plusieurs parties que nous complétons par les résultats de nos recherches dans les archives départementales.

Le domaine d'Acqueville étant une propriété privée, qui n'est pas ouverte au public, nous vous convions à une visite virtuelle grâce aux nombreuses photographies que nous avons pu y prendre.

Deux Hacqueville : confusion et possible relation

Nous évoquerons les différents propriétaires de ce lieu, dont le nom a été orthographié Acville puis Hacqueville, avant de devenir Acqueville.

Panneau Hacqueville

Au moins trois autres communes portent actuellement le nom d'Acqueville : deux dans les départements du Calvados et de la Manche, une autre en Suisse.

Nous nous intéresserons plus particulièrement au village, nommé Hacqueville, situé dans le département de l'Eure dans le Vexin Normand entre les Andelys et Gisors.

En effet, une branche de la famille de Poissy porte le nom de ce lieu, dont plusieurs de ses membres, prénommés Robert, ont été les seigneurs aux XIIIe et XIVe siècles. Le premier Robert de Poissy avait épousé, en 1150, Isabeau de Neubourg, qui lui a apporté en dot cette seigneurie d'Hacqueville.

Son petit-fils, le troisième Robert de Poissy, y a fondé vers 1230 un prieuré, que Marcel Mirgon a malencontreusement situé à Villennes en attribuant cette implantation à l'un des plus puissants seigneurs de Normandie, Robert III, fils de Siméon de Montjoie, qui possédait alors la Chatellenie de Poissy.

Il est, toutefois, possible que le domaine villennois d'Hacqueville ait le pris le nom de la seigneurie normande, après l'installation de l'un des membres de la famille, souhaitant se rapprocher de Poissy.

Motte féodale à Hacqueville

A Hacqueville, on peut encore voir la motte sur laquelle était bâti le château féodal.

Ferme à Hacqueville
Mur d'enceinte à Hacqueville

Des constructions d'origine, il ne reste que quelques fragments du mur d'enceinte et un petit bâtiment, qui devait être une fauconnerie.

Ancienne fauconnerie
Souterrain à Hacqueville

Par contre, les souterrains ont été conservés en excellent état, dans les parties qui sont restées accessibles.

Autre vue du souterrain

Les vestiges gallo-romains et mérovingiens

Si les premiers habitants du domaine d'Acqueville n'ont pas été des moines, ils semblent être plus anciens : des vestiges des époques mérovingienne (VIe - VIIe siècles) et, peut-être, gallo-romaine y auraient été découverts.

Thermes ou moulin ?

Au cours des travaux de terrassement pour la canalisation des différents cours d'eau souterrains, alimentant notamment l'étang, une construction rectangulaire a été mise au jour.

Son déblaiement a permis de montrer qu'elle aurait pu  constituer des "thermes" : deux regards donnent accès à des canalisations en maçonnerie ; l'eau issue d'une source située un peu plus haut y circule toujours.

Vestiges des thermes
Soubassement des thermes

La méthode d'assemblage des pierres constituant la partie basse des murs, la plus ancienne, permettrait-elle de dater ce bâtiment de l'époque mérovingienne ou même de la période gallo-romaine ?

C'étaient, en effet, les Romains qui avaient apporté dans notre pays les bains publics, dont les plaisirs faisaient partie de leur art de vivre. Cette "salle de bains" était-elle une "piscina" ou un "frigidarium" ?
Ces vestiges pourraient, plus vraisemblablement, être ceux du soubassement d'un ancien moulin.

La sépulture

Ouverture d'une sépulture

Une ouverture dans un tumulus était comblée par des gravats. Leur extraction a fait apparaître non pas une grotte ou une entrée de souterrain mais ce qui pourrait être une ancienne sépulture.



Intérieur de la sépulture

Celle-ci ne contenait pas un sarcophage mais une "banquette" de pierre. Le défunt devait y reposer, enrobé de bandelettes de lin enduites de plâtre, comme c'était l'usage à l'époque.

Le bâtiments qui subsistent

La porte du XIe siècle

Le bâtiment le plus ancien du domaine, conservé jusqu'à nos jours, est la "Porte jaune", construite vraisemblablement au Moyen Âge.

Porte jaune, vue intérieure

Elle était alors l'entrée principale par le chemin de Poissy à Orgeval, devenu la route reliant Villennes à la ville voisine.

Porte jaune, vue extérieure

Elle ne serait plus utilisable, une nouvelle couche de revêtement élevant le niveau de la chaussée !

Des contructions du XIIIe et du XVe siècles ?

Cette porte visiblement antérieure à la construction du château devait certainement donner accès à une propriété. Malheureusement, aucun écrit n'est parvenu jusqu'à nous sur les habitants de cette époque. Nous ne disposons pas, non plus, de plans montrant la présence de bâtiments. Seuls des éléments architecturaux, en particulier les techniques utilisées pour les charpentes, permettent d'élaborer des hypothèses sur l'époque de la construction de deux bâtiments, l'un du XIIIe siècle, l'autre du XVe siècle.

Le bâtiment du château, en forme de T, comprend en fait deux parties :

  • L'une, la plus récente, en forme de L (n° 3, au premier plan sur la photo) ;

  • L'autre (n° 1), sur laquelle celle-ci s'est adossée.

Le corps de ferme (n° 2) semble avoir été bâti après ce premier bâtiment. Les communs (n° 4) et l'orangerie (n° 6) ont été construits plus tard.

Vue aérienne légendée des bâtiments du château d'Acqueville

La première bâtisse

Ce bâtiment contient toujours un escalier à voûte sarrasine ainsi que des charpentes, qui pourraient avoir été construits au XIIIe siècle.

Escalier à voûte sarrasine
Détail charpente du 13e siècle


La charpente du toit, en forme de coque de navire inversée, est en effet caractéristique de cette époque.

Autre vue de la charpente du 13e siècle

Le corps de ferme

Sa charpente est plus récente : elle peut être datée du XVe siècle. Nous pouvons toujours voir les "signatures" des charpentiers, qui sont gravées sur la plupart des poutres.

Le bâtiment possédait, autrefois, plusieurs grandes portes dont les fixations au sol sont encore visibles : elles permettaient le passage des troupeaux et de charrettes.

Charpente du corps de ferme datant du 15e siècle

La seigneurie d'Acqueville

Adam Chevrier et sa famille

Dès la création de la Seigneurie de Villennes et Médan, une partie des terres d'Acqueville en faisait partie. A la fin du XVIe siècle, le seigneur Nicolas Ier Bourdin, couvert de dettes, s'est enfui à Raguse. Son épouse, Marie Fayet, a racheté le domaine et s'est fait aider par Antoine Chevrier, puis son fils Adam, pour le gérer. Habitant à Paris rue Saint-Paul, elle séjournait souvent à Fauveau, d'où elle administrait ses terres jusqu'à sa mort en 1651, à l'âge de 84 ans.

Les Chevrier constituaient une famille bourgeoise de Poissy qui a joué un rôle important aussi bien localement qu'à Paris. Antoine, était un "marchand", négociant en gros des productions agricoles des seigneuries et des abbayes ; il spéculait sur les denrées et réalisait des profits importants en prêtant de l'argent aux familles princières qui en manquaient.

Plaque de l'avenue Adam Chevrier à Villennes

Adam Chevrier avait deux frères plus âgés a été l'aîné, Jean,  contrôleur au grenier à sel de Poissy ; Pierre a été receveur d'un fils de Catherine de Médicis, François, duc d'Alençon et comte de Montfort-l'Amaury, avant d'être maître des comptes, puis notaire et secrétaire du roi.

Son nom a été donné, à la fin du XXe siècle, à la voie qui dessert les maisons construites à l'emplacement du potager du château.

Adam a commencé, également, sa carrière comme receveur de François d'Alençon (qui était le frère de François II, de Charles IX et de Henri III), puis il est passé au service de François d'Orléans-Longueville, comte de Saint-Paul et gouverneur de Picardie ; il a obtienu, à la mort de ce dernier, la charge de président-trésorier de France en la généralité de Picardie. Il a continué à habiter à Amiens mais il résidait fréquemment à Acqueville, très attaché à sa ville natale (il a fait une donation de 2 000 livres pour reconstruire les orgues de la Collégiale de Poissy).

La constitution du domaine par Adam Chevrier

En août 1594, Jean Bourdin, seigneur de Médan, et son frère, Jacques de Morogues, propriétaires de prés près de Migneaux, les ont cédés à Adam Chevrier. Il manquait encore un quart de ce terrain de 452 perches (plus de 2,25 ha), qui faisait partie des biens saisis de leur frère, Nicolas. En 1599, Marie Fayet l'a racheté par adjudication pour le vendre à Adam Chevrier. Le nom du lieu, "le chemin des Meules", provenait des meules taillées dans des carrières de pierre d'Orgeval et des Alluets, qui y étaient acheminées pour être transportées par la Seine vers des moulins en construction ou à réparer.

De 1594 à 1623, Adam Chevrier a acheté plus d'une soixantaine de terrains, appartenant au prieur curé de Villaines, à de nombreux habitants du village et de paroisses voisines. Soit il achetait des parcelles, soit il acquérait des droits indivis puis il poussait les autres copropriétaires à lui céder également leurs droits.

Il a acheté par adjudication d'autres biens saisis pour les utiliser comme monnaie d'échange. Certains étaient des biens hypothéqués par des personnes, en proie à des difficultés financières, qui ne pouvaient plus rembourser les prêts qu'il leur avait consentis !

Pour acheter au moins 148 arpents de terres, soit environ 75 hectares, il a dépensé une somme supérieure à 19 000 livres (à cette époque, un manouvrier gagnait 0,5 à 0,75 livre par jour).

La construction du château

Quelques années après le début de son "opération foncière", Adam Chevrier disposait d'un terrain suffisant pour y bâtir un château. La construction a été achevée en septembre 1598.

Pierre-Yves Louis a retrouvé le contrat qu'il avait alors signé avec un peintre du Faubourg Saint Honoré-les-Paris, Pierre Dubuisson ; il s'engageait à faire en six semaines pour 55 écus, soit 165 livres, l'œuvre ainsi décrite : "En la maison d'Hacqueville, ung tableau sur thoille, peint en huille du plant tant de ladite maison, basse court, jardin, prés, boys et ce qui est contenu en l'enclos et au Tour d'Icelluy".

