Villennes, de 1789 à 1799


De 1789 à 1792 : les Assemblées Constituante et Législative

Création des municipalités

Election du premier maire

C'était encore le règne de Louis XVI mais la monarchie absolue, abolie le 9 juillet 1789, a été remplacée par une monarchie constitutionnelle le 10 octobre 1791.

Les municipalités ont été créées, le 14 décembre 1789, par proclamation du roi du 18 décembre 1789, sur décret de l’Assemblée Nationale.

Carte du district de Saint Germain en Laye.

La municipalité de Villennes dépendait du district de Saint Germain en Laye.

L’Assemblée Constituante a décidé que les élections municipales auront lieu en février 1790.

Les résultats du vote ont été les suivants à Villennes :

Maire Laurent Ménard
Officiers municipaux Pierre Gaury et Charles Thuillier
Procureur de la commune Jean François Rivierre
Notables De Berry, Nicolas Martin, Jean Baptiste Martin, Jean Redeaux, Claude Gaury

Le maire et le procureur étaient élus pour deux ans, les officiers municipaux et les notables étant renouvelables tous les ans par moitié, mais cette règle n'a pas toujours respectée ; ainsi, bien qu’une année ne s'était pas écoulée, des élections eurnt lieu le 14 novembre 1790, pour procéder à la nomination d’un officier municipal et de trois notables. Les sortants ont été désignés par tirage au sort.

Le procès-verbal de cette élection donnait cette précisione :

L’an mille sept cent quatre vingt dix, le quatorzième jour de novembre, après les vêpres de la paroisse de Villainnes, nous Maire et Officiers municipaux de la dite paroisse, assisté de Mr. le Procureur de la commune, avons en vertu de notre acte, assemblé tous les Notables et les habitants ce jourd’hui en l’église de la dite paroisse. Les dits notables et les habitants se sont trouvés en grand nombre.

La première opération du scrutin a désigné, par tirage au sort, l’officier municipal sortant :

Pour y parvenir nous avons d’abord commencé à faire approcher du bureau les deux officiers municipaux de cette paroisse et ensuite avons fait couper deux morceaux de papier d’égale grandeur, sur l’un desquels a été écrit “officier municipal sortant”, les ayants pliés et mis dans un chapeau, le dit Pierre Gaury en a tiré un sur lequel s’est trouvé écrit “officier municipal sortant”, en conséquence le dit Charles Thuillier reste officier municipal.

Il a été procédé de la même manière pour désigner les notables sortants : les sieurs Jean Redeaux et Claude Gaury. Les sieurs de Berry, Nicolas Martin et Jean Baptiste Martin étaient les notables restants.

La nomination de l’officier municipal s'est déroulée ensuite de la façon suivante :

Avons commencé ensuite, par la loi du sort et hasard procédé à la nomination d’un nouvel officier municipal pour remplacer la personne de Pierre Gaury, officier municipal sortant, et pour y parvenir avons coupé autant de billets qu’il s’est trouvé de personnes éligibles dans la dite assemblée et sur l’un desquels a été écrit “nouvel officier municipal”, les avons pliés d’égale grandeur et mis dans un chapeau et ayant tiré, il s’est trouvé que le sort est tombé sur la personne de Marin Caillot, vigneron demeurant à Villainnes, en conséquence le dit Marin Caillot a été proclamé officier municipal par toute l’assemblée.

Le tirage au sort a désigné également les trois nouveaux notables: André Dutheil, Laurent Pierette et Nicolas Voyer.

Litige électoral

La procédure et le mode de scrutin étant en infraction avec la loi électorale, les administrateurs composant le Directoire du district de Saint Germain en Laye ont demandé des explications. Sous la pression de certains électeurs, la municipalité de Villennes a reconnu qu’il y avait eu vice de forme et que les élections devaient être annulées :

Nous soussignés citoyens actifs de la commune de Villainnes pour délibérer sur les vices énoncés, vu l’acte de l’assemblée de la nomination des officiers municipaux et notables de la commune en date du 14 novembre 1790 dont copie est ci-jointe.

En considérant qu’aucune forme et exécution des décrets de l’Assemblée Nationale n’a été suivie dans la dite élection, entendu qu’il n’y a eu ni président, ni secrétaire, ni scrutateurs de nommés, que le plus grand vice est celui d’avoir fait tirer par la loi du sort l’officier municipal et les trois notables nouvellement élus.

Avons arrêté que le présent acte soit adressé à messieurs les administrateurs du district pour les informer de ce que dessus et pour les prier de vouloir bien donner des ordres à messieurs les officiers municipaux de notre commune à l’effet de procéder de nouveau à la nomination d’un officier municipal et de trois notables exclus par le sort, et par la loi du scrutin conformément aux décrets de l’Assemblée Nationale.

Dont acte et avons signé.

De plus, ces irrégularités ont provoqué des troubles à l’intérieur même de la commune ; l'un des signataires de cette lettre, le citoyen Benoit Redeaux, a même fait l’objet de poursuites, comme en atteste le registre des arrêtés du district de Saint Germain en Laye, à la date du 23 janvier 1791 :

Vu, le mémoire de la municipalité de Villaines, par lequel elle dénonce le sieur Redeaux, qui se permet journellement d’insulter ses officiers et demande en conséquence qu’il y soit mis fin, tant pour avoir insulté que pour avoir sonné la cloche d’alarme.

Le Directoire du district a considéré que c'était très répréhensible et que de pareilles injures devaient être réprimées avec d’autant plus de raison que plusieurs lois infligeaient des peines rigoureuses :

Contre ceux qui se permettent des injures envers les fonctionnaires publics et d’émettre l’avis suivant : Oui Mr. le Procureur syndic, déclare qu’il s’agit d’un délit public et d’injures et menaces envers les officiers municipaux en fonction. Le nommé

Benoit Redeaux doit être traduit à la requête du Procureur de la commune de Villaines par-devant le Juge de Paix et assesseurs du canton, composant le tribunal de police correctionnelle et en exécution de la loi relative à l’organisation d’une police municipale du mois de juillet dernier.

Signé : Hebert, Viez, Odiot, Chandellier Procureur syndic

Il en est ainsi en la minute. Signé Hebert

Le 30 mars 1791, le Directoire du district a annulé l’élection de l’officier municipal et des trois notables. De nouvelles élections se sont déroulées le 29 mai 1791, sous le contrôle de M. Vesque, membre du district. Le nombre d’électeurs était 45 alors que celui des citoyens actifs était  85. Il y eut donc une abstention importante. Trois tours de scrutin ont été nécessaires pour élire Pierre Gaury officier municipal. Le temps passant, il n’y avait plus que 34 votants au troisième tour ; ce nombre est tombé à 26 pour l’élection des trois notables : MM. Michel Lamiraux, Pierre Beaugrand et Jean Redeaux.

La municipalité a donc été  composée ainsi :

Maire Laurent Ménard
Officiers municipaux Pierre Gaury et Charles Thuillier
Procureur de la commune Jean François Rivièrre
Notables Michel Lamiraux, Pierre Beaugrand, Jean Redeaux, De Berry, Nicolas Martin, Jean Baptiste Martin

Renouvellement du conseil municipal

Le maire, Laurent Ménard, arrivant aux termes de son mandat, ainsi que le procureur de la commune, Jean François Rivièrre, de nouvelles élections eurent lieu le 13 novembre 1791 ; leur but était également de renouveler un officier municipal et trois notables ainsi que de procéder pour la première fois à la nomination d'un secrétaire greffier. Toutes les opérations du scrutin se sont déroulées, cette fois, dans les règles. Les nouveaux élus étaient tous vignerons sauf le secrétaire greffier, qui était maître d’école et greffier du Juge de Paix du canton de Poissy extra-muros.

Le nouveau conseil municipal a été ainsi composé :

Maire François Rivièrre
Officier municipal Nicolas Martin
Procureur de la commune Philippe Martin
Notables Mathieu Duthiel, Jean Giraux et Pierre Chevalier
Secrétaire greffier Pierre Jean Baptiste Dumenil

C’est ce nouveau secrétaire qui a ouvert le premier registre des délibérations municipales, avec le texte suivant :

Registre pour servir à enregistrer toutes les délibérations de la Municipalité de la Paroisse de Vilaines à commencer du treize Novembre mille sept cent quatre vingt onze, jour auquel a été nommé pour Maire de cette Paroisse François Rivière, Philippe Martin pour procureur de la Commune, Pierre Gruau et Nicolas Martin pour officiers municipaux et pour secrétaire greffier a été nommé Pierre Jean Baptiste Dumenil greffier de la justice de paix d’Orgeval et  maître d’école de cette paroisse.

Le registre a été par nous Maire, coté et paraphé à toutes les pages, le dit jour et an que ci-dessus.

Il est à noter que le terme de paroisse était toujours employé, celui de commune n'étant pas encore, semble-t-il, entré dans le langage.

Les impôts

Les impôts de l’Ancien Régime, bien que déclarés illégaux parce que non consentis par la Nation, étaient toujours levés après la Révolution, jusqu’à l’élaboration d’un nouveau système fiscal.

Cachet du département de Seine et Oise.

Le décret du 14 décembre 1789 a confié aux municipalités le soin d’établir les rôles.

Celui du 20 juin 1790 attribuait au département les tâches de répartition et de perception.

En 1790, les rôles antérieurs étaient simplement reproduits, augmentés des nouvelles contributions (contributions foncières et mobilières).

La liquidation des impôts de l’Ancien Régime a duré quatre années !

La collecte de ces nouveaux impôts était confiée à des particuliers. Comme les autres municipalités, celle de Villennes a nommé un percepteur par adjudication :

Aujourd’hui 21 mars 1792 à huit heures du matin en la chambre ordinaire des séances de la municipalité de la paroisse de Villennes et par-devant nous Maire, officiers municipaux, le procureur de la dite paroisse, assisté de Mr. Pierre Jean Baptiste Dumesnil, notre greffier ordinaire est comparu le sieur Laurent Ménard, citoyen de la commune de Villennes lequel nous a dit que s’étant rendu adjudicataire des contributions foncières et mobilières de la dite paroisse pour l’année 1791, à raison de trois deniers pour Livres, qu’en conséquence pour satisfaire à l’article IV de la loy du 22 octobre dernier, il nous a fait comparaître pour sa caution la personne du sieur Michel Lamiraux, aussy citoyen demeurant au lieu de Villennes, lequel présent a accepté la dite charge, en vertu de quoy le dit Laurent Ménard demeure adjudicataire de la dite perception pour l’année 1791 à la charge par lui de se conformer à la loy en tout ce qui concerne ce que dessus, le dit Ménard nous a requis acte et a signé et avec nous le dit Michel Lamiraux, sa caution fait au lieu ordinaire de nos séances.

