Bandeau sur le Moyen-Âge

Villennes au Moyen Âge


Peu d'écrits nous sont parvenus sur la vie à Villennes avant la Révolution. Quelques documents conservés aux Archives Départementales des Yvelines nous donnent, toutefois, des informations intéressantes relatives à notre village au Moyen Âge :

Merci à Jean Diez pour le déchiffrage de ces documents, leur transcription et leur traduction du latin ou du français médiéval !

1220 : Donation par Simon de Poissy d'une vigne de Villennes à l'abbaye d'Abbecourt (Orgeval)

Le document (ADY 46 H 6)

Document de donation de Simon de Poissy datant de 1220.
© Archives Départementales des Yvelines. Tous droits de reproduction réservés

La transcription

Ego Symon miles de Pissiaco notum fieri volo omnibus presentem paginam inspecturis quod pro redemptione animae meae et animarum antecessorum meorum concessi acclesiae beatae mariae de albicuria quamdam vineam sitam apud villanas super sequanam in perpetuum possidendum sub assensu et voluntate agnetis uxoris meae salvo jure meo in omnibus quod pertinet ad fundum terrae. Preterea ego vel heredis mei non tenebimus cogere predictam ecclesiam aliquo casu contingente ad videndam vineam ante dictam. Quod ut ratum et firmum permaneat presentem paginam sigilli mei muniminae fea con muniri. Actum anno dominice incarnationis millesimo ducentesimo vicesimo.

La traduction

Moi Simon de Poissy, chevalier, je veux faire savoir à toutes les personnes en charge de l'enregistrer ce présent document par lequel, pour la rédemption de mon âme et de celles de mes aïeux, j'ai abandonné à Sainte Marie d'Abbecourt une vigne située aux "Villanas" qui surplombent la Seine, en possession perpétuelle avec l'accord et la pleine volonté de ma femme Agnès. Je conserve comme étant de mon droit, tout ce qui concerne le fond de la terre. En outre, moi et mes héritiers, nous ne tiendrons pas la dite église, en quoi que ce soit, tenue envers nous par la vente de la dite vigne. Ce présent document est ratifié et signé, afin qu'il reste valide, par l'autorité et la protection de mon sceau. Fait en la 1220e année de l'incarnation de notre seigneur.

Commentaires

Villanas

L'emploi de l'accusatif pluriel dans la phrase après apud, équivalent à "in villanas", semble indiquer non pas un nom de village mais plutôt un endroit connu où se trouvent rassemblées des "villanas", petites masures avec un lopin de terre, dont les habitants étaient dans un état proche du servage aux Xe et XIe siècles. Nous avons, peut-être, dans le nom latin de ces habitations l'origine du premier nom de notre village : Villaines.

Simon de Poissy

Nous sommes en 1220 à la fin du règne de Philippe Auguste (Philippe II), période redevenue plus calme après une expédition hasardeuse de 1215 à 1217. Le roi mourra en 1223.

D'après Grave et Depoin (Cartulaire de Saint-Martin de Pontoise, Sorbonne) cité par le site Racines et histoire d'Etienne Pattou, le signataire est Simon IV de Poissy, seigneur d'Aigremont ; son épouse est Agnès d'Andrezel (prés de Melun), dont il est question dans le texte.

Blason de Simon V de Poissy
Blason de son fils Simon V

Son père, Simon III, se bat aux cotés de Louis, fils de Philippe Auguste en Angleterre, en 1217. Ce dernier sera roi sous le nom de Louis VIII, père de Saint Louis.

1238 : Don par Pierre de la Queue d'un dixième
de la production d'une vigne de Villennes
à l'église d'Abbecourt (Orgeval)

Le document (ADY 46 H 6)

Document de donation de Pierre de la Queue datant de 1238.
© Archives Départementales des Yvelines. Tous droits de reproduction réservés

La transcription

Universis presentes litteras inspecterueris. Petrus de Cauda. Salute in domino. Noverit universitas verba quod ego petrus domicellus dedi et concessi ecclesiae beatae mariae de albicuria in puram et perpetuam elemosinam decimam vini vinae meae de villanis pro salute animae meae et antecessorum meorum et pro anniversario meo in predictam ecclesiam annuatim faciendum (illisible). Quod ut ratum sit et stabile presentem paginam sigilli mei testimonio roboravi. Actum anno domini millesimi CC. XXX. octavo prima die martis.