Il a aussi peint  les cheminées, l'escalier, et pour la chapelle, un "tableau sur thoille en huille représentant les figures de Moyse et Aron avec les tables où seront escriptes en lettres d'or les commandemens de dyeu".

L'escalier comprend une première partie en pierre et une seconde en bois.

Escalier renaissance du château, vue 1 Escalier renaissance du château, vue 2

D'époque "Renaissance", il a été très bien sauvegardé jusqu'à nos jours.

Escalier renaissance du château, vue 3

Le fief d'Hacqueville

L'érection du fief, confié à Adam Chevrier

En décembre 1599, Acqueville est devenu un fief, dépendant de la seigneurie de Villaines. Marie Fayet a cédé, contre 150 livres de rente, diverses redevances à Adam Chevrier, en en faisant le seigneur d'Hacqueville, avec cette mention : "décharge le manoir d'Acqueville et ses dépendances de toutes censives".

Toutefois, plus tard, elle l'a accusé de l'avoir abusée et a engagé une procédure contre lui au Parlement. Voici le texte intégral du jugement de 1608, transcrit avec l'orthographe de l'époque (en rétablissant toutefois les s écrits f et les v en forme de u, mais pas les j écrits i), sans traduction des phrases en latin.

Pour Dame Marie Fayet, dame de Villaines, demanderesse
Contre Maistre Adam Chevrier, Tresorier de France, deffendeur

Par Contract du 21 Décembre 1599, ladite Dame a baillé en eschange audit Chevrier, quatre livres cinq sols tournois de cens, vingt cinq minots de grain, six chappons & une poulle de rente, à prendre sur les heritages y declarez, c'est à dire, tant sur la maison & enclos de Hacqueville, que sur ceux sont hors ledict enclos le tout, erigé en fief iusque à la concurrence desdicts cens & rentes ceddez.

Il y a plusieurs heritages dont ledit Chevrier est detempteur, & c'est l'une des demandes qu'on luy faict, à ce qu'à faulte de faire apparoir de ses contracts d'acquisition de plusieurs pieces de terre dont il sagist, il soit permis à ladite dame de les faire saisir : car elle a interest de sçauoir si les heritages dont il s'agist sont chargez de cens & rentes en grain & volailles à luy ceddez : auquel cas il ne peut pretendre que les detempteurs des heritages mentionnez audit contract lui doivent payez les cens & rentes dont ils sont chargez, oins ils doivent estre payez à ladite dame, n'etant pas raisonnable que ledit Chevrier iouisse de plus grande quantité de cens & rentes, soit par les mains en conséquence de ses acquisitions, soit par les mains desdits detempteurs.

Neanmoins il veut prétendre directement contre les termes du contract & contre l'intention de la dite dame (qui ne fut iamais autre que de le faire iouir desdits quatre livres cinq sols tournois, vingt cinq minots de grain, six chappons & une poulle de rente) que s'il se trouvait dauantage sur les heritages desquels luy ou autres particuliers denommez audit contract sont detempteurs, le surplus luy doit appartenir, en quoy il n'y a apparence quelconque.

Car ladicte Dame tesmoignera assez son intention en exprimant la quantité du cens & rentes qu'elle luy ceddoit : & de faict toute la censiure de ladite dame est dene en parisis, & elle ne luy cedde qu'en tournois & sur le pied de la prisee de son partage que s'il s'en trouve davantage sur les heritages exprimez par le contract, cela provient de la surprise dudit Chevrier qui sçavoit bien de quels cens & rentes les heritages estoient chargez.

D'autant que depuis l'année 73, iusques alors Antoine Chevrier, son père avoit esté perpetuellement fermier & receveur de ladite terre, en avoit fait faire le Terrier de l'année 81 & avoit en tous les tiltes entre ses mains, & le deffendeur en avoit une telle cognoissance qu'il luy fut facile d'abuser de l'ignorance de ladite dame : C'est pourquoy il y a clause de restitution dans lesdites lettres qu'elle a obtenues fondee sur le dol dudit deffendeur, lequel mesme instat qu'il deveuait vassal de ladite dame, commettait un acte contraire à la foy et homage qu'il prestait par ledit contract, ce qui est odieux :

cum inter dominum & vassalum nulla frans. nec vllum malum ingenium deheat interuenire, in vsib, feud. lib. 5.

Secondement il est certain que l'expression du cens & rente en une quantité certaine n'a pas esté inutilement faite, car si on luy eust voulu esteindre & amortir tous les cens & rentes dont les heritages mentionnez au contract estoient chargez, il n'eust point esté necessaire d'exprimer ladite quantité & par conséquent cette expression d'une certaine quantité, faict qu'il fault regler ses pretentions suivant icelles.

Ne sert de dire que les heritages sur lesquels les cens & rentes se doivent prendre sont exprimez car lesdits cens & rentes sunt in dispositione, mais les heritages sunt tantum in executione dispositionis.

A ce propos, est notable la decision de Maistre Charles du Moulin sur la Coustume de Paris. § . 1 . gl. r . in verb . arpens. nim I, qui est formelle en cette cause, conforme à la disposition du droict, si quis vendas leget vel donet decem modios tirtici, deinde fubyciat fundum vel locum unde capeintur vel prastabuntur, tunc inquit, disprositio per se sat & profites adiecsionem fundi vel loci non augetur vel minuitur, nec attenditur in ex loco designato posint occipi, vel non, quim non fit obligatio limitata ad locum, fad vel undecumque debentur per disponentem & se ert des textes de droict en la loy, Paulo Callimache D. de leg. 3. l. quidam. in tesr. ff. de leg. r. mesme au faict dont est question, encore que la disposition s'estende sur certains heritages, ce n'est pas à dire qu'il faille surpasser la quantité du cens & rentes, exprimées & specifiees par le contract.

La preuve qu'ils sont chargez de plus qu'il n'en a esté ceddé, resulte des offres que le dit Chevrier a este contraint de faire, que s'il s'en trouvoit dauantage il offroit de payer le surplus desdicts cens & rentes à ladite dame en qualite de rente seiche, & d'ailleurs ladite dame a cotté & iustifié quels sont les heritages & de quels cens & rentes ils sont chargez. Combien que iusques icy elle n'ait peu esclaire si ledit Chevrier (ioilissant pas ses mains des cens & rentes des heritages dont il est detempteur) est entierement remply de la quantite à luy cedée par ledit contract, parce qu'il ne demeure pas d'accord estre detempteur de plusieurs heritages, & neanmoins il empescha permission de saisir, requise par la dite dame, ce qui monstre qu'il est detempteur car il ne l'estoit point il n'y ayroit point d'interdist : comme aussi il se sonct payer le centime par plusieurs particuliers detempteurs, qui luy passent des declarations de leurs heritages, desquelles il n'a jamais voulu faire apparoir au present proces.

Donc la principale question dudit Chevrier en telle sorte qu'il ne possede en fief et n'attende le Centime sur plus grande quantité d'heritages que iusques à la concurrence des cents & rentes à luy cedez, car le surplus doit estre payé à ladite dame, & luy mesme estant remply de la quantité, ensemble les autres detempteurs doivent fournir déclaration de leurs heritages comme estant en roture, & estant demeurez en la censure de ladite dame, nonobstant ledit contract, & nonobstant toutes les pretenduës declarations desdites rotures qu'il a fournies en l'année six cents huicts & depuis pendant le proces.

C''est pourquoi elle conclud à ce que faisant sur l'appel, & sur le principal evoqué, sur les requestes par elles presentees, Il doit dict qu'ayant esgard aux lettres par elle obtenuës & icelles enterinât, le fief de Hacqueville sera reduit pour le premier article du contract de 26 sols parisis de cens à la quantité de 29 arpents & demy d'heritages, à laquelle se monte le mesurage de ladite maison et enclos d'Hacqueville, & ledit Chevrier ou les heritiers seront deboutez de la demande incidente pour le parfournissement de huict arpens & demy d'heritages de proche en proche par luy pretendus en conséquence dudit article, & pour le regard des autres articles dudit contract, ils seront pareillemêt reduits à proportion du cens & rentes, & luy seront fournis des heritages de proche en proche, lesquels auec ledicte maison & enclos se trouueront chargez de quatre livres cinq sols tournois de cens, vingt cinq minots de grain, six chappons & une poulle de rente seulement, & du surplus desdits heritages il sera tenu d'en fournir la declaration en à ladite dame come estans tenus en roture, le luy en payer les cens & rentes à elle deubs.

Le tout sans avoir esgard à la déclaration qu'il a fait inserer dans le terrier que ladite dame a joinct faire en l'année 608, qui sera rejettee, Et seront lesdits heritiers condamnez en tous les despens du proces, tant la cause principale que d'appel, qu'incident de lettres & requestes.

Dix ans après le décès d'Adam Chevrier en juin 1624, sa veuve, Renée de Bauquemare, a été condamnée à payer "594 livres 11 sols pour 29 années d'arrérages de 11 minots de grain de rente annuelle".

Afin de mieux comprendre ce texte, voici quelques informations utiles sur le système féodal, rappelant les relations entre un seigneur et ses vassaux, et sur quelques unités de valeur et de mesure de l'époque :

Le système féodal

La société féodale, qui a régi le royaume de France pendant cinq siècles à partir de l'an 1000 environ, était bâtie selon une architecture pyramidale : tout homme dépendait d'un homme, toute terre dépendait d'une terre. Chaque terre était appelée un fief, du francique "fëhu", qui signifiait troupeau. Chaque fief appartenait à un vassal à qui il avait été concédé par un suzerain. Chaque suzerain protégeait et garantissait le fief de son vassal, qui lui devait en échange le service militaire et une redevance en argent et en nature (part des récoltes agricoles, volailles...).

Unités de valeur et de mesure de l'époque

Monnaies

L'unité de valeur était la livre tournois, qui devint le franc ; une livre parisis frappée à Paris = 25 sols.

Superficies

1 perche = 22 pieds carrés = 51,07 m2
1 arpent de Paris = 100 perches = 5 107 m2

Volumes de marchandises

1 boisseau = 13,01 litres
1 minot (grains, charbon, chaux et plâtre) = 3 boisseaux = 39,03 litres
1 setier (blé, seigle) = 4 minots = 156,12 litres.

Un lien entre Aqueville et Ecquevilly ?