Le greffier, maître d’école

Le nouveau greffier qui a été nommé avait aussi la fonction d’instituteur :

La municipalité a nommé Mr. Louis Eustache Moreau, pour greffier de la dite municipalité de Villennes suivant l’acte en la date du 9 mai 1792. Plus au même jour par acte de délibération avons reçu le dit Moreau pour maître d’école se trouvant capable de montrer l’éducation à la jeunesse.

Louis Eustache Moreau était, depuis 1782, le greffier, notaire et receveur des amendes de Pierre Gilbert de Voisins. Il a été le premier “maître d’école” de Villennes ; jusqu’alors, seule une école pour les filles existait, l’instruction y étant dispensée par l'une des deux sœurs de Nevers résidant à Villennes : dans une Maison de charité desservie par deux sœurs de Sainville ou de Nevers à défaut des premières. L'une était chargée de fournir gratis des médicaments aux pauvres malades, l’autre de l’instruction gratuite aux filles de Villaines et de Médan.

La fondation avait été faite, le 20 septembre 1777, par le testament de Mme Marie Marthe de Cotte, épouse de Pierre Paul Gilbert de Voisins. Elle consistait en une maison,  un jardin et 720 livres de rente : deux contrats sur les aides et gabelles, dont 500 libres pour les deux sœurs et le surplus pour l’achat des drogues pour les pauvres malades, et des livres pour l’instruction.

La perte de la rente a réduit le nombre de sœurs à une seule, qui assurait les deux services moyennant une gratification que lui faisaient les habitants.

Retour du dernier seigneur, Pierre Gilbert de Voisins

Le 14 septembre 1791, Louis XVI a prêté serment à la Constitution : la France est devenue une monarchie constitutionnelle. La Constituante a terminé ses travaux et a été remplacée par l’Assemblée législative.

Un de ses premiers décrets, le 16 octobre, "porte défense à tous citoyens français de prendre dans aucuns actes les titres, les qualifications supprimés par la Constitution" ; le 9 novembre, suivirent les décrets contre les émigrés. Le 9 février 1792, l’Assemblée décida la confiscation des biens des émigrés. En mars, le Président Gilbert de Voisins, espérant obtenir sa radiation de la liste des émigrés et la levée du séquestre sur ses biens, est revenu en France en laissant sa famille en Belgique ; à  son arrivée à Villennes, il s'est présenté au maire de la commune :

Nous Maire et officiers municipaux et procureur de la commune de Villennes. Certifions à tous qu’il appartiendra que Mr. Pierre Gilbert de Voisins propriétaire de la terre de Villennes s’est aujourd’hui présenté devant nous, de quoi il nous a requis acte, ce que nous lui avons octroyé pour lui servir et valoir ce que de raison à Villennes. Le 30 mars 1792 et nous dit Sieur Gilbert de Voisins a signé avec nous.

Rivièrre Maire, Martin P., Gaury, Martin

Le 7 avril 1792 le dit jour a été présenté par le sieur Hardelle régisseur au château de Villennes, un certificat de présence de Mr. Gilbert de Voisins par la municipalité de Paris reçu devant  Mr. Moreau notaire.


Certificat de présence de Pierre Gilbert de Voisins.

La municipalité en a rendu compte au district, par une note signée du greffier.

Par contre, "M. Boullanger cy devant Seigneur d'Hacqueville n'a point paru" ...

Après un séjour à Paris, Pierre Gilbert de Voisins a voyagé à travers le pays et a résidé, notamment, à Louvres, Valenciennes et Bellegarde dans le Loiret.

La Garde nationale de Villennes

La première Garde Nationale a été créée, en 1789, à Paris à partir des milices bourgeoises. Son premier commandant général, La Fayette, lui a donné le nom de Garde nationale : “Un nom que puisse adopter la France entière, car toutes les communes du royaume vont sans doute suivre l’exemple de la capitale et confier leur défense intérieure à un corps de citoyens armés”.

La commune de Villennes, ne voulant pas être en reste, a créé sa Garde nationale le 30 mai 1792 ; les gradés ne manquaient pas, comme en témoigne la liste des membres :

Capitaine Chartier François
Lieutenant Le Brun Pierre
Sous-Lieutenants Gaury Pierre, Blot Pierre, Gaury Pierre, Redaux Laurent
Sergents Binet Ambroise, Redaux Laurent
Caporaux Martin Pierre (fils), Giraux Nicolas (fils), Giraux Paul (fils)

Le clergé et le serment civique

Le 12 juillet 1790, la constitution civile du clergé a découpé les diocèses comme les départements ; Villennes n’appartenait plus au diocèse de Chartres mais à celui de Versailles. Les curés et les évêques étaient élus par les citoyens. Les membres du clergé sont devenus des fonctionnaires rémunérés par l’Etat.

Le 24 août, le Roi a tenté de s’y opposer, mais il a été contraint ou forcé de signer cette constitution du clergé. Le 27 novembre, le décret Voidel exigea que les prêtres jurent fidélité à la nouvelle constitution.

Le pape Pie VI condamnant cette constitution, l’Assemblée a rompu avec Rome et l’Eglise de France s'est fracturée : une moitié du clergé a prêté le serment, l’autre s’y opposant. A Villennes, apparemment, ce serment ne divisa ni les habitants ni les prêtres.

Le 28 novembre 1791, les prêtres réfractaires ont été mis hors la loi.

Le 14 août 1792, l’Assemblée législative décréta que tous les prêtres devront prêter un nouveau serment de fidélité "à la Liberté et à l’Egalité". Le supérieur du séminaire de Saint Sulpice, Emery, admit que ce serment n’était pas contraire à l’orthodoxie catholique. Ayant une grande influence, il conseillait au clergé de le prêter.

A Villennes, ce serment a été prêté, le 26 août, par les deux prêtres qui résidaient dans la commune mais également par l’ensemble de la population comme l'a relaté le registre des délibérations :

L’an mille sept cent quatre vingt douze, nous Maire, Procureur, les Officiers de la commune de Villennes avons tenu notre séance au banc de l’œuvre aujourd’hui dimanche à l’issue de la première messe au son de la cloche où se sont trouvés la majeure partie des habitants à l’effet d’être présents et de recevoir le serment civique du Sieur Jean Mottet Chapelain du château du dit Villennes, non-fonctionnaire, lequel a juré d’être fidèle à la Nation et à la Loi, de maintenir la Liberté et l’Egalité et de mourir en la défendant dont de quoi, nous lui avons requis acte du serment et a signé avec nous. Les jours et an que ci-dessus le 26 août.

Mottet   Rivièrre Maire  Gaury Officier

Martin Procureur  Duteil Notable  Moreau Greffier

Le dit jour, nous Maire, Procureur et Officiers de la commune de Villennes avons tenu notre séance au banc de l’œuvre aujourd’hui dimanche à l’issue de la première messe au son de la cloche où se sont trouvés la majeure partie des habitants, à l’effet d’être présents et de renouveler le serment civique du Sieur Denis Soudé, Prêtre Curé de Villennes, fonctionnaire public, lequel a juré de nouveau d’être fidèle à la Nation et à la Loi, de maintenir la Liberté et l’Egalité et de mourir en la défendant dont et de quoi nous lui avons requis acte du serment et a signé avec nous les jours et an que ci-dessus.

Denis Soudé Curé  Rivièrre Maire  Gaury Officier

Martin Procureur   Duteil Notable

Et le dit jour, nous Maire, Procureur et Officier de la commune de Villennes avons tenu notre séance au banc de l’œuvre aujourd’hui dimanche à l’issue de la première messe au son de la cloche ou se sont trouvés la majeure partie des habitants à l’effet d’être présents et de renouveler le serment civique des dits habitants, lesquels ont juré de nouveau d’être fidèles à la Nation et à la Loi, de maintenir la Liberté et l’Egalité et de mourir en la défendant dont et de quoi nous leur avons requis acte les jours et an ci-dessus.

Rivièrre Maire  Martin Procureur  Gaury Officier

Duteil  notable

A la même époque a été instituée une religion civique qui prévoyait, dans chaque commune, un autel de la patrie ; certaines églises ont été saccagées et transformées en temple de la Raison. Cette religion civique prit pour symbole la cocarde, dont le port devint obligatoire pour les hommes le 8 juillet 1792 et pour les femmes le 21 septembre 1793. Ses rites comprenaient la plantation d'arbres de la liberté, la vénération publique des tables de la Déclaration des droits de l’Homme et de la Constitution, le culte avec cérémonies et lecture de la Constitution. L’église de Villennes semble avoir été épargnée par ces débordements.

Dans le même temps, les saints ont été proscrits : la commune de Saint Germain en Laye a été rebaptisée "La Montagne de Bon Air" et celle de Conflans Sainte Honorine "Conflans La Liberté".

Le 10 août 1792, les Tuileries ont été prises ; le roi, réfugié à l’Assemblée avec sa famille, a été suspendu et emprisonné au Temple. Jusqu’au 21 septembre, la monarchie constitutionnelle a été remplacée par la dictature de la commune.

Le séquestre des biens des émigrés

Suite à la loi du 9 et 12 février 1792, les biens des émigrés ont été "mis sous la main de la Nation et placés sous la surveillance des autorités administratives". Gilbert de Voisins était rentré en France pour éviter le séquestre de ses biens mais, le 27 juillet 1792, l’Assemblée législative a décrété la confiscation et la vente au profit de la Nation de tous les biens des émigrés. Le  Conseil général du district de Saint Germain en Laye a nommé, le 20 août 1792, , deux administrateurs du district, MM. Hebert et Vénard, pour dresser un inventaire des biens de l’émigré Gilbert de Voisins :

Le Conseil Général, délibérant sur les moyens d’exécuter sans délai, la loi relative aux biens des émigrés, à l’égard du sieur Gilbert qui a des propriétés et des habitations dans l’étendue de ce district. Et attendu que le sieur Gilbert n’est rentré en France que depuis la loi du 9 février dernier, qu’il ne s’est pas conformé à la loi pour se faire restituer dans la jouissance de ses biens, ce qu’en fin, le voeu de la loi doit être rempli, faute par le sieur Gilbert d’avoir profité de la faculté qui lui était accordée.