La traduction

A tous, témoins de ce document, Pierre de la Queue, salut en notre Seigneur. Qu'il soit connu de tous ce que moi, Pierre, intendant, a donné et octroyé à l'église Sainte Marie d'Abbecourt en totale et perpétuelle aumône un dixième de la production de ma vigne de Villennes pour le salut de mon âme et de celles de mes aïeux. Ceci est à faire annuellement envers la dite église à chacun de mes anniversaires. Afin que ceci soit ratifié et bien établi je renforce cet engagement par le témoignage de mon sceau.

Commentaires

Villanis

C'est ainsi qu'est ici écrit le nom latin de Villennes, comme dans le poème de Jean Dorat, l'un des poètes de la Pléiade, sur la source villennoise, écrit dans la même langue mais trois siècles plus tard.

Pierre de la Queue

Petrus de Cauda est vraisemblablement l'un des sieurs de la Queue ; leur famille constituait une branche cadette de celle de Maintenon. La seigneurie de la Queue, située sur la paroisse de Galluis (aujourd'hui la Queue en Yvelines), relevait de Neaufle.

Patrick Poirier apportait cette précision dans son site Internet Nobles ancêtres : En 1214, Eudes de la Queue est un des chevaliers de la châtellenie de Mantes, dont le fief ne relevait pas du roi. En 1220, il fait avec sa femme Elisabeth, soeur de R. de Torote, un don à l'abbaye d'Abbecourt ; en 1238 et 1249, son fils Pierre, écuyer, marié à Isabelle, l'imite.

1302 : donation par Jean de Villepreux et Jeanne de Guyancourt d'une rente, à l'abbaye des Vaux de Cernay

Le document (ADY 45 H 30)

Document de donation de Jean de Villepreux datant de 1302.
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Sceau de Jeanne de Guyencourt.
Sceau de Jean de Villepreux.
© Archives Départementales des Yvelines.

Tous droits de reproduction réservés

Le document est authentifié par les sceaux de Jean de Villepreux (ci dessus, avec les deux léopards de son blason) et celui de Jeanne de Guyencourt (à gauche, représentant "une dame tenant un faucon sur le poing gauche et une fleur de la main droite").

Dessin du sceau de Jeanne de Guyancourt dans un cartulaire.
Dessin du sceau de Jean de Villepreux dans un cartulaire.

Un ouvrage de 1858 nous le confirme : le Cartulaire de l'abbaye de Notre-Dame des Vaux de Cernay de l'ordre de Citeaux au diocèse de Paris, composé d'après les Chartes originales conservées aux Archives de Seine-et-Oise par MM. Luc. Merlet et Aug. Moutié.

Son résumé ancien

C'est vraisemblablement un archiviste d'autrefois qui a placé un résumé de ce document.

Résumé ancien de la donation de 1302.
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Neauphle le Chatel         1302

Donation par Jean de Villepreux, chevalier, et Jeanne, sa femme, à l'abbaye des Vaux de Cernay de chacun cent sols de rente à prendre moitié sur la Prévôté de Neauphle le Chatel et les autres cent sols sur les fons de Villaines à la charge de faire célébrer une messe chacun jour dans la chapelle qu'ils ont fait construire dans l'église.