Il est à noter que la belle-mère d'Adam Chevrier appartenait à une autre famille portant le nom d'Hacqueville ! Son père, André d'Hacqueville était président au Grand Conseil ; sa mère était issue de la puissante famille champenoise Hennequin qui s'est installée à quelques kilomètres de Villaines, à Fresne. En 1724, le roi, à la demande d'Auguste Vincent Hennequin, a érigé cette baronnie de Fresne en marquisat d'Ecquevilly.

Autre bizarrerie de l'histoire : la similitude des noms "Acqueville" et "Ecquevilly" est-elle fortuite ?

Les enfants d'Adam

Portrait de Pierre Chevrier, baron de Fouencamps

Adam Chevrier et Renée de Bauquemare ont eu six enfants. Seul Pierre a  joué un important rôle, restant dans l'Histoire sous le nom de "baron de Fouencamps".

Ce titre de la seigneurie, située près d'Amiens, dont il avait hérité de son père, a été transformé en Nouvelle-France en "baron de Fancan". C'est, en effet, au Québec, lieu de sa mission humanitaire et évangélique, qu'il y a investi une partie de la fortune de son père.

Il y a fondé d'abord, en 1630, une congrégation de religieuses hospitalières sous le patronage de saint Joseph puis il a créé en 1639 la "Société de Notre-Dame de Montréal pour la conversion des sauvages de la Nouvelle-France". Vers 1659, il a été ordonné prêtre.

Pour de plus amples détails, consultez la biographie de Pierre Chevrier.

Les sœurs hospitalières de Saint-Joseph

Après le décès d'Adam Chevrier, le château d'Acqueville est devenu la propriété de son fils aîné, André. Criblé de dettes, celui-ci vendit le château en octobre 1643. Il est décédé en novembre 1653.

Une nouvelle Seigneurie d'Acqueville

Courte transition avant une longue lignée de propriétaires

Le nouveau propriétaire du domaine était Jean Guyet. Trois ans après son acquisition, il est mort ; ses enfants ont laissé à leur mère, Marie Ferrand, la propriété d'Acqueville. L'année suivante, en 1647, elle l'a cédée à Charles Robin. Son épouse, Madeleine Brice, et lui n'avaient qu'une fille, Claude Robin ; elle a été leur héritière. Celle-ci ayant épousé Jean le Boulanger, le domaine d'Acqueville a été pendant près d'un siècle la propriété de sa famille.

Transmission aux fils aînés de la famille Le Boulanger

Jean Le Boulanger était le seigneur de La Sablonnière. Après son décès, le domaine est revenu à son fils Louis Ier. Celui-ci et son épouse ont désigné, en mai 1691, leur fils aîné et l'aîné de tous ses descendants comme futurs propriétaires du domaine d'Acqueville.

La Revue nobiliaire, héraldique et biographique, publiée par M. Bonneserre de St-Denis en 1862, donnait un portrait de Louis le Boulanger, seigneur d'Acqueville, reçu "maistre des requestes" le 22 décembre 1656, mort le 18 septembre 1701. Auparavant conseiller au Parlement le 4 sept. 1645.

Sçait les affaires ; ne manque pas de suffisance, mais un peu l'esprit bourgeois.

C'est donc Louis II qui leur a succédé. L'aîné de ses fils, Isidore Louis, hérita du domaine. Après son décès à 26 ans, en 1759, son fils Armand Louis, alors âgé de deux ans, devint son héritier, mais sa grand-mère a conservé l'usufruit du domaine jusqu'à sa mort en octobre 1782.

Avec les terres des alentours, le domaine d'Acqueville constituait alors un territoire de chasse, qui a fait l'objet d'une carte réalisée vers 1765.

Carte des chasses du roi, vers 1765
Plan du domaine d'Acqueville sur toile, 1779

Quant à ce plan, il fait partie d'un ouvrage édité en 1779, conservé aux Archives Nationales.

Atlas Le Boulanger, page de gauche

ATLAS des Fiefs & Seigneuries
d'HACQUEVILLE & du PLESSIS-SANGUIN
situés à Poissy & ses environs appartenant à
MONSIEUR LE BOULANGER d'HACQUEVILLE,
Conseiller au Parlement,
Seigneur des dits lieux

M DCC LXXIX
(1779)

Atlas Le Boulanger, page de droite

Sa reliure de cuir porte les armes des Le Boulanger, surmontées d'une couronne de marquis :

"D'azur à la fasce d'or accompagnée en chef de trois étoiles de même et en pointe de trois roses d'argent".

Blason de la famille Le Boulanger
Le domaine d'Acville en 1786
Le domaine d'Acville en 1786

Le domaine comprenait alors, outre le château, des jardins, un parc, un potager, des prairies et des futaies de hêtres.

Armand Louis a été le premier de sa famille à choisir le métier des armes, en tant qu'officier aux Gardes Françaises.

Il a été marqué par un drame : sa fiancée, Anne Marie Bertin de Morancé, dont il était très amoureux, est décédée peu avant leur mariage en octobre 1781.

Bientôt, d'autres événements d'ampleur nationale ont conduit Armand Louis Le Boulanger à quitter Acqueville et la France : en juillet 1790, il a émigré en Angleterre.

Uniforme d'un garde française

Il y a rencontré Marie Anne Grais, qu'il a épousée en août 1819, après leur retour en France, lors de la seconde Restauration. Ses biens ayant été confisqués et vendus, ils ont habité à Paris, où il est décédé en décembre 1825, sans descendant

Le château en 1784

L'inventaire

Nous connaissons le mobilier de la famille Le Boulanger par l'inventaire conservé aux Archives Départementales des Yvelines. Il a, semble-t-il, été réalisé par cinq personnes, arrivées à cheval un samedi soir du mois de juin, de l'avoine ayant été achetée spécialement pour nourrir leurs montures, comme l'indique cette note inscrite dans la marge de l'état.

Il a été acheté 6 septiers d'avoine le jour de leur arrivée. 5 chevaux arrivés à Hacqueville le samedi 19 juin au soir, ont eu un ¾ de boisseau pour souper, à partir du dimanche 20 ont été mis à un ½ boisseau par cheval. Le mardi à dîner il n'y avait plus que 4 chevaux à cette règle. La jument baie n'a eu pendant longtemps qu'un quart d'avoine par jour.

Un plan de l'appartement d'Armand Louis le Boulanger a été joint à l'inventaire.

Plan de l'appartement du propriétaire en 1784

Nous avons transcrit entièrement cet état, en adaptant l'orthographe et en apportant quelques explications. Sa lecture complète peut être fastidieuse mais elle apporte des informations intéressantes sur les personnes pouvant être logées dans le château (39 lits...), la décoration des pièces, et les loisirs du propriétaire (clavecin, échecs, billard...). Si vous souhaitez consulter  ultérieurement ce document très détaillé, pour lire, seulement,  un résumé des informations déduites de cet inventaire sur cliquez ici.

Etat des meubles du château d'Hacqueville en 1784

Rez-de-chaussée

Salon :


Un clavecin et son pupitre,
Six fauteuils de satin vert et blanc à figure, Quatre de tapisserie de soie verte et blanche, Deux bergères de pareille étoffe,
(figurant sur l'état mais rayé : six cabriolets de dauphine blanche avec des roses, une chaise longue, quatre chaises de cannées, quatre fauteuils de paille avec des coussins de lampas vert et blanc)
Un grand écran à pied et de taffetas vert, le tout avec des housses.
Chenets, pelle, pincette de fer, un soufflet,
Une table de bois de noyer à tiroir,
Deux belles glaces,
Une console à dessus de marbre,
Une commode en marqueterie à dessus de marbre, fermant à clef, ayant quatre tiroirs, Une lunette avec son support en cuivre,
Un jeu d'échecs,
Une petite lunette d'approche,
Une carte de l'archevêché de Paris,
Quatre raquettes anglaises, un parapluie, deux parasols, le trépied de la lunette,
Huit rideaux blancs encadrés d'indienne (toile de coton imprimée) rouge et blanche,
Une lanterne de cristal et des bras à la cheminée.

Antichambre du salon :

Une tapisserie de toile peinte en chinois avec baguette en blanc,
Table de jeu,
Un tric trac complet,
Six chaises cannées peintes en gris,
Un rideau en deux parties de toile blanche encadrées,
(figurant sur l'état mais rayé : sept tables de jeu, deux cartes des environs de Paris).

Garde robe :

Lieu à l'anglaise en bon état,
Six petites planches d'encoignures,
Un baromètre,
Une petite encoignure avec bas d'armoire,
Une table de nuit et trois pots de chambre, Seau de faïence sur un dé de pierre,
Une tringle de fer et un rideau de toile de coton blanc.

Vestibule :

Une table à manger en trois parties et deux tréteaux




Salle à manger :

Une cuvette en cuivre,
Une table de chêne
(rayé : une mauvaise table de sapin),
Peint en marbre un poêle de faïence et sa colonne peinte en porphyre et sa cendrière,
Une table à manger,
Douze chaises de tapisserie,
Deux fauteuils cannés,
Une armoire à placard fermant à clef et garnie de ses planches,
Quatre cruches de grès,
Douze verres anglais "à patte", douze "sans patte"
Quatre carafes.

Antichambre de la chambre à coucher :


Une tapisserie verte,
Un fauteuil de maroquin rouge au bras doré, (rayé : un fauteuil de paille)
Une armoire en placard fermant à clef ayant cinq planches, sur l'une d'elle des lampes à garde vue, un rouet et dévidoir, deux boîtes de ferrailles, des faïences de lieux à l'anglaise, sur une autre neuf flambeaux argentés, trois bougeoirs argentés, une paire de mouchettes (ciseaux qui servaient à moucher les chandelles), des boîtes et paniers à fiches. (rayé : quatre coussins dont un couvert d'indienne, un jeu complet avec vases dorés)

Chambre à coucher :

Un lit de Perse (tissu d'ameublement, toile imprimée imitant la toile peinte de l'Inde, mais que l'on dit être de Perse) à la duchesse (grand lit à colonnes supportant un baldaquin) avec sa housse et ses soubassements complets, un sommier de crin, deux matelas lit de plumes (sorte de matelas de plume utilisé à l'époque) et traversin de coutil, une couverture de coton, une autre de Perse piquée, un couvre pied de péquin (étoffe de soie ornée de fleurs ou présentant des bandes alternativement mates et brillantes) piqué,
Six fauteuils de Perse,
Six cabriolets,
Deux bergères neuves de toile de Jouy (toile imprimée à dessins fabriquée à Jouy-en-Josas) fond blanc à bouquets
(rayé : fauteuils de paille avec des coussins pareils aux fauteuils)
Quatre fauteuils canés,
Un écran de taffetas vert,
Une glace sur la cheminée,
Deux portes montres,
Une table de noyer,
Un secrétaire de noyer,
Une commode à dessus de marbre fermant à clef garnie d'un pot à eau et une cuvette de faïence blanche,
Cinq tasses et soucoupes de terre et porcelaine blanche,
Pendule à répétition,
Huit (rayé : douze) parties de rideaux blanc encadrés d'indienne,
Un soufflet, une pelle, une pincette et chenets dorés.