Oui Mr. le Procureur syndic arrête que Mrs Hebert et Vénard l’aîné se transporteront dans le jour de demain dans la commune de Villaines à l’effet de dresser l’inventaire ou état conformément à la loi, des biens mobiliers appartenant au sieur Gilbert ci-devant seigneur du dit Villaines, au surplus faire à cet égard tout ce qui besoin sera. Ils rapporteront procès verbal à l’administration.

Signé Chandellier, Procureur syndic

L’inventaire a eu lieu en présence du maire et du procureur de la commune ; le résultat a été un document d’une cinquantaine de pages contenant le détail du mobilier du château, pièce par pièce. Le sieur Hardel, régisseur du château, a été nommé gardien du séquestre.

Un mois plus tard, le 20 septembre, c’était le tour du château d’Acqueville d’être soumis à une inspection et à un inventaire sommaire des objets s'y trouvant, bien que le propriétaire, M. Armand Louis Le Boullanger, ancien officier des Gardes françaises n’habitait plus cette propriété ; le château était loué au sieur Gabriel Claude Patteau de Veimeranges depuis le 5 mai 1792 (un inventaire du mobilier a été établi par un notaire de Paris).

La vie restait, néanmoins, calme à Villennes : de nombreux nobles sont venus, le 30 septembre, se réfugier au château d’Acqueville. Le procureur de la commune a délivré des certificats de séjour, entre autres, au sieur François d’Orceau de Fontelle, à la dame Hyppolite Radegonde Bez de Begansson, au sieur Nicolas Augustin Malbec de Briges, à Marie Geneviève Radix, son épouse, et à Rose Charlotte d’Osmond, épouse du citoyen Joseph Malbec de Briges.

Les premiers Volontaires

La France du nord-est a été envahie, au mois d’août 1792, par le duc de Brunswick, qui voulait marcher sur Paris par la Champagne. Les Français ont répondu avec enthousiasme à l’appel aux armes, bien que les “volontaires nationaux”, toujours ainsi appelés, avaient été réquisitionnés. A la nouvelle de la prise de Verdun, le 2 septembre, la Commune a décrété “La patrie en danger” et a réclamé 60 000 volontaires.

Le citoyen Hebert du Directoire du district de la Montagne de Bon air est venu à Orgeval et à Villennes pour enrôler des “volontaires” ; ceux-ci sont partis pour Versailles puis au Camp de Meaux mais ils n'ont pas  participé, le 20 septembre, à la bataille de Valmy.

Instauration de l’état-civil

Par décret du 20 septembre 1792 et en vertu de la loi du 28 pluviôse, les registres paroissiaux ont disparu, remplacés par les registres de l’état-civil.

Extrait d'un registre de baptêmes paroissial.

Peu après, un officier d’état-civil a été élu à Villennes :

L’an 1792, l’an I de la République Française, le 11 novembre à l’heure de midy, en présence des citoyens de la Paroisse de Vilaines, nous Maire, Officiers, Procureurs de la commune de  Vilaines avons fait la nomination d’un officier public en vertu de la loy en date du 20 septembre dernier et q’en vertu de cette loy, nous avons tiré au scrutin cette nomination par lequel il s’est trouvé que le citoyen Moreau a eu 15 voix de plus que tous les autres, en vertu de quoi il a accepté ladite charge dont nous le reconnaissons capable de remplir ladite fonction et a signé avec nous.

Rivièrre Maire  Gaury Officier  Martin Procureur  Duteil et Jean Redaux notables

Michel Lamiraux Nicolas Lebis  Ménard  B.Redeaux  Moreau

Le registre paroissial, tenu par le curé de Villennes pour enregistrer les baptêmes, les mariages et les sépultures, a été clos le 10 novembre 1792 :

Clôture du présent registre : clos et arrêté le présent registre au désir de l’article premier du titre six de la loy du vingt septembre dernier qui détermine le mode de constat de l’état civil des citoyens par nous François Rivièrre, Maire et Philippe Martin, Procureur de la commune, le dix novembre 1792 l’an premier de la République Française. Signé Rivièrre, Maire, Martin, Procureur de la commune.

L’état-civil des citoyens a été ouvert sur le même registre, le 11 novembre, après l’élection de Louis Eustache Moreau, officier public ; le même jour, les deux premiers actes ont été enregistrés :

Le troisième acte, enregistré le 19 novembre, était celui du premier mariage républicain :

L’an 1792 l’an premier de la République Française, le 19 novembre, le citoyen Pierre Perelle domicilié en la commune de Bouafle, âgé de 23 ans, étant né le 7 octobre 1769 suivant l’extrait de baptême, à nous présenté, en date du 20 de ce mois, délivré et signé

de Louis Fillasse secrétaire greffier de Bouafle et Elisabeth Duteil, âgée de 26 ans, fille du défunt François Duteil, de son vivant vigneron et de Marie Catherine Fautré, sa femme par père et mère, née le vendredy 27 mai 1767. Lesquels sont entrés en la salle publique de la maison commune de Villennes accompagnés de deux témoins pour le futur et de deux témoins du coté de la dite future. Après lecture faite par nous, Louis Eustache Moreau, Officier public, tant de la publication du dit mariage en date du 11 présent mois en cette commune et celle faite en la paroisse de Bouafle datée du 11 du présent mois, suivant l’extrait à lui délivré par Louis Joseph, prêtre vicaire de Bouafle, devant les citoyens et citoyennes ci-dessus nommés en présence de la municipalité.

Le dit citoyen, Pierre Perelle ayant déclaré prendre Elisabeth Duteil en mariage et la dite citoyenne Elisabeth Duteil ayant déclaré prendre le dit citoyen Pierre Perelle. Nous Officier public susdit, avons aux termes de l’article six de la loy du 20 novembre dernier prononcé au nom de la loy, en présence des dits citoyens et citoyennes ci-dessus énoncés, que le dit citoyen Pierre Perelle et la dite citoyenne Elisabeth Duteil sont unis en mariage donc et de quoi a été dressé le présent acte en présence de Denis Perelle l’aîné, frère de l’époux et de Jean Louis Thuret, cousin et parrain de l’époux tous deux vignerons, demeurant à Bouafle et de Catherine Fautré, mère de l’épouse et de Pierre Eva beau-frère de l’épouse, qui a signé avec nous et les époux, tandis que les autres témoins ont déclaré ne savoir écrire.

De 1792 à 1793 : la Convention girondine

Allégorie de la République Française.

Le 21 septembre 1792, fin de la Législative et entrée en fonction de la Convention girondine.

Lors de sa première séance,  celle-ci a voté à l’unanimité la proposition : “La royauté est abolie en France”.

Le jour suivant a été choisi comme premier jour de la République et le point de départ du calendrier républicain.

Nouvelles élections municipales

De nouvelles élections ont été décrétées par la loi du 19 novembre 1792, après que la Convention ait modifié les modalités d’élection : “La distinction des Français en citoyens actifs non actifs est supprimée, il suffit d’être âgé de 21 ans, domicilié depuis un an, vivant de son revenu ou du produit de son travail et n’étant pas en état de domesticité”.

Les élections ont eu lieu le 16 décembre. A Villennes, 55 électeurs ont été  réunis par le maire à la maison commune (on ne parlait pas encore de mairie) ; il a été d'abord procédé à l’élection d’un bureau qui a assuré le bon déroulement des opérations de vote. Celles-ci n'ont pas été très simples :

Voici le texte intégral du procès verbal de ces élections :

L’an 1792, le premier de la République Française, le dimanche 16 décembre à l’issue de la grande messe paroissiale de Villennes nous Maire, Officiers, le Procureur de la commune du dit Villennes avons fait assembler les habitants du dit lieu, en la manière, en la maison commune servant de lieu ordinaire de nos séances à l’effet de procéder à une nouvelle nomination des officiers pour composer une nouvelle municipalité en vertu de la loi du 19 novembre dernier qui a été à l’instant faite par l’organe du citoyen François Rivièrre, Maire, lue à haute et intelligible voix, en conséquence le dit citoyen a annoncé à la ville assemblée qu’elle eût à nommer entre elle le plus ancien citoyen pour être président d’âge, ce a quoi elle a adhéré et a nommé le citoyen Marie Clérambourg et pour secrétaire provisoire le citoyen Louis Eustache Moreau, après avoir prêté serment, la dite assemblée a procédé à l’élection d’un président, d’un secrétaire et de trois scrutateurs.

Après avoir voté, le dépouillement fait, le résultat a été en faveur du citoyen Henry Lelarge pour président, le citoyen Louis Eustache Moreau pour secrétaire, et les trois scrutateurs, les citoyens Laurent Menard, Jean Rivièrre et Philippe Martin. Après avoir prêté serment, le citoyen président a annoncé à l’assemblée qu’il s’agissait de procéder à la nomination d’un nouveau Maire et ce par scrutin individuel à la pluralité absolue, l’assemblée à ce moment est composée de cinquante cinq votants.

Après vote et le dépouillement effectué par les scrutateurs le résultat est le suivant : le citoyen Benoit Rédeaux 21 voix, le citoyen Laurent Ménard 18 voix, la majorité absolue n’ayant point été réunie, en conséquence le citoyen président a annoncé à l’assemblée ident a annoncé à l’assemblée de procéder à un second et dernier tour de scrutin entre les deux candidats qui avaient réuni le plus suffrages.

Après vote et dépouillement le résultat a été que le citoyen Ménard a réuni 32 voix ce qui est plus que la majorité absolue en conséquence le citoyen président l’a proclamé au nom de l’assemblée Maire de la dite commune lequel a accepté la dite charge.

Ensuite il a été procédé à l’élection de deux officiers municipaux, ont été élus le citoyen Pierre Beaugrand et le citoyen Jean Baptiste Martin, le président a demandé à l’assemblée de procéder à la nomination du procureur de la commune, après vote le citoyen Mathieu Duteil est élu, ont été également élus comme conseiller les citoyens Jean Rédeaux, Michel Lamiraux, Michel Conté, Claude Gaury, Jean Baptiste Denis, Vincent Gaury.