La transcription

A touz ceu qui viront et oront ces presentes lettres Je Jehan de villepereur, chevalier, et Je Jehanne sa femme, salu. en notre seigneur, sachent tint que por la devotion et l'amor que nous et nos antecesseurs avons eu et avons encore envers l'abbe et le couvent des vaux de sernay de l'ordre de citiaux, de la diocese de paris et leur eglise et por le salu et le …. de nos ames et des ames de nos antecesseurs desus nommés, nous avons donné et otroie et par ces presentes lettres donnons et otroions aus devant di religieux, abbe, et couvent et a leur eglise ou nous elisons desor endroit no sepultures au revestieire de la dite eglise devant l'autel que nous proposons a faire et amender le dit revestiere en forme et en manière de chapelle, dix livres parisis de rente pardurable c'est a savoir chacun de nous cent solz parisis sur son propre heritage, je devant dit jehan, chevalier, cent solz parisis sur dix livres de parisis que j'ai et recois chascun a la feste saint denis sur la prevoté de nealphe le chastel, a peine de trois solz chascune semaine toute fis que passerat terme de paiement dont je suis en foi et en hommage du chastelain de nealphe mon cher cousin ire du dit leu. Lesquels cent solz de rente pardurable …. et otroie que les dis religieus pregnent chascuan sur la dite prevote aussi franchement et paisiblement comme je et mes antecesseurs le savons tous …et sur la moitie de la peine cest assavoir …deniers. Et je Jehanne devant dite cent solz parisis a prandre chascun an a a feste saint remi sur nos cens a villaine par les (mains ?) de cens qui les recevront sans nul empechement sur peine de dix a oit deniers a prendre et a recevoir aux religieus toutes les semaines que se ...defaillent de paiement lendemain de la dite feste passe et se les dits cens ne pui sufire a ce que les dis religieux ne eussent etre paies de la devant dite somme au devant dit terme je weille et otroi et establii et garant que le remenant leur soit paie sur la peine devant dite sur mes rentes de la dite ville landeman du ….

La traduction

Que tous ceux qui verront et entendront ce présent engagement sachent que moi Jean de Villepreux et Jeanne ma femme en raison de la dévotion et de l'amour que nous et nos aïeux avons eu et avons toujours envers l'abbé, le couvent des Vaux de Cernay de l'Ordre de Cîteaux du diocèse de Paris et son église et pour le salut de nos âmes et de celles de nos aïeux, nous donnons par ce présent document aux religieux, abbé, couvent et église où nous élisons nos sépultures devant l'autel en une chapelle, en lieu et place de la sacristie, que nous proposons de faire édifier, dix livres parisis de rente perpétuelle. Soit de chacun de nous, cent sous parisis sur son propre héritage. Moi Jean, chevalier cent sous parisis sur les dix livres que je reçois a chaque fête de Saint Remi sur la prévôté de Neauphe le Châtel sous peine de 3 sous par semaine si le terme de paiement est dépassé par le châtelain de Neauphle, mon cousin, sire du dit lieu qui est en foi et hommage par devers moi. Ces cent sous de rente perpétuelle je les octroie aux religieux pour qu'ils les prennent franchement et paisiblement. Et moi Jeanne ici présente ces cent sous sont à prendre chaque année à la fête de Saint Remi sur nos cens à Villaine par les redevables de cens qui les recevront sans nul empêchement par dix à huit deniers à prendre ….

Commentaires

Selon le site Racines et histoire d'Etienne Pattou, Jean de Villepreux est à distinguer de son homonyme, douzième seigneur de Villepreux, de 1292 à 1318.

Son épouse, Jeanne de Guyancourt, avait sans doute une possession importante de terre roturière à Villennes en ce début du XIVe siècle, à l'époque de Philippe le Bel.

Blason de Jean de Villepreux.

Elle s'est engagée sur 2000 deniers soit une centaine de vilains (10 à 8 deniers par vilain/main de cens). Cela concernait un grand nombre de petites parcelles ou biens tel qu'un moulin.

Les vestiges de l'Abbaye sont toujours visibles à Villepreux.

1313 : Vente de terres confisquées... par le roi
Philippe le Bel à Eudes, dit L'archevêque de Maule

Le document (AN JJ- 49 Fol. 51)

Document de vente de 1313, première partie. Document de vente de 1313, deuxième partie.
© Archives Nationales. Tous droits de reproduction réservés

La traduction

Nous, Philippe, nous déclarons publiquement que désormais nos biens et héritages qui vont suivre et qui proviennent de la confiscation des biens des feus Guillaume et Pierre dits les couars de Villennes à savoir... [...]

A Poissy an mille trois cent treize au mois de Juin

Pour notre seigneur et roi, Maillard

Commentaires

Couars

On ne connaît pas la raison de la confiscation des biens de Pierre et de Guillaume...

Le cens "au quart" semble être très usité sur le terroir de Villennes comme la suite du texte le précise avec toutes ces "quarteries" et quarterians. Existe-t-il un lien avec le nom d'un lieu-dit de Villennes "Le Coquart", proche de couard et de quart ? Il était écrit "Les Cocouars" dans la liste des biens séquestés du dernier seigneur, Pierre Paul Gilbert de Voisins.