Cabinet de toilette :

Une glace,
Six fauteuils en toile brodée,
Deux fauteuils de paille garnies de coussins d'indienne,
Deux fauteuils canés,
Une table de toilette,
Une commode à dessus de marbre garnie d'une toilette complète rouge,
Un miroir cassé,
Tous les linges et parures de toilette,
Un pot à eau,
Une petite table de bois de hêtre,
Quatre parties de rideaux encadrés.

Boudoir faisant salle de bain :

Une tenture (rayé : d'indienne) et draperie de Perse bleue et blanche,
(rayé : deux fauteuils canés, deux fauteuils paillés avec des coussins d'indienne pareils à la tenture, un petit miroir, un baromètre, une petite bibliothèque, un jet à pomme dorée), Quatre parties de rideaux blancs encadrés de bleu et blanc,
Deux petites chaises à colonne de pareille étoffe,
Une armoire à placard.



Garde robe :


Sur une table noire, un cabaret, garni de sept tasses et soucoupes de porcelaine bleue et blanche,
Une armoire à placard fermant à clef, garnie de planche contenant quatre carafes de cristal, un huilier complet en faïence assez propre (!)
Un pot à eau commun,
Un miroir de toilette dans sa boîte,
Dix coffres de toilette grands et petits,
Une pelote,
Un soufflet,
Un portemanteau.

Petite garde robe :

Deux portemanteaux,
Deux tables de nuit,
Trois pots de chambre,
Un bidet,
Deux chaises percées,
Une cruche de grès,
Une bouilloire.

Chambre de la femme de chambre :

Tapisserie en verdure et animaux,
Lit d'indienne pareil au lit garni d'un sommier, Deux matelas lits de plume,
Traversin,
Une couverture
(rayé : deux chaises canées)
Un fauteuil de paille (rayé : avec un coussin de tapisserie)
Une table,
Un miroir,
Chenets, pelle, pincette, soufflet et balai de crin,
Une commode à trois tiroirs fermant à clef,
Pot à eau,
Cuvette,
Un pot de chambre,
Un chandelier en cuivre et mouchette,
Un portemanteau.




Office :

Une table à manger,
Six chaises de paille,
Une autre table à tiroir,
Un buffet à dessus de marbre fermant à clef,
Un rideau de toile blanche à la croisée,
Deux chevrettes,
Pincettes,
Moulin à café,
Dix flambeaux de cuivre,
Quatre mouchettes,
Six poêles à confiture en cuivre,
Une écumoire, Un panier d'osier,
Un flacon d'étain pour mettre à rafraichir l'eau, Une poêle à feu.

Fruitier :

Une petite et mauvaise armoire servant d'étuve et fermant à clef et garnie de six planches, Balance de cuivre avec les poids,
Paniers pour mettre les verres,
Outils de tourneurs,
Autres paniers pour les bouteilles.

Chambre du garçon de cuisine :

Un bois de lit garni d'une paillasse,
Deux matelas,
Traversin et couverture,
Table,
Chaise,
Pot de chambre et tablettes.

Cuisine :

Table et billot,
Deux bancs de bois,
Douze casseroles,
Deux timbales,
Quatre marmites et leurs couverts de cuivre, Deux tourtières,
Une passoire,
Quatre écumoires,
Une cuillère à pot,
Deux grils,
Deux hachoirs,
Une broche,
Un couperet,
Deux pelles,
Deux pincettes,
Une pelle à four,
Deux chenets,
Un râtelier,
Un lèche-frites,
Deux chaudrons,
Une chaudière de fonte,
Six chevrettes,
Deux poêles à frire,
Un poêlon,
Trois chandeliers de fer,
Un mortier et son pilon,
Un peson à la romaine,
Une poissonnière,
Un four de campagne,
Une poivrière.

 

Premier étage

N° 1 :

Un lit de satin jaune garni d'un sommier,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture et couvre pied de soie,
Autre couverture de toile piquée,
Courte pointe de parade et baguettes,
Deux fauteuils de satin jaune,
Quatre fauteuils de paille garnis de leurs coussins dont deux de satin jaune et deux de damas brochés (étoffe tissée et dont les mêmes dessins apparaissent à l'endroit en satin sur fond de taffetas et à l'envers en taffetas sur fond de satin),
Une commode à quatre tiroirs fermant à clef, Une table de toilette contenant un miroir,
Deux flacons, Trois pots de porcelaine,
Un gobelet,
Deux boites à poudre,
Une vergette (petite brosse),
Un encrier et boîte à poudre pour l'écriture, Pupitre ayant écran,
Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Deux tasses et soucoupes de porcelaine bleue, Deux chandeliers argentés,
Pelle, pincettes, chenets, soufflet et balai de crin,
Deux rideaux de toile blanche aux croisées, Tenture en tapisserie de soie à petits personnages.

Garde robe :

Une table de nuit,
Deux pots de chambre,
Chaise percée et bidet,
Cruche de grès et bouilloire.

Supplément :

Lit en baldaquin d'indienne garni d'un sommier, Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture et couvre pied d'indienne,
Courte pointe de parade,
Deux fauteuils garnis de coussins pareils au lit et à la tenture,
Commode à quatre tiroirs fermant à clef,
Pot à eau,
Cuvette et gobelets,
Miroir en trois petites parties,
Deux paires de rideaux de toile blanche aux croisées.

Antichambre :

Trois fauteuils de paille,
Une table,
Trois portraits de famille encadrés.

Chambre de la femme de chambre :

Lit en baldaquin de siamoise (ancienne étoffe de soie et coton, imitée de celle que les ambassadeurs du Siam avaient offerte à Louis XIV) garni d'une paillasse,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture,
Pot de chambre,
Deux chaises,
Un miroir,
Un portemanteau,
Table, Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Une commode à quatre tiroirs fermant à clef,
Un rideau d'indienne à la croisée.

N° 2 :

Lit en baldaquin de siamoise garni d'un sommier, Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture et couvre pied d'indienne,
Courte pointe de parade et baguettes,
Quatre fauteuils de paille garnis de coussins pareils au lit et à la tenture,
Table de toilette contenant un miroir,
Deux flacons,
Trois pots de porcelaine,
Gobelet,
Boite à poudre,
Une vergette,
Un encrier et boite à poudre pour l'écriture, Chenets, pelle, pincettes, soufflet, balai de crin, Table et miroir,
Deux tasses et soucoupes,
Deux chandeliers argentés,
Un rideau de toile blanche à la croisée.

Garde robe :

Une commode à quatre tiroirs fermant à clef, Table de nuit et pot de chambre,
Chaise percée, bidet,
Pot à eau,
Cuvette,
Gobelet,
Bouilloire et cruche de grès,
Deux porte-manteaux et une planche en tablette.

N° 3 :

Lit de damas vert garni d'un sommier,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture,
Couvre pied,
Courte pointe de parade et baguette,
Un fauteuil de noyer,
(rayé : un fauteuil de soie)
Un fauteuil canné et deux fauteuils de paille garnis de leurs coussins,
Commode à quatre tiroirs fermant à clef,
Pupitre ayant écran,
Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Deux tasses et soucoupes de terre blanche (faïence),
Deux chandeliers argentés,
Deux rideaux de toile blanche à la croisée, Chenets, pincettes, soufflet et balai de crin, Table de toilette fermant à clef contenant deux flacons,
Trois pots de porcelaine,
Un gobelet,
Deux boîtes à poudre,
Une vergette et une brosse à peigne,
La tenture pareille au lit.

Garde robe :

Table de nuit et deux pots de chambre,
Chaise percée, bidet,
Bouilloire et cruche de grès.

Chambre de domestique :

Lit en baldaquin d'indienne garni d'une paillasse, Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture d'indienne,
Pot de chambre,
Une chaise de paille,
Portemanteau,
Miroir,
Une table,
Commode à quatre tiroirs fermant à clef,
Un rideau de toile blanche à la croisée.

N° 4 :

Lit de damas rouge en alcôve garni d'un sommier,
Deux matelas lit de plume,
Deux traversins,
Couverture et couvre pied de soie,
Courte pointe de parade et baguettes,
Six rideaux de toile à carreaux rouge aux croisées,
Quatre fauteuils dont deux d'étoffe pareille au lit et deux de soie grise
(rayé : deux chaises garnies de leurs coussins), Commode à quatre tiroirs fermant à clef,
Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Deux tasses et soucoupes de terre blanche, Deux chandeliers argentés,
Chenets, pelle, pincettes, soufflet et balai de crin.

Cabinet de toilette :

Table de toilette contenant deux flacons,
Trois pots de porcelaine,
Un gobelet,
Deux boites à poudre,
Vergette,
Encrier et boîte à poudre pour l'écriture, Fauteuil cané,
Un rideau de toile blanche à la croisée.

Garde robe :

Table de nuit et deux pots de chambre,
Chaise percée, bidet,
Bouilloire et cruche de grès.

Chambre de domestique :

Lit en baldaquin de coutil garni d'une paillasse, Deux matelas lit de plume,
Traversin et une couverture,
Commode à quatre tiroirs fermant à clef,
Trois fauteuils de paille,
Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Table,
Miroir et pot de chambre,
Portemanteau,
Deux rideaux de toile blanche à la croisée,
La tenture pareille au lit.

N° 5 :

Lit de damas vert en alcôve garni d'un sommier, Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture et couvre pied de soie,
Courte pointe de parade et baguettes,
Trois fauteuils de paille dont deux garnis de coussins verts,
Un cabriolet de dauphine,
Une commode à quatre tiroirs fermant à clef, Table,
Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Deux tasses et soucoupes de terre blanche, Deux rideaux de toile blanche aux croisées,
Deux chandeliers argentés,
Chenets, pelle, pincettes, soufflet et balai de crin,
Table de toilette contenant deux flacons,
Trois de porcelaine,
Un gobelet, Deux boîtes à poudre,
Vergette,
Encrier et boîte à poudre pour l'écriture,
La tenture pareille au lit.