Les nouveaux élus ont prêté le serment de maintenir de tout leur pouvoir la liberté et l’égalité et de remplir avec zèle et courage leur fonction que les suffrages de leurs concitoyens leur ont déférée et ont signé.

Le résultat a donc été le suivant :

Maire Laurent Ménard
Officiers municipaux Pierre Beaugrand et Jean Baptiste Martin
Procureur de la commune Mathieu Duteil
Notables Jean Rédeaux, Michel Lamiraux, Michel Conté, Claude Gaury, Jean Baptiste Denis, Vincent Gaury

L'administration du sequestre des biens
de Pierre Gilbert de Voisins

L'entretien des bâtiments

En novembre 1792, le maire et les officiers de Villennes ont authentifié le contrat que le dernier seigneur avait signé avec Louis Prix Ollivon, maçon à Orgeval, pour l'entretien des couvertures de ses bâtiments de Villennes, de Médan et d'Orgeval.

Nous soussignés Maire et Officiers de la commune de Villennes, certifions que le présent marché est fait entre le sieur Gilbert et Louis Prix Ollivon, maçon à compter du jour de la date du présent marché et que le dit Ollivon s’est acquitté tous les ans des charges, clauses et conditions apportées et qu’il lui est dû l’année d’entretien échue le premier de ce mois en foi de quoi avons signé le présent à Villennes 20 novembre 1792, l’an premier de la République Française.

Signatures de Rivière, Gaury, Hardelle, Martin et Moreau

Louis Ollivon put donc honorer le contrat, qui avait été établi deux ans avant la Révolution pour une durée de neuf ans :

Nous soussigné Pierre Gilbert de Voisins Président du Parlement, Marquis de Villennes d’une part et Louis Prix Ollivon, maçon, demeurant à Orgeval d’autre part, sommes convenus de ce qui suit sçavoir (à savoir) que nous Président Gilbert de Voisins avons donné à l’entretien, les couvertures des bâtiments cy après désignés au dit Ollivon, pour neuf années entières et consécutives dont la première a commencé à Noël dernier et qui finiront à pareil jour de l’année 1795.

Sçavoir   

Toutes les couvertures des bâtiments des fermes de Marolles et de Beauregard, de la Thuillerie, de Beaulieu, de la maison de garde d’Orgeval et du colombier y attenant, le coté couvert en tuiles. De l’auditoire de Villennes et maison des sœurs, les pressoirs de Villennes, Médan et Migneaux, la maison du maître d’école de Médan et généralement toutes les couvertures des bâtiments à nous appartenant dans les terres de Villennes Médan et Orgeval. Le tout moyennant la somme de 300 livres, payable à la Toussaint de chaque année.

Et moy Ollivon j’accepte le présent marché et m’oblige à l’entretien de toutes les couvertures cy-dessus désignées moyennant la dite somme de 300 livres par chaque année et à fournir tous les matériaux pour ce faire, et je m’oblige en outre à rendre toutes les couvertures en bon état en fin du présent marché.

Fait en double entre nous au château de Villennes le 11 mars 1787.

Signatures de Gilbert de Voisins et Ollivon

Toutefois, c'est aux administrateurs du District de Saint Germain en Laye qu'il dut s'adresser, lorsqu'il a remplacé par du plâtre la chaux, prévue pour la construction des murs  :

Aux Citoyens
Agent national et Administrateurs du Directoire
du district de Montagne de Bon Air

Citoyens,

Supplie humblement le citoyen Ollivon de la commune d’Orgeval, et vous présente que sur une adjudication à lui faite pour les réparations à faire à un bâtiment de la ferme de Marolles, il est tenu de construire les murs en mortier de chaux et sable, et ne pouvant avoir de chaux dans le moment où nous sommes, il vous plaise, citoyens, lui permettre de les construire en plâtre et sable ce qui fait la même construction si vous le jugez à propos il est tout prêt de construire d’après votre réponse.

Salut et Fraternité

Ollivon

Le paiement du loyer de la ferme de Marolles

Le Sieur Chenu, qui avait été le secrétaire de Pierre Gilbert de Voisins et gérait ses affaires, exigea que le loyer dû par le Sieur Lelarge, fermier de Marolles, ne soit pas payé au receveur de l'enregistrement. Voici le texte d'un courrier adressé par celui-ci aux administrateurs du district de Saint Germain :

Poissy 24 décembre 1792
l’an premier de la République

Monsieur,

Je vous envoie la dénonciation qui m’a été faite en matière d’une opposition formée par le Sieur Chanu à la délivrance du denier du par le Sieur Le Large pour le loyer de la ferme de Marolles faisant partie du bien de l’émigré Gilbert, je sais que le Sieur Chanu en a formé de pareilles entre les mains de plusieurs fermiers du Sieur Gilbert, je ne m’étendrais pas sur la validité de cet acte ni sur le délai qu’ils pourront apporter au recouvrement.

Mais je crois devoir vous prévenir que le Sieur Chanu était le secrétaire de Mr. Gilbert lorsque celui-ci était président au parlement de Paris; que depuis il a été l’agent général de toutes ses affaires; et enfin qu’il a reçu toutes les sommes payées par les fermiers depuis la loi du 8 avril dernier.

Je vous prie de me mander si dans le cas où les fermiers refuseraient de payer sur de simple avertissement, je ne devrai pas avoir de contrainte malgré les oppositions du Sieur Chanu.

Le receveur de l’enregistrement
Marinier

Ils ont répondu ainsi :

Séquestre de M. Gilbert de Voisin
N° 3

Citoyen, quand bien même le Sieur Chanu aurait des créances à exercer sur les biens de l’émigré Gilbert, en vertu des titres authentiques et antérieurs au décret du 9 février dernier, il serait obligé, pour en obtenir le remboursement de se conformer aux articles 19 et 20 de la loi du 8 avril et il n’en aurait pas de plus fondé à faire former des saisies arrêts dans les maisons des fermiers, qui suivant l’article 14 de la même loi, ne peuvent se libérer valablement qu’à la Caisse du Séquestre. Vous voudrez bien en prévenir le Sieur Chanu et le citoyen Le Large en observant à ce dernier que les saisies arrêts doivent être remises au trésorier du district et qu’elles ne peuvent point empêcher le versement dans vos mains, comme chargé de la recette du revenu des biens séquestrés, s’il voulait se servir du prétexte pour se dispenser de vous payer les fermages, vous décerneriez contre lui, une contrainte motivée et énonciation de tout ce qu’il doit tant pour le prix en argent porté par son bail que pour les faisances, charges et indemnités de la dîme et des impositions, vous enverriez ensuite cette contrainte pour être datée et signée par moi, conformément à l’article 4 de la loi du 4 septembre 1791. Quand au Sieur Chanu, si vous êtes dans le cas de prouver qu’il a fait quelques recettes des fermiers ou autres débiteurs de l’émigré Gilbert de Voisins depuis l’exécution de la loi du 8 avril, il faut l’obliger à vous en rendre compte, en lui faisant faire aussi s’il en est besoin une sommation motivée que vous soumettrez préalablement à mon examen.

Un brigadier greffier puis un huissier sont intervenus à propos de l'opposition au paiement les sommes dues pour le fermage à Pierre Gilbert de Voisins :

L’an quatrième de la Liberté et le premier de la République Française, l’an mille sept cent quatre-vingt douze, le 14 décembre avant midi, à la requête du citoyen Nicolas Chanu, citoyen de Paris y demeurant rue des Poitevins, section du Théâtre Français et Marie Anne Julie Crosnier veuve Boir citoyenne de Thorigny près Lagny sur Marne, le citoyen Louis Antoine Leprevost, négociant et citoyen de Paris y demeurant rue Quinquard, section d’Henry IV pour lesquels domicile est élu en leurs demeures.

A savoir ce encore pour la validité du présent, valable 24 heures seulement pour attribution de juridiction en la maison curiale de Villennes. Nous Alexandre Etienne Pion, brigadier greffier en la ci-devant prévôté générale des monnaies, demeurant à Poissy certifie a déclaré et fait savoir au citoyen Le Large, fermier demeurant à Marolles, paroisse de Villennes en son domicile où s’étant exprès transporté, distance d’une lieue, en parlant à une femme qui n’a dit son nom, informée chargée de lui faire savoir : que les citoyens ou citoyennes sus nommés sont opposants comme par ces présentes, ils s’opposent à ce que le dit Le Large paye et par de ses mains des sommes et deniers qu’il doit ou devra, échus ou à échoir soit en loyer de maison, terre, prés et en général pour toutes choses de telle sorte et manière que ce soit au citoyen Pierre Gilbert, propriétaire de la ferme du dit Marolles domicile et demeure connue au dit Villennes, lui faisant défense de par la Nation et Justice au dit Le Large de payer par ses mains en celles de qui que ce soit jusqu’à ce que par justice il ne soit ordonné à peine de payer deux fois et de reporter contre lui toutes pertes, dépenses, dommages et intérêts et ce pour faute de moyen et raison que les citoyens Chanu, Leprevost, veuve Boir s’élèveront en temps et lieux et ayant à Le Large en parlant comme dessus, laissé cette copie à ce qu’il n’en ignore.

Signé Pion

L’an 1792 l’an premier de la République Française, le 24 décembre, à la requête du citoyen Le Large, fermier, demeurant à Marolles, paroisse de Villennes pour lequel domicile est élu en sa demeure. J’ai Pierre Painlevé, huissier à cheval au ci-devant châtelet de Paris, demeurant à Poissy.

Soussigné : signifié, dénoncé et avec ces présentes donné et laissé copie au citoyen Marinier, receveur du droit d’enregistrement au bureau de Poissy, y demeurant Grande rue en son domicile où je me suis exprès transporté, parlant à sa personne de l’opposition formée entre le sieur Marinier à la requête du citoyen Nicolas Chanu demeurant à Paris, rue Poitevin section du Théâtre Français, de la citoyenne Marie Anne Julie Crosnier veuve Boir demeurant à Thorigny sur Marne, le citoyen Louis Antoine Leprevost, négociant, demeurant à Paris rue Quinquard, section Henry IV, par exploit de Pion Père, huissier à Poissy en date du 14 décembre présent mois : sur le citoyen Pierre Gilbert de Voisins, qualifié par la dite opposition de propriétaire de la ferme du dit Marolles, la dite opposition tendant à ce que le dit citoyen Le Large ne paye de par de ses mains, des sommes ou deniers qu’il doit ou devra au dit citoyen Gilbert soit pour raison de loyer ou autre, à ce que du contenu en icelle opposition; Le dit citoyen Marinier aura signé, je lui ai parlant comme dessus donné et laissé cette copie

Painlevé.