Gilbert de Tillières

Il était le mari de Jeanne de Poissy, dame d'Aigremont. Il semble que celle-ci s'inscrivait dans la lignée des Simon de Poissy. Simon III, Simon IV et Simon V sont, depuis le début du XIIIe siècle, seigneurs d'Aigremont. Simon IV a fait don d'une vigne en 1220 à l'abbaye d'Abbecourt (voir ci-dessus).

Blason des seigneurs d'Aigremont
Blason des seigneurs d'Aigremont

Robert de Tillières, fils de Gilbert et de Jeanne, seigneur de Maisons-sur-Seine, a succédé à sa mère comme seigneur d'Aigremont.

L'ensemble est tenu à l'hommage du seul seigneur d'Aigremont. Il s'agit d'une partie importante du territoire de Villennes, en cette fin du règne de Philippe le Bel, qui dépendait de cette famille : plusieurs fiefs, Beaulieu, Heurtier, quatre autres fiefs caractérisés par leurs tenanciers, des terres à Breteuil, dans l'île et divers endroits dont un moulin soit environ 25 hectares hors superficie des fiefs. La notion d'une seigneurie de Villennes n'existait pas encore dans les textes et chartes tout au long du XIIIe siècle et au début du XIVe. C'est une branche des Poissy, celle qui a tenu la seigneurie d'Aigremont, qui en a réuni la plus grande part et en a fait hommage au roi durant cette période.

Guillaume de Binanville

Nous trouvons trace d'un Guillaume de Binanville au début du XIIIe qui tenait du roi Philippe-Auguste le fief de Binanville. Binanville était le plus grand des hameaux d'Arnouville (nommé Arnouville-lès-Mantes depuis 1926), au nord de cette commune près de la limite de la commune du Breuil Bois Robert, asur un plateau entre la vallée de la Mauldre et celle de la Vaucouleurs. Précisions sur l'histoire de cette seigneurie dans le dosssier Villes et villages du Mantois N° 6 de Madeleine Arnold Tetard.

Eudes l'Archevêque de Maule

Ouvrage sur les chartes de l'abbaye d'Abbecourt.
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Dans le tome premier de l'ouvrage "Mémoires et documents publiés par la Société Archéologique de Rambouillet", édité en 1873, la transcription d'un état des fiefs du comté de Montfort-l'Amaury, établi en 1703 (Archives Nationales, registre P 1839, fol. 196), mentionne un fief L'Archevêque.

Selon Etienne Pattou, auteur du site Racines et histoire, ce fief Larchevêque pourrait avoir été situé près de Neauphle-le-Château, dans l'orbite du fief de Châteron et proche de Saint-Germain de La Grange, anciennement Saint-Germain de Morainville.
(source : Le Nobliaire de Montfort, A. de Dion).

L'Abbaye d'Abbecourt, sur le territoire d'Orgeval, était proche de Villennes. Plusieurs chartes de cette abbaye, dont les transcriptions par l'abbé Lefèvre de la Société historique du Vexin ont été publiées en 1939, nous renseignent sur Eudes "Larchevesque" ou "Larcevêque".


Il a notamment fait don, en 1315, à l'abbaye, d'une maison de Villaines, qui avait appartenu à Gelloin de Feucherolles.

D'autres chartes mentionnent que ce personnage était garde de la Châtellenie de Poissy.

Charte de l'abbaye d'Abbecourt de 1315 mentionnant Eudes Larchevesque.

Les religieuses de Poissy

Sceau des dominicaines de Poissy.


Il s'agit des religieuses du prieuré et de l'abbaye royale Saint Louis fondée en 1304 par Philippe le Bel pour honorer la mémoire de son grand père et qu'il dotait régulièrement. La règle était celle de Saint Dominique.




Sceau des dominicaines de Poissy

L'évolution de Villennes

Alors que le texte de 1220 employait l'expression "apud villanas" qui peut être comprise comme un endroit où étaient situés des "villanas", un siècle plus tard, l'expression de "territorium" (in territorio de villaines) était utilisée. Ce n'était sans doute pas un nom de village encore mais un nom désignant alors uniquement un ensemble de masures et de pièces de terre. De plus, c'était une version du langage parlé mais pas une latinisation des noms de lieux comme c'était encore le cas, par exemple, de "bello loco" pour Beaulieu.