Garde robe :

Table de nuit et deux pots de chambre,
Chaise percée, bidet,
Bouilloire et cruche de grès.

Chambre de domestique :

Un lit garni d'une paillasse,
Deux matelas lit de plume,
Traversin et couverture,
Commode à cinq (?) tiroirs fermant à clef,
Deux chaises de paille,
Table de nuit et pot de chambre,
Pot à eau,
Cuvette, Gobelet,
Chenets, pelle, pincettes et balai de crin,
Miroir.



Deuxième étage

N° 6 :

Un lit à baldaquin de siamoise garni d'une paillasse,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture et couvre pied d'indienne,
Quatre chaises,
Une armoire (?) à quatre tiroirs fermant à clef, Pot à eau,
Cuvette,
Gobelet,
Une tasse et soucoupe de porcelaine bleue,
Une glace sur la cheminée,
Chenets, pelle, pincettes, soufflet et balai de crin,
Trois chaises de paille.

Garde robe :

Table de nuit et pot de chambre,
Chaise percée, bidet,
Mouchettes de cuivre.

Chambre de domestique :

Lit garni d'une paillasse,
Deux matelas,
Traversin,
Couverture de toile piquée,
Une chaise de paille,
Une planche servant de table.





N° 7 :

Lit de damas violet et satin jaune garni d'un sommier,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture en indienne,
Couvre pied de soie,
Courte pointe de parade de satin jaune,
Trois fauteuils de paille,
Chenets, pelle, pincettes, soufflet et balai de crin,
Deux tasses et soucoupes de porcelaine blanche,
Une commode à quatre tiroirs fermant à clef,
Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Un miroir en trois pièces,
Une baguette de parade violette au lit,
Deux tableaux encadrés,
Tenture aux armes de la maison,
Flambeau argenté.

Garde robe :

Table de nuit et pot de chambre,
Chaise percée, bidet, Bouilloire.

Supplément :

Lit d'indienne à fond sanglé garni d'un sommier de crin,
Deux matelas, un lit de plume,
Traversin,
Courte pointe d'indienne et une de parade,
Trois fauteuils de paille,
Une commode à quatre tiroirs fermant à clef, (rayé : table de nuit)
Pot de chambre,
Quatre rideaux d'indienne aux croisées,
Un miroir,
Une table.

Chambre de domestique :

Lit garni d'une paillasse,
Deux matelas,
Traversin,
Couverture de toile piquée et ouatée,
Une chaise de paille,
Un pot de chambre,
Une tringle et un rideau cachant le lit.

N° 8 :

Lit d'indienne en alcôve garni d'une paillasse, Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture d'indienne,
Couvre pied de taffetas et courte pointe de parade,
Un fauteuil de tapisserie,
Deux fauteuils et trois chaises de paille de couleur,
Une commode à quatre tiroirs fermant à clef,
Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Deux tasses et soucoupes de terre blanche, Flambeau argenté,
Plat à barbe,
Chenets, pelle, pincettes, soufflet et balai de crin,
Deux rideaux de toile blanche à la croisée, Tenture en tapisserie de laine.

Cabinet de toilette :

Une table,
Trois fauteuils de paille
(rayé : une chaise)
Deux rideaux de toile blanche à la croisée.


Garde robe :

Table de nuit et pot de chambre,
Chaise percée, bidet,
Portemanteau,
Bouilloire et cruche de grès.

Chambre de domestique :

Lit garni d'une paillasse,
Deux matelas,
Traversin,
Couverture de toile piquée,
Une chaise,
Table,
Portemanteau,
Un pot de chambre.

N° 9 :

Lit en alcôve pareil à la tenture garni d'un sommier,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture et couvre pied d'indienne,
Courte pointe de parade et baguette,
Commode à deux tiroirs fermant à clef et à dessus de marbre,
Quatre fauteuils garnis de leurs coussins pareils au lit,
Table,
Deux tasses et soucoupes de terre blanche,
Un chandelier argenté,
Chenets, pelle, pincettes,
Cheminée à la prussienne (sorte de poêle que l'on adapte à la cheminée),
Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Rideaux pareils à la tenture.

Cabinet :

Un lit de repos et deux chaises d'indienne avec rideaux pareils.

Garde robe :

Table de nuit et pot de chambre,
Chaise percée, bidet,
Cruche de grès.

Chambre de domestique :

Lit garni d'une paillasse,
Deux matelas,
Traversin,
Couverture de toile piquée et ouatée,
Une chaise de paille,
Table,
Un pot de chambre.

N° 10 :

Lit à la turque de moire jaune garni d'un sommier,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Deux couvertures,
Un couvre pied d'indienne,
Courte pointe de parade,
Quatre fauteuils et quatre chaises pareils au lit avec leurs housses ainsi que les deux bouts du lit,
Un secrétaire en bois d'acajou,
Un pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Chenets, pelle, pincettes, soufflet et balai de crin,
Un flambeau argenté,
Deux tasses et soucoupes blanches,
Un écran de taffetas.

Garde robe :

Table de nuit et pot de chambre,
Chaise percée, bidet,
Portemanteau,
Bouilloire et cruche de grès,
Une chaise de paille de couleur.

Boudoir :

Un lit de repos en Perse,
Deux chaises,
La draperie de la niche et de la croisée et la tenture aussi en perse,
Deux parties de rideaux en toile de coton blanche,
Un chiffonnier à dessus de marbre blanc.

N° 11 :

Lit en baldaquin d'indienne garni d'un sommier, Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Deux couvertures d'indienne,
Courte pointe de parade et traversin garni de paille,
Deux fauteuils et quatre chaises de paille de couleur,
Un fauteuil en tapisserie,
Commode à trois tiroirs fermant à clef,
Pot à eau,
Cuvette et gobelet,
Chenets, pelle, pincettes, soufflet et balai de crin,
Deux tasses et soucoupes de terre blanche, Deux rideaux de toile à carreaux rouge à la croisée,
Un flambeau argenté.



 

Garde robe :

Table de nuit et pot de chambre,
Chaise percée, bidet.

Chambre marquée A :

Lit d'indienne garni d'une paillasse,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture de laine et couvre pied d'indienne, Deux commodes à quatre tiroirs fermant à clef, Un secrétaire,
Une petite table,
Deux chaises de paille,
Un portemanteau,
Une petite bibliothèque,
Un pot de chambre,
Un rideau d'indienne à la croisée,
La tenture en mauvaise tapisserie,
Pot à eau et gobelet,
Plat à barbe.

Chambre marquée B :

Lit de serge vert garni d'une paillasse,
Deux matelas lit de plume,
Traversin et couverture,
Commode à quatre tiroirs fermant à clef,
Deux fauteuils de paille,
Pot de chambre,
Pot à eau,
Portemanteau.

Chambre marquée C :

Lit de siamoise flambée bleue garni d'une paillasse,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture,
Pot de chambre,
Pot à eau,
Armoire en mauvaise état,
Deux fauteuils de paille.

Chambre marquée D :

Deux lits garnis de quatre matelas,
Deux traversins, Une table et deux chaises, Deux portemanteaux.

Chambre marquée E :

Lit de serge verte garni d'une paillasse,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture,
Une mauvaise chaise de tapisserie,
Une table,
Portemanteau,
Pot de chambre.




Corridor au 1er étage :

Une commode antique dans laquelle sont les ornements de la chapelle,
Une autre petite armoire à côté contenant deux devant d'autel.

Communs des domestiques :

Cinq lits garnis chacun d'une paillasse et deux matelas, d'une couverture de toile piquée et ouatée,
Une chaise à chaque lit et un pot de chambre, Deux mauvaises tables.

Chambre des cochers et postillons :

Lit du premier cocher garni d'une paillasse,
Deux matelas lit de plume,
Traversin,
Couverture,
Une méchante armoire,
Une chaise,
Un pot de chambre,
Un portemanteau,
Deux lits garnis chacun d'une paillasse,
Deux matelas,
Traversins et couvertures,
Deux chaises,
Une petite armoire,
Un miroir cassé,
Portemanteau.

 

Communs des cochers y compris ceux des écuries du moulin du Tremblay :

Six lits garnis chacun d'une paillasse, de deux matelas et couvertures et traversins,
Portemanteaux,
Cinq chaises et une table.

Salle de billard :

Six billes blanches et une rouge,
Cinq queues neuves dont une grande,
Quatre vieilles queues,
Cinq masses dont une de bois peint garnie d'ivoire,
Trois bistoquets dont deux de bois peint, un seul garni d'ivoire,
Le billard couvert d'un mauvais tapis ayant sa housse de toile,
Sept réverbères de fer blanc,
Une pancarte servant à marquer,
Un coffre servant à mettre les ustensiles du billard.






Le plan du premier étage et des greniers de la ferme

Un plan nous est également parvenu : il montre les huit petits logements des garçons de ferme.

Plan de l'étage de la ferme

Une plongée précieuse dans la vie domestique et sociale
de la famille Le Boulanger

Bien plus qu’un simple relevé de biens, ce document révèle les usages, les goûts et les priorités d’une famille installée dans une demeure chargée d’histoire.

Une demeure entre tradition et confort

Le château, construit à la fin du XVIᵉ siècle par Adam Chevrier, conservait en 1784 ses éléments architecturaux d’origine : escalier Renaissance, cheminées peintes, charpentes anciennes. Ces vestiges témoignent d’un attachement à la tradition et à la qualité artisanale. La présence d’une chapelle décorée d’un tableau représentant Moïse et Aaron soulignait l’importance accordée à la spiritualité dans la vie quotidienne.

Les pièces recensées dans l’inventaire révèlent un mobilier fonctionnel mais soigné, adapté à une vie de famille aisée. Les objets de confort, les ustensiles de cuisine, les textiles et les éléments décoratifs traduisent une volonté de maintenir un cadre de vie agréable, sans ostentation excessive.

Une vie rythmée par la gestion du domaine

Le château ne se limitait pas à sa fonction résidentielle : il était au cœur d’un vaste domaine agricole. Les bâtiments annexes, corps de ferme, communs et orangerie, avaient conçus pour accueillir troupeaux, charrettes et outils. L’inventaire mentionne des espaces de stockage, des granges et des installations liées à l’exploitation des terres, illustrant une gestion active et structurée.