Les certificats de résidence des nobles résidant
au château d'Acqueville

Après le procès de Louis XVI et son exécution le 21 janvier 1793, l’annexion des territoires occupés (rive gauche du Rhin puis la Belgique après la victoire de Jemmapes), a provoqué l’entrée en guerre de presque toute l’Europe (Angleterre, Espagne, Hollande, Prusse, Autriche).

A cette guerre étrangère s’est ajoutée la guerre civile : insurrection royaliste en Vendée et insurrection girondine en Normandie, Guyenne, Vallée du Rhône, Provence et Corse ; 60 départements se sont soulevés contre Paris après l’arrestation des Girondins.

De tous ces événements a résulté un durcissement dans l’administration du département ; dans les communes environnantes, existait une certaine effervescence, tandis qu'à Villennes des certificats de résidence ont été délivrés aux derniers nobles venus prendre domicile au château d’Acqueville ; le texte du dernier certificat, délivré le 13 janvier 1793, montre plus de méfiance et de rigueur :

Nous soussignés Maire, Officiers et Procureur de la commune de Villennes, canton de Poissy, district de Saint Germain en Laye, département de Seine et Oise, sur la demande qui en a été faite et en exécution des lois des 24 juin, 24 décembre 1791 et du 8 avril 1792.

Déclarons Rose D’Osmond, épouse du citoyen Joseph Debriges, français, âgée de vingt huit ans, taille de cinq pieds un pouce, cheveux et sourcils blonds, les yeux gris, nez moyen, bouche petite, menton petit et rond, front petit, visage ovale et plein, demeurant ordinairement à Saint Germain en Laye, est arrivée à Hacqueville le 12 novembre dernier et qui depuis cette époque elle réside à la maison d’Hacqueville ainsi que nous l’ont attesté les citoyens François Roulleau, demeurant au dit Hacqueville et Henri Lelarge, cultivateur demeurant à Marolles, paroisse de Villennes qui ont signé avec nous et la dite citoyenne.

A Villennes le 13 janvier 1793, l’an II de la République

Signé, Ménard Maire, Duteil Procureur, Moreau Greffier et Osmond de Briges

A la suite de ce certificat, se trouvait la déclaration suivante :

Denis Soudé, Curé de Villennes, Jean Montellagan, chapelain, Jean Baptiste Ménard, Pierre Fournier, François Rivièrre, Philippe Martin, vignerons demeurant au dit Villennes, lesquels ont déclaré n’être parents, alliés, serviteurs, domestiques ou créanciers de la dite comparante - Lesquels ont signé.

Après cette date, le château d’Acqueville s'est vidé de ses habitants. Où sont-ils allés ? Nous savons seulement que le marquis Le Boullanger était émigré, lorsqu'il décédé, et que son épouse a survécu à ces événements.

Ventes du séquestre du château de Villennes

A partir de février 1793, le gouvernement, se trouvant devant des difficultés économiques, a accéléré les ventes des revenus des séquestres.  La municipalité de Villennes a reçu l'ordre de vendre, sans délai, le vin, le cidre, la laine, le foin et le cheval faisant partie du séquestre du château de Villennes.

Le conseil du Directoire du district de Saint Germain en Laye a pris la décision de vendre également le mobilier du château de Villennes mais, le 25 février 1793, les administrateurs du département de Seine et Oise ont demandé de surseoir à cette vente, car le commissaire vérificateur n’avait pas pu désigner les objets concernés :

Les objets de ce mobilier qui pouvaient être réservés soit comme objet précieux à conserver, les objets de ce genre dans ce mobilier qui ont été remarqués dans l’inventaire sont des livres, tableaux, cartes, gravures, tentures et autres. Nous vous recommandons de suspendre la vente de ceux qui ne seraient pas vendus, à la réception de cette lettre.

La vente du mobilier du château a, effectivement, été suspendue.

Dénonciation de Pierre Gilbert de Voisins comme émigré

Après avoir séjourné dans différentes communes, Pierre Gilbert de Voisins était dans sa résidence de Bellegarde, quand le procureur du district de Boiscommun dans le Loiret l'a dénoncé comme émigré. Le Directoire de ce  département  a confirmé cette accusation, le 14 mars 1793 :

Le Procureur général syndic considérant que tous français, qui quoique actuellement présent, s’est absenté de son domicile et qui ne justifiera pas d’une résidence sans interruption, en France, depuis le 9 mai 1792 est réputé émigré; considérant que le sieur Gilbert de Voisins qui prétend être arrivé à Paris le 7 avril 1792 ne justifie pas ce fait par le rapport d’un acte revêtu des formes exigées par la loi, puisqu’il ne produit que la copie collationnée par Moreau, notaire à Villennes, près Poissy, le 30 mai 1792, d’un certificat de la municipalité de Paris, qui lui a été délivré, le 18 mai 1792 par Simon, commissaire de police de la section de l’Observatoire sous le seing de Darrimejon, secrétaire greffier de Police et l’attestation de Jean Baptiste Edmé Boitel, rue de l’Enfer Saint Jacques, n° 192 et Guillaume Margault de Morain, même rue n°190. Vu et certifié à la municipalité de Paris le 21 mai, lequel certificat produit au Directoire du district de Boiscommun, a été adressé au département, qui le lui a renvoyé, le 19 juin et d’après la lettre de ce district du 5 septembre, lui a répondu le 11 que ce certificat lui ayant paru insuffisant, il lui a été renvoyé, et il a été prié de faire faire les poursuites prescrites par la loi et d’adresser provisoirement l’état des chevaux qui appartiennent au sieur Gilbert de Voisins. Considérant que la demande de passeport faite à la même section de l’Observatoire, le 18 mai 1792 et le passeport délivré par la municipalité de Paris, le 19 sous le n° 152, contient en marge, une note signée C. Hautier, Maire et Guyot Officier municipal, portant que le sieur Gilbert de Voisins était à Louvres le 10 juillet 1792, de laquelle il résulte en admettant la validité de cette note, une interruption de résidence de 50 jours. Considérant que le certificat obtenu à Valenciennes, le 10 février 1793, délivré le 28  et enregistré le 2 mars, ne constate qu’une résidence vague et insignifiante de six mois et plus, tandis qu’il dû reporter l’époque de la résidence du sieur Gilbert de Voisins au 9 mai 1792. Considérant que le sieur Gilbert de Voisins qui est suspect d’une émigration postérieure au 1er juillet 1789, qui dès le 11 juin 1792 a été compris sur une liste des biens des émigrés de ce département et qui dès le 8 juin a été employé notamment sur les états de la municipalité de Bellegarde, Beauchamp et le Coudroy lesquels états ont été visés et approuvés par le Directoire du district de Boiscommun et compris sur la seconde liste de ce département, du 31 juillet, se fut empressé s’il eut été résidant en France, de fournir les justifications successives, que lui prescrivaient de faire au Directoire du département de la situation de ses biens et non ailleurs, les lois des 8 avril, 13 septembre et 30 octobre 1792; justification d’autant plus indispensable que la loi du 20 décembre a déclaré nul et de nul effet, les certificats délivrés ou dont ou à justifier antérieurement. Considérant enfin que des textes formels des lois précitées, il résulte que le sieur Gilbert de Voisins est réputé émigré et qu’il doit être considéré et traité comme tel.

Est-ce volontairement ou par négligence que Pierre Gilbert de Voisins n’avait pas signalé d’une manière plus rigoureuse ses déplacements ? Pourquoi n’a-t-il pas fait d’opposition à la mise sous séquestre de ses biens, tant à Villennes qu'à Bellegarde ?

Il était dénoncé comme émigré ; le Directoire du département du Loiret a adressé ce procès-verbal au ministre de l’Intérieur, au ministre des Contributions publiques ainsi qu’aux 84 départements. Le 8 avril 1793, le Directoire du département de Seine et Oise l'a transmis au district de Saint Germain en Laye, avec une lettre qui donnait cette précision :

Le nommé Gilbert de Voisins est réputé émigré et a été condamné au bannissement pour fait d’émigration et que le dit Gilbert soit arrêté et remis aux tribunaux.

De 1793 à 1794 : la Convention montagnarde

Depuis février 1793, les Girondins avaient été écartés et les Montagnards assuraient les pouvoirs exécutif et législatif ; ils ont organisé la défense sur les frontières et imposé le régime de la Terreur à l’intérieur, où de nombreux départements étaient en rébellion. Ce fut la création des Comités de salut public et de sûreté générale.

Arrestation et libération de Pierre Gilbert de Voisins

C’est en cette période, la plus terrible de la Révolution, que Pierre Gilbert de Voisins a été arrêté ; il a adressé au ministre de l’Intérieur une réclamation pour obtenir sa libération, afin de pouvoir effectuer les démarches nécessaires pour prouver sa présence d’une manière continue sur le territoire français. Il a obtenu satisfaction le 8 août : le Comité de Sûreté Générale et de Surveillance l'a libéré mais sous la surveillance d’un "préposé de police".

Vente des productions et du mobilier du château de Villennes

Dans le même temps, il a tenté à nouveau de suspendre la vente de ses biens, fixée au 15 septembre après sa suspension depuis février. Les principaux revenus du séquestre (récoltes, foins, grains, et fruits) avaient déjà été vendus le 30 juin ; la vente du produit de la récolte des vignes a eu lieu le 10 septembre.

La vente du mobilier du château a été, à nouveau, décidée, le 21 septembre, par le Directoire du département de Seine et Oise. Son arrêté a retracé les événements qui avaient eu lieu depuis le retour de Pierre Gilbert de Voisins en France ainsi que les différentes interventions effectuées pour arrêter la vente de ses biens, qu'il a néanmoins confirmées  :

Dans cet état de chose on ne voit pas qu’il y ait lieu à suspendre la vente annoncée pour demain et à retarder les opérations du Directoire du district de Saint Germain en Laye à cet égard, sauf au dit Gilbert de Voisins à justifier de ses droits par ses certificats de résidence en bonne et due forme.

On propose en conséquence le projet d’arrêté suivant :

Oui le Procureur Général syndic, l’administration considérant que le nommé Gilbert de Voisins n’a justifié à l’administration d’aucuns certificats de sa résidence qui pourraient seuls arrêter les opérations de la vente du mobilier étant dans sa maison de Villaines, conformément aux lois que les réclamations et démarches n’ayant été faites que dans les circonstances où l’on se proposait des opérations sur ses biens, il y a lieu de penser qu’il n’a voulu que les entraver, qu’il ait toujours éludé la preuve de la non-émigration et que la distance des temps imprime le doute sur les pièces prétendues justificatives produites au Comité de la Convention que si de semblables réclamations aussi longuement attendues, aussi tardives, aussi peu fondées, étaient accueillies elles entraveraient sans cesse les travaux des administrations, les empêcheraient et compromettraient tous les intérêts, que d’ailleurs le dit Gilbert de Voisins n’ayant point satisfait, pour la réclamation, dans le délai prescrit par la loi le 28 mars dernier ne peut être recevable dans aucune demande.

Arrête qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la réclamation du citoyen Cholais et qu’il sera procédé à la dite vente conformément aux affiches par lesquelles elle est annoncée se réservant l’administration de prononcer son opinion sur l’état du dit Gilbert après qu’elle se sera procuré la communication des pièces déposées au Comité de la Convention.

Nouvelle arrestation et exécution de Pierre Gilbert de Voisins


N’ayant pu fournir les preuves nécessaires de sa présence d’une manière continue sur le territoire français, Pierre Gilbert de Voisins a été de nouveau arrêté, le 17 octobre, et conduit à la Conciergerie à Paris.

La Terreur règnait : son procès a été expédié ;  il a été décapité le 15 novembre 1793.

Illustration d'une guillotine de l'époque révolutionnaire.

Mise en location du château

La vente des meubles du château a duré environ un mois. Certaines terres ont, également, été vendues ; les autres ont été mises en affermage, soulevant de nombreux litiges : leur gestion a été très difficile comme en témoignent de nombreuses correspondances entre les loueurs et le commissaire chargé de la gestion du patrimoine.

Le château a été mis en location en mars 1796, après avoir été victime de vandalisme, la municipalité de Villennes ne semblant pas avoir fait grand chose pour l'éviter.

Quant au personnel du château, son sort avait été réglé depuis le début de l’année 1793 :

Maintien des sœurs de Nevers à Villennes

Les deux sœurs de Nevers étaient toujours présentes à Villennes, leur moyen de subsistance étant une rente versée par testament de la mère de Pierre Gilbert de Voisins ; elles ont même été protégées par un arrêté du Directoire du district de Saint Germain en Laye :

Bien que rétribué maintenant par la Nation sur le pied déterminé par la sus dite loi du 8 août 1792, elles demeurent libres aujourd’hui de fixer leur résidence partout ailleurs qu’à Villaines, mais attachées à leurs anciens devoirs, elles préfèrent rester dans leur commune pour y continuer de consacrer leurs talents et leurs soins au service des malades et à l’éducation des enfants, qu’en conséquence de leur utilité et de cette conduite désintéressée, louable et très méritoire, il y aurait de la justice à gratifier ces deux ci-devant sœurs de charité des mêmes attributions en vin et en bois, pendant tout le temps que la terre de Villaines demeurera sous la main de la nation.

Descente et fonte des cloches

Gravure montrant la descente d'une cloche d'église.

La Révolution s'est montrée bien ingrate avec les cloches : alors que ce sont elles qui avaient ameuté les populations notamment à Paris, dans la nuit du 14 au 15 juillet 1789 : victimes du sentiment antireligieux, elles ont été transformées en monnaie et en canons pour l’armée. Le bronze n’était pas le seul métal récupéré ; le fer, le cuivre, le plomb l'étaient également.

Le 8 messidor de l’an II (26 juin 1793), Laurent Ménard, maire de Villennes, a adressé au district de Saint Germain en Laye un mémoire pour les travaux suivants : “Pour avoir ôté la croix sur le clocher et avoir reposé le coq et avoir descellé les grilles du chœur et autre fermeture.”

La Convention ayant décrété que chaque paroisse ne pourrait conserver qu’une seule cloche, il a été donné ordre à toutes les communes du département de faire descendre leurs cloches.

Quatre communes seulement l'ont refusé, mais elles ont vite été contraintes de l’exécuter.

Le 25 septembre, le conseil municipal de Villennes a pris cette décision :

Oui le requérant le procureur de la commune de Villennes ayant fait assembler la commune générale du dit Villennes en la maison commune lieu de ses séances ordinaires où étant, avons délibéré d’une commune et unanime voix que les deux cloches seront descendues du clocher et transportées au district de Saint Germain en Laye et que la descente, le transport des dites deux cloches ont été criées au rabais et adjugés aux citoyens Jean Charles Blouin, Pierre Lebrun et Jean Philippe Martin, tous vignerons, demeurant à Villennes lesquels se sont chargés de descendre les dites cloches et de les rendre au district de Saint Germain en Laye le 1er octobre prochain moyennant de la somme de soixante sept livres.

Après avoir été descendues à la date prévue et transportées à Saint Germain en Laye, les cloches de Villennes ont quitté cette ville, le 22 octobre, pour l’arsenal de Paris.

Les Volontaires de l’An II

Au début de l’année 1793 a commencé la guerre contre la première coalition (l'Angleterre, la Hollande, l'Espagne et le Portugal qui se sont jointes à la Prusse et à l'Autriche). Le 24 février a été décrétée la levée de 300 000 hommes, ces volontaires devant remplacer ceux qui, après la campagne, avaient regagné leur domicile en dépit des interdictions du gouvernement. Le recrutement pour l’armée du Nord a eu  lieu du 18 mars au 15 avril ; les nouveaux volontaires étaient de moins en moins nombreux et leur recrutement soulevait même des émeutes dans de nombreuses régions.

Villennes a envoyé un seul volontaire, Philippe Langlois, 30 ans, cultivateur : il est arrivé, le 18 mars, à Saint Germain en Laye, d'où il est parti, une semaine plus tard, pour la Belgique.

Ces levées étant insuffisantes, la Convention s’inspirant des listes des volontaires préalablement levés et de la population estimée des départements, a dressé la “contribution” en hommes de chaque département.

Réquisition de jeunes gens pour la guerre de Vendée.

Ces levées se faisant aussi mal que les précédentes, les autorités locales ont dû remplir les vides, si le nombre des véritables volontaires n’était pas suffisant. La loi ne précisait pas comment ; dans certains cas, les autorités procédaient à des désignations par un vote des hommes en âge de partir ou de toute la communauté, ou bien elles faisaient un tirage au sort, tout en acceptant le rachat de l’homme désigné s'il trouvait quelqu’un désireux de partir à sa place moyennant finances.

Suite au décret du 23 août 1793, ordonnant la levée de tous les hommes de 18 ans à 25 ans non mariés ou veufs sans enfant, la commune de Villennes a présenté une liste de 24 noms. Etaient-ils vraiment volontaires ? Ils étaient inscrits dans le “Registre devant servir à inscrire les noms et l’âge des jeunes citoyens de la première réquisition”, mais seulement 17 noms se trouvent dans les registres du 1er bataillon de Seine et Oise. Où étaient passés les manquants ?

Ces hommes ont été casernés un moment à Saint Germain en Laye puis à Versailles ; pendant ce temps, de nombreuses permissions ont été accordées pour qu'ils puissent aller travailler sur les terres de leur village, mais le jour du départ pour le nord de la France, en fin d’année 1793, le nombre d’absents était élevé. Tous les Villennois étaient, toutefois, présents.

Lors des campagnes de Belgique et du Rhin, les pertes ont été importantes comme en témoignent les nombreux actes de décès conservés aux archives départementales. Si le nombre des tués lors des combats a été élevé, celui des morts pour cause de maladie semble encore plus important ; parmi ceux-ci, se trouvent deux Villennois : Pierre Gaury, qui faisait partie des “volontaires” d’août 1793, est décédé, le 26 janvier 1794, à l’hôpital d’Arras et André Duteille, le 6 février 1795, à Landau. 

Départ du curé de Villennes

Au début de l’année 1794, le curé Denis Soudé, qui était toujours en place, a démissionné de sa fonction sacerdotale, prétextant de son grand âge. Nous pouvons supposer que c'était aussi par crainte de l’avenir ; en effet, dans le district de Saint Germain en Laye, 73 prêtres, qui avaient tous prêté le serment civique, ont abandonnét l’état ecclésiastique. Quant aux prêtres réfractaires qui  avaient été arrêtés, ils ont été déportés en Guyane ou sur la côte occidentale de l’Afrique.

Le 15 pluviôse de l’an II (3 février 1794), Denis Soudé a adressé au maire et aux officiers municipaux la lettre suivante :

Citoyens et Chers amis

Permettez de recevoir avec peine mes remerciements qui me coûtent beaucoup, j’espère que vous voudrez bien les recevoir, vu mes infirmités et mon grand âge depuis plus de 50 ans, je me suis toujours attaché à remplir les fonctions qui m’étaient imposées, j’espère de vous que vous me rendrez cette justice.

A compter de ce jour il m’est impossible de continuer, et je vous engage de nommer un membre d’entre vous pour recevoir, les clés de l’église, le calice, le custode et autres effets que je pourrais avoir.

Je suis fâché que ma santé ne puisse répondre à vos vœux et vous prie de recevoir mes attentions pour vous et pour toute votre commune.

Salut et fraternité

Le curé de Villaines

Tenu de remettre ses lettres de prêtrise afin de ne pas exercer son sacerdoce dans une autre paroisse, le curé Soudé, ayant perdu ses papiers dans un cambriolage, a fait une déclaration sur l’honneur au maire, enregistrée au district de Saint Germain en Laye : “Déclaration faite par le citoyen Denis Soudé, prêtre, ci-devant curé de la paroisse de Villennes par laquelle il renonce et abdique l’état et les fonctions sacerdotales”.

Nomination de nouveaux maires : continuité à Villennes

Le 14 frimaire de l’an II (4 décembre 1793), le procureur de la commune, Mathieu Duteil, est devenu “agent national”, avec un rôle accru : il exerçait son contrôle aussi bien sur les autorités constituées que sur les particuliers ; son domaine d’intervention était extrêmement vaste puisqu’il avait pour tâche la surveillance de l’application des lois et des décisions de la Convention et de ses comités. Cette fonction a été supprimée le 28 germinal de l’an III (17 avril 1795).