La famille Le Boulanger semble avoir poursuivi l’œuvre d’Adam Chevrier, en maintenant une activité agricole rentable tout en préservant le patrimoine architectural du domaine. Le soin apporté à l’entretien des bâtiments et à la conservation des objets reflète une forme de continuité dans l’histoire du lieu.

Une famille cultivée et enracinée

À travers les objets recensés, on devine une famille cultivée, soucieuse de son image et de son héritage. Les œuvres d’art, les livres, les objets religieux et les éléments décoratifs témoignent d’un niveau d’éducation et d’une sensibilité esthétique affirmés. Le château d’Acqueville apparaît ainsi comme un lieu de mémoire, de transmission et de stabilité.

Les poêles d'Hacqueville

Nous ne pouvons pas affirmer que l'un de ces trois poêles a été fabriqué et installé dans le château d'Acqueville. Ils ont été décrits dans un devis, comprenant des esquisses, réalisé le 20 juin 1787 par M. Dubois, poelier.

Esquisse du poêle ALe poêle A, en fer et bronze, dont le corps est fait d'un tambour, forme un trophée de guerre. Le dessus du tambour est en marbre blanc. Il est surmonté d'un buste en bronze antique, représentant, au choix du commanditaire, soit Henry IV soit un général. Prix : 300 F.

Esquisse du poêle B

Le corps du poêle B, représentant une femme portant une corbeille de fruits sur sa tête, est en porphyre ou en granit. La table est en bronze, son dessus en marbre de Flandres. Prix : 300 F.


Esquisse du poêle C

Le poêle C est formé d'une colonne, d'où sort une flamme, posée sur un four en porphyre. Le tour du poêle est en granit. Prix : 270 F.



Acqueville après la Révolution

La ruine du domaine, après sa vente

Le domaine d'Acqueville a été vendu comme bien d'émigré par adjudication, le 8 fructidor an IV (25 août 1796). Le nouveau propriétaire était le citoyen Nicolas Doyen. Le propriétaire suivant, le citoyen Cocural, a continué à laisser le château tomber en ruines.

Acqueville, terre d'exil

La reddition de Mantoue

En l'an IX (1801), suite à une saisie mobilière, le domaine a été vendu au général de division François Philippe de Latour de Foissac. Il y était en "résidence forcée", sous la surveillance de la Police d'Etat, suite à sa destitution par Bonaparte après la prise par les armées autrichiennes de la ville de Mantoue, dont il était gouverneur.

Le tableau d'Hyppolyte Lecomte La reddition de Mantoue

La page de garde d'un pamphlet qui avait été publié contre lui, en 1800, par un commisaire des guerres

Paris, 7 vendémiaire. On dit que le fils aîné de l’ex-général Foissac-Latour s’est battu hier, au pistolet, au bois de Boulogne, avec un officier supérieur [...] pour un affront grave, fait en public à son père par son adversaire.

Journal des Débats du 8 vendémiaire an 10

Réhabilité ensuite par le Premier Consul, le général a laissé le domaine d'Acqueville à ses deux fils. Le général est décédé, à Acqueville, en février 1804. 

Pour lire une biographie détaillée du général, cliquez sur l'image son blason.

La première restauration du domaine

Plan du domaine d'Hacqueville

Le général et ses fils ont dépensé "des sommes énormes" pour rétablir tous les bâtiments, le parc et les murs de clôture. Ils ont reconstruit notamment la chapelle, détruite en partie pendant la Révolution : conservant ses ouvertures romanes, elle s'est ornée d'un fronton et d'une toiture dans le style "Directoire" de l'époque.

La chapelle style Directoire
Zoom sur le château dans le cadastre de 1821

Le cadastre Napoléonien nous restitue le plan du domaine d'Acqueville en 1821.


L'agrandissement, à droite, montre les divers bâtiments.

Zoom sur le château dans le cadastre de 1821

Un baron très procédurier

En février 1842, Victor de Latour de Foissac a demandé, en son nom et celui de son frère, l'entière possession du terrain situé à partir des prés de la Nourrée jusqu'au chemin de Migneaux. Le conseil municipal a  prouvé que le chemin était une propriété communale, le terrain étant selon lui "occupé, par usurpation, suite à la tolérance de la commune".

Chemin de la Seine vers Poissy

Le conseil municipal a considéré qu'un jugement du Tribunal de Versailles, le 15 mai 1843, avait établi que ce terrain consacré à l'usage de port avait fait partie du domaine d'Acqueville mais que son classement dans l'état des propriétés communales avait eu pour résultat de retirer la propriété à M. de Foissac et ne lui laissait qu'une action en indemnité. Il décida de maintenir l'arrêté sur la propriété du port, qui était d'utilité publique.

Renouement de bonnes relations avec la commune
par les héritiers du baron

Melle Marie Julie Esther de Latour de Foissac a hérité du domaine. À son décès, en 1877, elle a légué 2 000 francs à la commune. Son héritier a été un petit-fils du baron Victor de Latour de Foissac, le colonel Victor du Courthial de Lassuchette. Pour consulter l'arbre généalogique, cliquez ici.

En 1878, le colonel a proposé de donner à la commune un terrain pour y construire un presbytère.
Cliquez sur la photo de la famille de Lassuchette en 1894, pour voir sa version d'origine !


Des photos de cabriolets ont été prises lors de l'attente d'une sortie de visiteurs du château ou à leur arrivée. Cliquez sur l'image, pour en voir deux autres.

Le journal Le Gaulois du 1er janvier 1916 a publié la liste des personnes qui avaient assisté aux obsèques de Mme de Lassuchette.

Les obsèques de Mme de Courthial de Lassuchette, née de Marbot, ont été célébrées hier matin, en la basilique Sainte-Clotilde, à dix heures.
Le deuil était conduit par le lieutenant-colonel de Lassuchette, mari de la défunte ; M. Charles de Lassuchette, lieutenant au 16e dragons, son fils, et les autres membres de la famille.
Parmi l'assistance : Marquis de Ségur, duchesse de Reggio, comtesse de Montebello, général de Kerdrel et vicomtesse de Kerdrel, colonel et Mme Cochin, vicomtesse Daru, comte et comtesse A. de La Rochefoucauld, comte Jean de La Rochefoucauld, Mlle M.-E. de La Rochefoucauld, comtesse de Guerne, née Ségur ; comte G. de Ségur, comte Henri de Ségur, baron et baronne de Caters, comtesse du Laurent, vicomte Cornudet, comte et comtesse de Waresquiel, marquis, marquise et Mlle des Réaulx, baron et baronne de Traversay, vicomtesse H. de Sars, vicomte et vicomtesse de France, baronne Hamelin, comtesse de Vibraye, comte H. de Beauffort, baron d'Auteroche, marquise de Châteaurenard, marquise de Mas-Latrie, comtesse Stanislas de Castéja, comte et comtesse de Neuilly de La Pastellière, baron et baronne Marochetti, comtesse Begouën, baronne Max de Semur, Mme Louis d'Illiers, vicomtesse de Cargouët, docteur Valude, comtesse E. de La Villéon, comte et comtesse de Bellissen, baronne Abel de Tavernost, Mme de Freville de Lorme, baron et baronne Grouvel, comte E. de Moustier, comte et comtesse de Pellissier, vicomte et vicomtesse de Beausire, vicomte de Galembert, marquis R. d'Hérouville, comtesse de Mas-Latrie, baron de Montgascon, vicomtesse d'Onsenbray, comtesse J. de Fontenailles, Mme H. Thurneyssen, vicomte de Villebois-Mareuil, comte et comtesse Jean Chandon de Briailles, baron et baronne Le Couteulx, comte et comte de Beaufranchet, vicomtesse Henry de France, Mme Zylof de Steenbourg, Mme Jean d'Ailiières, comte et comtesse Edmond de Ronseray, M. et Mme Léon Cornudet, marquise R. d'Hérouville, comtesse de Bryas, comte et comtesse de Sedaiges, vicomtesse de Castex, comtesse de La Taille, vicomte et vicomtesse Amelot, comte Fremy, Mme de Champeaux, comte de Bernis, Mme Roger Hély d'Oissel, comte et comtesse Th. de Gontaut-Biron, comtesse et Mlle de Failly, M. et Mme de Mandrot, Mme de Marolles, Mme Pierre Cochin, M. et Mme de Pellerin de Latouche, vicomte et vicomtesse de Florian, vicomtesse de Richemont, capitaine et comtesse de Ronseray, baronne de La Hougue douairière, baron Jacques de La Hougue, comtesse Gaston Niel, marquise d'Auray de Saint-Pois, comte M. de Failly, M. L. de Ronseray, vicomte et vicomtesse Jean de Calan, baronne d'Halloy d'Hocquincourt, M. Paul de Valroger, comtesse René de Nazelle, baronne de Boulémont, M. Y. van den Broek d'Obrenan, Mlle de Jessaint, comtesse de Chanterac, Mme R. de La Serre, baron et baronne d'Anterroches, comtesse de Vorges, vicomtesse H. de Nouë, Mme E. de Benoist, M. Roger de Bure, baronne François d'Anterroches, baronne J. de Klopstein, M. de Villèle, etc.
Après la cérémonie religieuse, le cercueil a été transporté au château d'Acqueville (Seine-et-Oise), où l'inhumation a eu lieu dans la chapelle.

Après le décès de Victor du Courthial de Lassuchette, en 1933, son fils Charles est devenu propriétaire du domaine. Il est décédé, à 91 ans, en juin 1977.

L'inventaire photogaphique de 1975

Le ministère de la Culture a fait réaliser des photos du domaine d'Acqueville dans le cadre de l'inventaire général (devenu l'Inventaire général du patrimoine culturel).

Cliquez sur la première photo pour voir les huit autres !

Souvenirs du tournage d'un film

Deux ans plus tôt, Claude Chabrol avait choisi le domaine d'Acqueville pour y tourner quelques scènes de son film "Folies bourgeoises". Georges Parot nous a confié deux des photos qu'il avait alors prises (en noir& blanc) et qui ont été dédicacées par le réalisateur et l'une des actrices, Stéphane Audran, qui était alors son épouse.

Tournage du film Folies Bourgeoises, dédicacé Stéphane Audran sur le tournage, dédicacé

Claude Chabrol a raconté le tournage de ce film qu'il considérait comme l'un des trois plus mauvais de l'hitoire du cinéma.

Cliquez sur l'icône pour voir et écouter cet entretien télévisé.