Les maires étant élus pour deux ans, des élections municipales devaient avoir lieu en décembre 1794 mais, le 5 pluviôse de l’an II (24 Janvier 1794), la Convention a décidé que les maires en fonction cesseront d’exercer leurs fonctions en l’an VII. Ceux qui ont alors été nommés ou maintenus ont été renouvelés ainsi de cinq ans en cinq ans. La nomination des maires était dorénavant faite par l’administration. Pour Villennes, le 23 mars 1794, le maire en place, Laurent Ménard, a été maintenu dans sa fonction ainsi que Pierre Beaugrand comme officier municipal ; Jean Redeaux, qui était notable, a remplacé Jean Baptiste Martin comme officier municipal et au poste vacant de notable a été nommé le sieur Rivière ; les autres membres du conseil général de la commune ont été maintenus dans leurs fonctions.

Réquisitions agricoles et viticoles

Le pressoir de Villennes, faisant partie du séquestre de Pierre Gilbert de Voisins, a été attribué par adjudication au sieur Blouin. Ce pressoir, qui servait à faire du vin et du cidre, étant en mauvais état, l’adjudicataire s’est adressé à la municipalité ; les réparations, acceptées en août 1793, n'ont pas été suffisantes : la vis s'étant cassée, l’adjudicataire a déclaré une perte de près de deux  pièces de vin pour une somme de 50 F, qui lui a été déduite des 405 F de l’adjudication.

A Villennes, comme dans le restant du pays, s'est développé un certain laisser-aller, dont la cause était le mécontentement de la paysannerie d’être payée en assignats, chaque jour  plus dépréciés ; de plus,  des troubles se déroulaient dans les villes où les marchés et foires étaient désertés. Plutôt que de vendre les excédents de leurs productions, les agriculteurs les réduisaient à leurs besoins personnels. Alors que la dernière récolte avait été médiocre, par manque de pluie, l'année 1794 ne s’est pas annoncée meilleure : de violents orages ont compromis une récolte prometteuse et des réquisitions, venant s’y ajouter, ont provoqué de l’irritation.

Le 11 juin 1794, le conseil municipal s'est réuni en présence du citoyen Pierre François de la Montagne de Bon Air, commissaire nommé par la société populaire et "autorisé par l’administration à l’effet de se transporter dans les différentes communes du canton de Poissy pour y faire l’examen des prairies sur lesquelles il est le plus avantageux de faire porter la réquisition pour recevoir les chevaux de la République envoyés en rétablissement" (c'étaient les chevaux des corps de cavalerie qui avaient participé avec l’Armée du nord aux campagnes en Belgique). Le plus étonnant est que ce commissaire venait également “constater dans les lieux où il passera s’il existe encore des signes de la superstition ou de la féodalité et d’en tenir note exacte.” Le maire et les officiers accompagnés du commissaire se rendant sur les endroits de prairie qui leur semblaient les plus propices pour la nourriture des chevaux, ont visité l’île, les prés de la Nourrée ainsi que le pré Blondeau. Ces terres, qui avaient appartenu à Pierre Gilbert de Voisins, ont été retenues pour la réquisition.

Le commissaire, toujours accompagné du conseil municipal, a poursuivi sa visite et sa recherche des “signes de la superstition ou de la féodalité” ; il a trouvé “une croix de pierre dans le cimetière et une autre de fer, sur le clocher un coq dont le conseil général de la commune a promis de les faire abattre dans les 24 heures.”

Deux autres réquisitions ont eu lieu en septembre 1794 : Villennes était tenue de fournir 40 quintaux d’avoine pour l’approvisionnement de Paris et devait fournir 100 quintaux de foin pour Maisons (ville nommée plus tard Maisons-Laffitte).

Au milieu de l’année 1794, une réquisition d’un autre genre a été demandée par le directeur de l’hospice militaire de Poissy aux administrateurs du district de la Montagne de Bon Air :

N’ayant plus de vin que jusqu’à demain pour la boisson des malades et craignant malgré les demandes que j’ai faites de n’en pas recevoir pour le moment où j’en aurais besoin. Le conseil général de la commune de Poissy m’a renvoyé par-devant vous, citoyen pour cette demande je vous prie de donner une autorisation pour que le vin qui se trouverait, tant dans la maison Degourgue que dans celle du ci-devant marquis d’Acqueville me soit délivré pour le service des braves défenseurs de la République admis au dit hospice.

La réponse du conseil général du district révolutionnaire de la Montagne de Bon Air a été la suivante :

La demande du citoyen Neret, directeur de l’hospice militaire de Poissy étant et de l’autre part considérant que s'il est du devoir de l’administration de procurer aux défenseurs de la patrie tous les soulagements qui leur sont nécessaires, d’un autre coté elle doit ne point compromettre les intérêts de la République en disposant d’objets qui pourraient par leurs qualités être réservés et remplacés par d’autres qui feront le même usage. Oui l’agent national arrête que le citoyen Prévot administrateur se transportera dans le jour de demain en la commune de Poissy et par suite dans la commune de Villennes accompagné du citoyen Sanson, tonnelier en cette commune à l’effet de constater les quantités et qualités des vins existants chez les sieurs Degourgue en la commune de Poissy, condamné à mort et Le Boullanger d’Acqueville en la commune de Villennes, émigré, reconnaître si les qualités dont ils sont, les rendre susceptibles d’être employés à la consommation des hospices et s'ils sont reconnus tels.

Le lendemain, le citoyen Pierre Mathieu Prévot, administrateur, accompagné du citoyen Denis Philippe Sanson, tonnelier expert de l’administration, et Laurent Neret, directeur de l’hospice militaire, se sont rendus au château d’Acqueville, où ils ont été reçus par le citoyen François Rollot, gardien des effets mobiliers séquestrés du marquis Le Boullanger, sans les officiers municipaux de Villennes convoqués qui ne se sont pas présentés. L’administrateur a fait cette déclaration :

J’ai administrativement fait procéder à la dégustation des vins qui se sont trouvés, lesquels ont été reconnus par le citoyen Sanson pour être de Bourgogne, du cru du Mâconnais, et ayant procédé au compte des vins qui se sont trouvés en bouteille, il s’en est trouvé 299 bouteilles lesquelles ont été estimées par le citoyen Sanson à trente sols la bouteille, compris le carafon, lesquels vins, moi administrateur, ai mis à l’instant a la disposition du dit citoyen Neret ainsi qu’il le reconnaît lequel a promis et est obligé d’en faire verser le prix en mains du receveur délégué national du bureau de Poissy. Et au moyen de la dite livraison, le citoyen François Rollot est et demeure déchargé de la représentation des dits vins.

Ainsi a disparu une partie de la cave du château d’Acqueville ; espérons que ce vin a servi au rétablissement des défenseurs de la République !

Vente du château d'Acqueville

En 1794, le château d’Acqueville n'était plus habité ; le 8 pluviôse An II (27 janvier 1794), le bail de location passé avec le sieur Patteau de Veimeranges a été déclaré nul par décision de justice. L'ordre d’inventorier le château a été donné peu après ; le 1er germinal An II, a été établi l’état des objets mis en réquisition de la “Maison de l’émigré Le Boullanger ainsi qu’il en résulte de l’inventaire du 28 ventose dernier (18 mars 1794)”.

Le 11 germinal An II (31 mars 1794), le conseil du district de Saint Germain en Laye a décidé la vente des “meubles et effets du sieur Le Boullanger d’Acqueville”, qui eut lieu deux semaines plus tard :

Vu le procès verbal d’apposition des scellés établi sur les dits meubles et effets de l’émigré Boulanger d’Hacqueville en date du 13 et 21 septembre 1792, vu le procès verbal d’inventaire des dits meubles fait le 28 ventôse (18 mars) par le citoyen Hébert administrateur nommé commissaire à cet effet.

Le conseil général considérant qu’il ne serait mettre trop d’empressement à l’exécution des lois relatives aux émigrés pour la vente de leurs biens.

Oui l’agent national provisoire :

Arrête que par Liédé officier instrumentaire en présence d’un administrateur et de deux officiers municipaux de la commune de Villaines, il sera le 27 germinal procédé à la vente au plus offrant et dernier enchérisseur du mobilier étant dans la maison du dit Boulanger, sise à Hacqueville, commune de Villaines, porté à l’inventaire fait le 28 ventôse dernier pour le prix en provenant à être versé au receveur du droit d’enregistrement au bureau de Poissy, conformément à la loi, en conséquence pour rendre la dite vente publique et notoire arrête : qu’affiches indicatives et publiées à son de caisse suivant l’usage.

Le château d’Acqueville a été vendu comme bien national, le 8 fructidor An IV (25 août 1796), au sieur Doyen qui ne l'a pas conservé très longtemps.

De 1794 à 1795 : la Convention thermidorienne

Réouverture des églises

Lors de la discussion du budget de l’Eglise assermentée, la Convention, qui souhaitait mettre fin à la crise religieuse, a supprimé les crédits par raison d’économie. La constitution civile du clergé s'est trouvée ainsi implicitement rapportée. Le coup a été très dur pour les prêtres constitutionnels, l'attribution de leur salaire étant la contrepartie de la nationalisation des biens du clergé. L’Eglise avait ainsi tout perdu !

Le 21 février 1795, Boissy d’Anglas a défini la position des Thermidoriens dans sa présentation du projet de décret tendant à l’établissement de la liberté des cultes, en admettant : “Mieux vaut surveiller ce qu’on ne peut empêcher, régulariser ce qu’on ne peut défendre”.

Les églises demeuraient réservées au culte décadaire ; les catholiques devaient se procurer, à leurs frais, les édifices du culte : ainsi à Orgeval, la municipalité n'a pas voulu rendre l’église au culte, prétextant que c’était le seul bâtiment dans lequel elle pouvait se réunir ; à Villennes, ce n'était pas le cas, l’église étant inoccupée et fermée depuis de nombreux mois.

La liberté était toute relative : les processions, les sonneries de cloches, l’habit ecclésiastique, les associations étaient interdits. Le décret du 30 mai 1795 a accordé, provisoirement, aux citoyens des communes le libre usage des édifices non aliénés mais la concession s’est accompagnée de l’obligation d’un serment de soumission aux lois de la République.