Voir la vidéo

Le domaine d'Acqueville à la fin du XXe siècle

Nouvel abandon du domaine

Pour les quatre filles de Charles du Courthial de Lassuchette, l'entretien du domaine demandait des ressources financières qu'elles ne possédaient vraisemblablement pas. Bien que l'époux de l'aînée, M. Lebaudy était issu d'une famille qui avait fait fortune dans le raffinage du sucre, le domaine a été vendu à une société d'ingénierie exportant des matériels hospitaliers dans les pays arabes ; son projet d'y installer son siège ne'est pas réalisé. Après sa faillite en 1985, sans avoir payé son acquisition, le domaine a été, de nouveau, mis en vente après une dizaine d'années d'abandon.

Allée avant défrichage

Des arbres avaient poussé en tous sens.

Un champ de presles s'étendait de l'étang jusqu'au château.

Champ de presles
Château avant restauration

Le bâtiment d'Adam Chevrier était fortement dégradé, étant resté inoccupé depuis que la famille de Lassuchette avait établi son logement dans la partie la plus ancienne du château.

Autre vue du château avant restauration
Ferme avant restauration

Le corps de ferme était très délabré.

Autre vue de la ferme avant restauration

A Acqueville, un baron huguenot et européen a retrouvé des racines

Un industriel villennois, qui avait déjà tenté d'acheter le domaine sans rencontrer le soutien de la municipalité, l'a acquis alors à l'amiable. Eike Edler von Graeve, citoyen allemand, nou a déclaré qu'il était le descendant d'une famille de petite noblesse des Flandres françaises, établie à Dunkerque à la fin du XVIe siècle, dont le nom était alors de Graeve. Nous laisserons aux historiens villennois du siècle prochain le soin de raconter  l'histoire de cette famille.

Portrait de Eike Edler von Graeve
Blason de la famille Edler von Graeve

Après la révocation de l'Edit de Nantes, l'ancêtre huguenot avait émigré à Brême, et latinisé son nom en Gravius. Son fils, Johann Hyronimus, s'était installé vers 1700 à Berlin. Les deux fils de celui-ci, officiers de haut rang, ont été anoblis en 1751 par le roi de Prusse Frederic II. Le mot Edler (noble en allemand) a été ajouté devant leur nom, qui est devenu Edler von Graeve.

Arbre généalogique de la famille Edler von Graeve

Retour sur l'histoire du domaine : la Révolution avant la rénovation

Après le défrichage du parc, mais avant la restauration du château et la transformation de ses dépendances, le domaine d'Acqueville a été ponctuellement le cadre de diverses manifestations. Une exposition de voitures anciennes a créé une grande animation dans le parc, autour du château.

L'artiste peintre villennois Fordan a réalisé, ce jour, un tableau qui en conserve le souvenir et montre le château à cette époque.

Pour le voir, cliquez sur la photo de Georges Parot, représentant l'artiste devant son chevalet.

D'anciens habitants de Villennes et des environs gardent, tout particulièrement, en mémoire le spectacle de grande qualité qui y a célébré, en juin 1989, le bicentenaire de la Révolution. Reconstituant (en la romançant quelque peu) la vie d'Armand Louis Le Boulanger, il a été présenté par un groupe d'acteurs et de danseurs amateurs villennois.

Affiche du spectacle de 1989

Cliquez sur l'image du téléviseur, pour voir trois autres extraites du reportage de la chaîne de télévision éphémère  "La 5", qui avait filmé les préparatifs et des extraits du spectacle.

Cliquez ci-dessous pour voir le reportage !

La deuxième restauration du domaine

Eike Edler von Graeve n'a pas attendu de pouvoir réaliser l'opération immobilière, qui devait contribuer à financer les travaux de rénovation du domaine, pour entreprendre ceux-ci de 1985 à 1990 : mise hors d'eau du château, défrichage du parc, remise en état des allées...

Alors que le portail reste fermé depuis longtemps, il est ouvert pour vous. Entrez dans le parc pour une visite du domaine, tel qu'il était en 2002.

Entrée du parc restauré Lavoir restauré

En 1988, le propriétaire, restaurateur du château, de ses dépendances et du parc, est devenu également lotiseur : il a acheté l'ancien potager, qu'EDF avait acquis en 1964 pour y construire des logements. Neuf "hôtels particuliers" y sont été construits.

Lotissement des hôtels particuliers
Écurie et étable transformées

Le corps de ferme, ainsi que les communs, l'orangerie et le garage de calèches étaient devenus le Club d'Acqueville : un hôtel-restaurant, avec salles de réunions et piscine intérieure.

Détail architectural : têtes de chevaux
Détail architectural : têtes de bœufs

Le château a été restauré, extérieurement et intérieurement, à partir de 1989 avec le souci de le remettre en conformité avec son état d'origine (avant 1850, le fenêtres n'avaient pas de volets !).

Côté du château restauré

L'une des entrées a, néanmoins, été conservée dans le style "Directoire".

Entrée style Directoire

Une chapelle pour deux familles

La chapelle a également été restaurée ; une crypte y a été construite en 1990-91, avec l'objectif d'y donner une sépulture aux membres des deux dernières familles d'Acqueville : de Latour de Foissac / du Courthial de Lassuchette et Edler von Graeve.

Les 13 cercueils, qui avaient été entassés dans une petit réduit sous la chapelle de 1851 à 1933, y ont été placés, chacun dans une alvéole du côté gauche de la crypte. Le souhait d'Eike Edler von Graeve que les emplacements du côté droit reçoivent le sien et ceux de sa famille n'ont pas pu être exaucé !

La chapelle restaurée en 2002
Vitrail blason Latour de Foissac

Pour symboliser cette double appartenance, deux vitraux, réalisés par un célèbre maître-verrier, M. Gründl, portent, l'un le blason des Latour de Foissac, l'autre celui des Edler von Graeve.

Vitrail blason Edler von Graeve

L'harmonie du parc retrouvée

Le parc avait repris son magnifique aspect d'autrefois (après sa transformation en 1847 de jardin à la française en parc à l'anglaise), caractérisé par ses dégradés de verts.

Le parc restauré Façade du château restauré

M. Mallet, arboriculteur, a toutefois reproché une "faute de goût" : le maintien de deux noyers sur une pelouse !

Tronc d'un tulipier après la tempête

Le parc a, malheureusement, été victime de la tempête de fin décembre 1999 : 75 gros arbres, dont deux tulipiers d'une hauteur de 50 à 60 mètres, sont alors tombés.

Bassin restauré avec fontaine

La fontaine du bassin restauré fonctionnant, comme autrefois, par un système artésien.

Statue dans le parc

D'autres travaux, en particulier, la remise en état de la glacière comblée par les Latour de Foissac, auraient dû être faits, mais les moyens financiers n'avaient pas été trouvés.

Le calme du parc était resté apprécié par ses nombreux et divers habitants : renards, lapins, hérons cendrés...

Le domaine d'Acqueville, trois fois abandonné, pourra-t-il avoir une nouvelle vie, avant sa ruine définitive ?

En 2004, les propriétaires ont dû céder le domaine ainsi que les sociétés qui l'exploitaient à leur créancier américain ; celui-ci l'a mis bientôt en vente. Une nouvelle période d'abandon et de dégradations a alors commencé !


A côté du bâtiment du Moyen Âge,
l'une des nombreuses brèches du mur d'enceinte, en 2020

L'actualité récente faisant déjà partie de l'histoire, nous pouvons relater les évènements des dernières années qui, au lieu de redonner une nouvelle vie au domaine d'Acqueville, l'ont fortement dégradé. Dans ce but, extrayons les informations les plus importantes d'articles de la presse locale.

Le château maudit des Yvelines :
comment des escrocs ont fait d'un joyau une ruine

Autopsie d'un fiasco Immobilier autour de la réhabilitation du château d'Acqueville à Villennes-sur-Seine, petit bijou jïatrimonial aujourd'hui en ruines.

Des siècles d'Histoire contemplent les curieux qui s'y aventurent. Le château d'Acqueville, à Villennes-sur-Seine. est-il en passe de renaître de ses cendres après de nombreuses années d'abandon ? Ce petit joyau du patrimoine local, quatre fois centenaire, a été adjugé aux enchères pour 451000 €, le 2 mai 2024, suite à la liquidation judiciaire de la société propriétaire d'une grande partie des lieux. Elle est également attaquée en justice par plusieurs investisseurs se disant floués par une énième opération de remise en état avortée. Ce grand château en T, niché dans un domaine de neuf hectares comprenant fontaine, étang, chapelle et dépendances avec piscine, ressemble désormais à un champ de ruines. La faute à des années d'incurie. Plus surveillée depuis belle lurette, cette friche fantomatique, maintes fois pillée, taguée et vandalisée, attire les explorateurs urbains, les vidéastes et des personnes plus ou moins bien intentionnées. « Les sépultures des anciens propriétaires ont été profanées dans la crypte », déplore Olivier Daeschner, maire adjoint de Villennes-sur-Seine en charge de ce dossier. [...]