A Villennes, l’église étant sans prêtre depuis le départ du curé Soudé, un prêtre, Jean Louis Le Brun, a proposé à la municipalité, le 23 août 1795, d’occuper la fonction de curé :

Aujourd’hui le six fructidor de l’An III de la République Française est comparu le citoyen Jean Louis Le Brun ancien desservant de Vieille Eglise, lequel a déclaré qu’il se propose d’exercé le ministère d’un culte connu sous la dénomination de culte catholique et apostolique et romain dans le lieu dit de cette commune et a requis qu’il lui soit décerné acte de la soumission conformément à la loi du 11 prairial de l’an III.

Accord lui a été donné par le maire, Laurent Ménard, et par Mathieu Duteil, agent national.

De 1795 à 1799 : le Directoire

La Constitution de l'An III

Après les excès de la dictature de Robespierre qui a cessé le 20 juillet 1794, une réaction politique et économique s'est développée mais elle n'a pas signifié un retour à l’Ancien Régime.

Pour terminer la Révolution, la convention thermidorienne a dû trouver une voie moyenne, face au péril de droite et à celui de gauche. C'était la rédaction d’une nouvelle constitution, qui a été soumise au référendum le 23 septembre 1795 : elle a été adoptée par 1 057 380 voix contre 49 957 mais l’abstention a été énorme avec plus de 4 millions sur 6 millions d’électeurs, montrant le malaise politique à cette époque dans le pays.

Proclamé par la Constitution de l’An I, le suffrage universel a cédé la place au système censitaire.

La définition du citoyen devint la suivante :

Tout homme né et résidant en France, qui âgé de 21 ans accomplis, s’est fait inscrire sur le registre civique de son canton, qui a demeuré depuis une année sur le territoire de la République et qui paie une contribution directe, foncière ou personnelle est citoyen français.

Habit d'un administrateur de département sous le Directoire.

Dans les villes et les villages de moins cinq mille habitants, la municipalité se composait d’un maire appelé dorénavant agent municipal et d’un adjoint. Ce conseil était élu pour deux ans, l’impossibilité de se présenter deux fois de suite étant maintenue. La fonction d’agent national a été supprimée le 17 avril 1795.

Cette nouvelle constitution a maintenu les départements, en dotant chacun d'une administration centrale de cinq membres, renouvelés par cinquième tous les ans (voir ci-contre l'habit de ces administrateurs).

Chaque canton reçut une municipalité formée des maires de chaque commune.

Les districts ont été supprimés : il s'agissait d'une administration intermédiaire, dont l'inutilité, dans sa première organisation, avait été signalée dès le début et dénoncée ensuite. Toutefois, la raison de leur suppression se trouve plutôt dans le souvenir de leur rôle actif, dans leur seconde organisation, quand le décret du 14 frimaire en fit un des rouages du gouvernement et leur donna une partie des attributions du département ; c’était surtout le rôle d’agent de la Terreur qui était invoqué contre les districts.

La constitution prévoyait deux chambres, le Conseil des Cinq Cents et le Conseil des Anciens (250 membres). Le premier a établi, au scrutin secret, une liste des directeurs à nommer, à partir de laquelle le Conseil des Anciens en a choisi cinq, qui ont formé le Directoire.

Les Cinq-Cents, les Anciens et les agents municipaux

Des élections législatives ont eu lieu du 12 octobre au 20 octobre 1795, pour constituer l’assemblée dite Conseil des Cinq-Cents ; aussitôt en place, celle-ci a présenté une liste de 50 directeurs. Le Conseil des Anciens a choisi cinq directeurs : Barras, Reubell, La Révellière-Lépeaux, Letouneur et Sieyès ; ce dernier, ayant refusé sa nomination,  a été remplacé par Lazare Carnot.

La mise en place des administrations locales s'est faite de novembre à décembre. A Villennes, aucune trace des élections municipales ne figure sur le registre des délibérations du conseil municipal ; le nom du nouveau maire n'est connu que par une note datée du 22 frimaire An IV (13 décembre 1795), précisant que "ce registre a été utilisé par la municipalité pour les années 1792 à 1795 et qu’il sera dorénavant utilisé pour enregistrer la publication des lois". Cette note a été signée : Rivièrre, agent municipal (titre remplaçant celui de maire) et Martin, adjoint.

Le nom de François Rivièrre, le nouveau maire de Villennes, figure également sur le registre des délibérations du conseil du canton de Poissy, composé des agents municipaux et des adjoints des communes qui lui ont été rattachées. Cette administration a remplacé le district ; proche des communes, elle était au fait de leurs problèmes. Lors de ses premières séances, elle n'a pas tardé pour reprocher à la municipalité de Villennes l’état d’abandon et de délabrement dans lequel se trouvait le château des Gilbert de Voisins qui était toujours inscrit à l’inventaire des biens nationaux :

Considérant qui si dans le domaine de Villennes il existe des dégradations elles ont eu lieu auparavant l’entrée en fonction de l’assemblée municipale, mais qu’il est de son devoir d’en prévenir de nouvelles et de prendre pour cela les mesures nécessaires. Considérant que malgré toutes les précautions qu’elle pourrait prendre pour la conservation de ce précieux domaine elle pourrait se flatter d’y parvenir si les issues du parc, où existaient des grilles, continuent de rester ouvertes comme elles le sont depuis que les grilles ont été ôtées. Devis devra être dressé par l’architecte de Poissy en présence de la municipalité de Villennes.

Nous ignorons si c’était cette remarque qui a fait que les signatures de l’agent municipal de Villennes et de l’adjoint n'ont plus figuré à la fin des procès verbaux de séance pendant un certain temps.

Réélection du maire, annulation de l'élection
et nomination d'un nouveau maire

Cela n’a pas empêché François Rivièrre d’être réélu agent municipal en février 1797 avec Philippe Martin comme adjoint. Après ces élections municipales, le 21 mars, les assemblées primaires des chefs-lieux de canton ont désigné les électeurs du second degré. Le 9 avril, il a été procédé à la désignation des membres des deux conseils renouvelables. Sur 216 sortants, 11 seulement ont été réélus ; de nombreux monarchistes ont été élus, notamment à Paris : de Fleurien, ancien ministre de Louis XVI et gouverneur du dauphin, Du Fresne, directeur du trésor royal sous Necker, le général Pichegru. Le conseil n’étant renouvelé que partiellement, les Conventionnels sont encore restés puissants.

Cette montée du royalisme a abouti au coup d’Etat du 18 fructidor (14 septembre 1797). La loi du 19 fructidor a annulé les élections de 49 départements, éliminant 205 députés dont 65 ont été déportés. Les élections aux administrations locales ont également été annulées dans 53 départements, le Directoire se réservant le droit de nommer des remplaçants aux postes vacants. Par l’application de cette loi, les élections de Villennes ont été annulées, le 24 septembre 1797 : François Rivièrre et Philippe Martin ont été suspendus.

Le 15 février 1798, Henry Lelarge, cultivateur à Marolles a été nommé agent municipal et Mathieu Duteil, dit le pape, cultivateur, a été nommé adjoint ; trois jours plus tard, celui-ci a démissionné. Son remplaçant, Jean Rivièrre a  refusé la fonction, finalement acceptée par Laurent Ménard.

L’année suivante, Jean Laurent Ménard est devenu l'agent municipal et Redeaux son adjoint, mais celui-ci dut démissionner : ayant deux beaux-frères élus l’un à Orgeval et l’autre à Médan, il ne pouvait pas siéger au conseil du canton, la loi électorale interdisant deux membres de la même famille dans ce conseil. Nicolas Giraud a alors été nommé adjoint à sa place.

En avril 1799, les agents municipaux en place ont été maintenus pour deux ans et les adjoints pour un an. Le registre de nomination des conseils municipaux de l’An VIII donne la liste détaillée de ce conseil :

Agent municipal Jean Laurent Ménard cultivateur
Adjoint Nicolas Giraud cultivateur
Conseiller Pierre Chevallier cultivateur
Conseiller Pierre Claude Blot cultivateur
Conseiller Pierre Fournier cultivateur
Conseiller Jean Baptiste Souhard meunier
Conseiller Michel Contée cultivateur
Conseiller Mathieu  Duteil cultivateur
Conseiller Nicolas Voyer maître tuilier
Conseiller Alexis Blot cultivateur

L'adjoint, Nicolas Giraud, a démissionné. Etant déjà élu assesseur, il ne pouvait pas cumuler deux fonctions ; il a été remplacé par Jean Baptiste Le Sueur.

Il est à noter que, durant la période de 1789 à 1799, deux hommes seulement, hormis Henry Lelarge, ont rempli la fonction de maire, en alternance : Laurent Ménard et François Rivièrre.

La fin d'une époque (révolutionnaire)

Le Directoire s’est usé à force de coups d’Etat et de manœuvres électorales ; il était devenu si impopulaire et si discrédité qu’il ne pouvait pas redresser la situation, après les élections de 1798. S’étant incliné devant la nouvelle tendance jacobine, cette faiblesse l'a condamné : l’heure était enfin venue de mettre fin à la Révolution.

Le pays était las et désirait la fin des luttes civiles et celle de la guerre extérieure.

Au cours de ces dix dernières années, les Villennois avaient vu la disparition du seigneur du village et la mise en place d’une nouvelle organisation, la municipalité. La plupart des hommes qui ont eu la responsabilité de la diriger étaient des cultivateurs et des vignerons. Ils ont géré ces temps troublés avec beaucoup de modération.

Les agriculteurs eurent à subir les réquisitions mais c'était le lot de toutes les campagnes. La vie à Villennes a donc été celle de la France rurale de l’époque.

Les nobles avaient, facilement, séjourné  à Villennes ; l’église a été épargnée du culte civique. Il y a eu la vente des biens nationaux, des terres appartenant aux Gilbert de Voisins ainsi que du mobilier du château, dont certains habitants de la commune se sont portés acquéreurs. Alors que le château de Villennes était resté dans les biens nationaux, le château d’Acqueville et les terres qui en dépendaient ont été vendues.

La disparition de la monarchie absolue s’est accompagnée de profonds changements sur le plan social. L'effacement de la  société d’ordre a entraîné celles de la noblesse et, dans une certaine mesure, du clergé. Si la barrière séparant la noblesse et le tiers état disparaissait, l’argent allait  dresser une autre barrière, peut être plus difficile à franchir !