Dans les années 1980, il sera racheté par un industriel villennois, rénové, puis aménagé en club privé. L'activité s'arrête en 2004. Six ans plus tard, pour éponger des dettes, le domaine sera cédé pour 4,5 M€ à un premier promoteur afin d'en faire une résidence hôtelière de 80 chambres, avec divers équipements. Des investisseurs floués
La société à la tête du projet ne disposait d'aucune mise de départ. Elle a financé l'achat en revendant à des particuliers (cadres, jeunes couples, retraités) des lots dans l'établissement, pour des sommes pouvant aller jusqu'à 200 000 €. Un investissement locatif, censé rapporter une rente aux acquéreurs. Tout ne s'est pas passé comme prévu. La réhabilitation a échoué. Les trente-quatre investisseurs, qui ont déboursé à eux tous autour de 5,5 M€, n'ont jamais perçu un centime. Au contraire, ils ont accumulé les dettes et les ennuis avec ces lots aujourd'hui invendables. Réunis en association, ils ont saisi la justice. « On a été menés en bateau. Ils avaient terminé deux appartements pour nous les faire visiter et qu'on débloque les fonds. On a perdu beaucoup, ce sont des vies brisées, explique une victime, originaire de la région Rhône-Alpes. L'un des copropriétaires est ruiné, il ne peut plus payer ses frais médicaux. On passe nos vies dans les démarches auprès des banques, des avocats. Il y a des nuits où je n'en dors pas. ». Un million et demi d'euros ont été détournés en tout. Cinq hommes  (les deux dirigeants, l'architecte, le commissaire aux comptes et le contremaître) ont été condamnés dans ce dossier, en première instance, puis le 7 septembre 2023, par la cour d'appel de Paris, pour « abus de confiance», «complicité d'escroquerie», «soustraction au paiement de l'impôt », « abus de bien social » en non-dénonciation de faits délictueux». Des peines allant jusqu'à deux ans de prison ont été infligées, avec des sommes à verser aux parties civiles pour le préjudice moral. Le cerveau présumé de la bande, un homme d'affaires marseillais qui finançait d'autres projets avec l'argent des investisseurs, n'a désormais plus le droit d'exercer dans l'immobilier. « Il était interdit bancaire. Cette affaire était une vraie usine à gaz. Ils y sont allés à l'esbroufe et étaient aussi malhonnêtes qu'incompétents. Ce sont des ratés de l'immobilier », resitue Me Eric Rocher-Thomas, avocat d'une partie des copropriétaires.
Un second promoteur entre dans la danse
À la liquidation de l'entreprise en 2014, un second promoteur a racheté sa part dans le domaine. Pour finir les travaux, ce nouvel acteur du dossier a réalisé une levée de fonds de 2 à 3 M€ auprès d'intermédiaires en investissement immobilier basés en Suisse pour la plupart. On leur garantissait alors un rendement à 10 %, avant la revente du bien, sous trois ans, qui leur aurait permis de récupérer leur mise. Ils n'ont jamais revu la couleur de leur argent, sans toucher le moindre centime d'intérêts. Faute d'entente entre le repreneur et les copropriétaires, aucun coup de pioche n'aurait été donné d'ailleurs. Ce promoteur (que nous n'avons pas réussi à joindre), placé à son tour en liquidation judiciaire, est visé par plusieurs plaintes et présumé innocent. « L'un de mes clients a investi, à titre personnel et comme agent placeur, dans ce qui a tout l'air d'être un schéma frauduleux», assène Me François Buthiau, avocat d'un des plaignants. Ce château n'est pas classé et ne bénéficie donc pas de mesure de protection particulière. « C'est dramatique, estime Pierre-François Degand, élu d'opposition, qui a récemment alerté la commission d'urbanisme sur le sujet. La mairie ou le conseil départemental aurait pu porter un projet pour sauvegarder ce patrimoine.»
« Un nouvel acquéreur « sérieux et honnête » selon la Mairie
Le nouvel acquéreur, reçu cette semaine par le maire, souhaite y développer une activité hôtelière comprenant un espace de promenade ouvert à tous. Brisera-t-il la malédiction qui entoure ce château depuis des lustres et parviendra-t-il à lui redonner son faste d'antan ? «  Il a l'air sérieux et honnête. Il prévoit déjà de sécuriser les lieux pour empêcher les intrusions, assure Olivier Daeschner. S'il veut mener à bien son projet, il devra trouver un accord avec les copropriétaires et réunir les fonds nécessaires aux travaux. » Coût total de l'opération : entre 12 et 15 M€. Sauf surenchère de dernière minute, la vente sera signée dans les prochains jours et la Mairie disposera d'un délai pour décider ou non de préempter les lieux.

Renaud Vilafranca
Le Courrier des Yvelines, 15/5/2024

La Mairie n'a pas préempté les lieux, lors de la  vente. Après les travaux de fermeture, peu efficace et très précaire, des brèches du mur, la situation ne semble pas avoir progressé. Voici la suite, dans un autre article, publié huit mois plus tard, qui exprime, principalement, la position de la municipalité.

A l'abandon depuis 20 ans,
que va devenir le château d'Acqueville ?

Lieu emblématique du patrimoine villennois, le château d'Acqueville a été vendu aux enchères l'été dernier à un promoteur immobilier. Afin de veiller à l'évolution adaptée du domaine sur les 10 prochaines années, le conseil municipal de Villennes-sur-Seine a voté, en octobre dernier, la mise en place d'un périmètre d'étude, et espère faire du lieu un espace ouvert aux Villennoises et Villennois.

Cette fois-ci, c'est ta bonne ? Voilà désormais 20 ans que le château d'Acqueville tombe en ruines, entre la voie de chemin de fer et la route départementale qui mène à Poissy. Cet immense domaine de 9 hectares, bâti à la fin du XVIe siècle à Villennes-sur-Seine, a justement trouvé preneur l'été dernier, à l'occasion d'une vente aux enchères judiciaires. Un promoteur immobilier a en effet mis la main sur la majorité des lots qui le composent pour la somme de 921000 euros.  Une question se pose désormais : ce nouvel acquéreur parviendra-t-il à lever la malédiction qui semble frapper les lieux ? Car ce ne sont pas 1, ni 2, mais bien 3 (!) de ses propriétaires qui ont fait faillite depuis le début des années 80. Le premier, un certain M. Van Graeve, s'était attelé à restaurer le domaine dans son entiereté, entre 1980 et 2005. « Il en a fait sa maison historique, et y a consacré son argent, son énergie et son temps pour en faire un endroit de grande qualité pour sa famille », nous raconte Olivier Daeschner, adjoint au maire de Villennes-sur-Seine en charge de l'urbanisme. Le lieu comprend alors le château et des parties communes adjacentes, dans lesquelles il met en place le "club d'Acqueville", une activité de séminaire et de restauration. Cependant, en 2005, M. Van Graeve fait faillite : la banque qui met alors la main sur sa propriété l'a vend à la société Pégase, qui décide de lotir le château et une partie des communs, pour proposer des lots à des acheteurs qui pourront défiscaliser leur investissement, à condition de s'engager à les louer. « Pégase restructure le château et une partie des communs pour en faire des lots d'habitation locatifs, permettant aux propriétaires d'avoir un revenu pendant quelques années avant de faire autre chose avec ce terrain là », précise Olivier Daeschner.
« Ils ne savaient pas ce qu'ils achetaient »
Et puis patatras : la société ne mène pas le projet à bien et fait faillite, elle aussi. Faillite considérée par certains comme frauduleuse. « Les lots n'ont pas été livrés aux acheteurs, mais eux ont payé les 3/4 du prix, se souvient l'élu. En tout, les 35 copropriétaires ont payé plus de 5 millions d'euros à Pégase. Les acheteurs ont perdu leur mise et leur droit à la défiscalisation, et se sont donc fait rattraper par le fisc ». Et ce n'est pas fini. La part de Pégase est alors vendue aux enchères à la société AVF Promotion en 2016, un petit promoteur immobilier de l'est parisien. Mais celui-ci n'en fera rien, et sera liquidé à son tour.
« Le projet est en suspend »
C'est ce lot qui a été vendu aux enchères lors d'une adjudication en deux temps, l'été dernier : il comprend le parc avec ses murs et espaces verts, trois bâtiments des communs, les parties communes et un lot à l'intérieur du château. Afin de trouver l'acteur parfait pour redonner vie au domaine, Olivier Daeschner s'est démené. « J'ai rencontré toutes les grosses sociétés immobilières du pays, ainsi que des petites structures qui essaient de réhabiliter du patrimoine. Elles se sont toutes montrées inquiètes quant à cette copropriété qu'il vafalloir gérer pour sortir le lieu de son désastre. Il restait, au moment des enchères de l'été dernier, 2 à 3 structures ayant un projet pouvant se dérouler sur le long terme, et qui pensaient réussir à mettre fout le monde d'accord. Mais ce ne sont pas ces gens-là qui ont remporté les enchères, mais une toute petite structure créée 6 mois auparavant, avec 1000 euros de capital. ».

S'il assure être « de nature optimiste », Olivier Daeschner a du mal à cacher ses doutes. « A ma grande surprise, les acheteurs n'étaient pas venus nous rencontrer pour faire le point sur le dossier avant de se positionner. Je pense qu'ils croyaient acheter tout le châeau et son terrain. Je les ai finalement rencontrés, et je me suis rendu compte qu'ils ne connaissaient que très peu le dossier. Ce sont des gens bosseurs à leur niveau, ils ont réalisé des coups immobiliers ici ou là, ils s'en sortent bien. Mais sur leur capacité à monter un projet réhabilitant l'ensemble du lieu, ça jette un doute. Je suis certain qu'ils ne savaient pas ce qu'ils achetaient ». Parmi les structures intéressées, il y avait par exemple un collège qui s'était rendu sur place afin d'estimer les coûts nécessaires. Verdict ? Entre 12 et 15 millions d'euros pour l'acquisition des parcelles des autres propriétaires, les travaux à mener ou encore l'entretien du parc. Contacté par la rédaction, l'acquéreur temporise et assure que «  le projet est en suspend », et que « rien n'a encore commencé ».

Entre temps, au mois d'octobre, le conseil municipal de Villennes-sur-Seine a voté la mise en place d'un périmètre d'études permettant de s'assurer que la préservation globale du site, de sa faune et de sa flore soit respectée. Car la Mairie a un objectif : faire en sorte que le lieu s'ouvre pleinement aux habitants. « La ville a relativement peu d'endroits où la population peut se promener, observe l'adjoint à l'urbanisme. Elle se densifie en terme d'habitants, et ceux-ci regrettent de ne pas avoir d'endroit à plat où se balader. Sur ce domaine, il y a autour du lac une belle promenade à faire, en profitant du terrain boisé. Ce qu'on souhaite, c'est trouver un accord avec les acquéreurs pour que la population de Villennes puisse en profiter ».

Maxime Moerland
La Gazette en Yvelines, 8/1/2025

L'association ACV, la mémoire de Villennes remercie la municipalité d'avoir fait sienne son idée de permettre aux Villennois et aux visiteurs de contempler le château d'Acqueville, en se promenant dans son parc ;  en effet, ce patrimoine, bien qu'étant une propriété privée, appartient à tous. Toutefois, le jour où ce sera possible n'est pas proche : le projet de donner une nouvelle vie au domaine d'Acqueville est toujours "en suspend" !

La longue histoire du château d'Acqueville, que vous avez découverte ou retrouvée ici, mérite qu'elle ne s'arrête pas comme celles des autres châteaux villennois, qui ont été démolis :

Le château d'Acqueville est le seul qui subsiste. De plus, il est l'élément patrimonial de Villennes le plus important et le plus ancien après l'église Saint-Nicolas. Les entités territoriales des différents niveaux devraient s'engager, en commençant par demander la protection au titre des monuments hsitoriques !