L’hôtel-restaurant Le Sophora, construit vers 1885
La mémoire de Villennes·Lundi 3 juin 2019·Temps de lecture estimé : 7 minutesPublic
Nous pourrons, à nouveau, prendre nos repas dans la brasserie qui se situe à l’emplacement de l’ancien restaurant Le Sophora, alors que plusieurs chambres de l’ancien hôtel sont parties en fumée, le dimanche 2 juin 2019. Nous ne relaterons pas l’incendie qui a mobilisé de très nombreux pompiers (lire, par exemple, l’article du site Internet 78actu). 
Cette dégradation de l’un des éléments du patrimoine villennois nous conduit à vous proposer, à nouveau, un article que nous avons déjà publié : il présente l'histoire de cet ancien hôtel-restaurant qui, contrairement à la plupart des autres, a subsisté et, poursuivant son activité de restauration, accueille, parmi ses clients, de fidèles Villennois.

Le sophora

Le sophora de Villennes (1803-1999) avait été apporté du Japon par le capitaine de Givry et planté par un jeune jardinier de 16 ans sur un terrain proche de l'église.
Celui-ci faisait partie de l'ancien potager du château avant la création de la rue tracée en face de la ravine, pour desservir le port sur la Seine.

Un entrepreneur de maçonnerie a acquis le terrain

Quatre vingt ans plus tard, l'arbre avait pris des dimensions très importantes : son ombrage couvrait déjà une large partie du terrain triangulaire.
Après le décès de son premier époux, le comte de Labenne, Marie Henriette Paradis dut se défaire de certains de ses biens avant de vendre le château et son parc ; elle céda ce terrain, vers 1884, à Ambroise Emile Martin, entrepreneur de maçonnerie. Celui-ci y construisit bientôt une maison, en face de la station du chemin de fer, qui longeait la Seine depuis 1843. Elle était en bordure du chemin des graviers, qui est devenu la rue de la gare puis la rue de Seine lorsque la nouvelle gare a été construite, et plus tard la rue Maurice Dreux. Emile Martin a, ensuite, bâti de l'autre côté de cette rue vers 1897, pour ses filles Caroline et Maria, la double "villa" qui, de nos jours, a gardé le nom de l'époux de l'une d'elles, Albert Manganne.

L'entrepreneur devint restaurateur

Emile Martin transforma la première maison en hôtel-restaurant et la compléta par une salle de bal. Il construisit, vers 1894, une annexe, dans la rue du Pont, en bord de Seine, à la place de l'ancienne maison du meunier. Disposant de chambres meublées, elle était utilisée comme garage de bateaux.
Le sophora devint l'une des attractions du village. Un jour, 196 personnes sont montées dans ses branches.
Une cérémonie célébra le centenaire de sa plantation, le 21 septembre 1903 ; en présence du député, Maurice Berteaux, Albert Manganne, y a lu un poème en 80 alexandrins, que cet instituteur avait composé en cette occasion.
Le propriétaire de l'hôtel-restaurant en confia ensuite l'exploitation à Edouard Cosneau, qui possédait plusieurs terrains à Villennes. L'établissement proposait alors divers services :
Jardin Bosquets et kiosques
Jeux et balançoires
Salons & cabinets de société
Hôtel Chambres meublées
Ecuries & remises
Bateaux et pontons d'abordage sur la Seine
Après le décès d'Emile Martin, en 1911, son fils Emile Constant, marbrier près de Rouen, vendit l'établissement et son annexe à son beau-frère, Martin Ernest Eugène Churlet.

La maison Dellerie

François Dellerie, coiffeur à Poissy, n'abandonna pas les ciseaux pour les fourneaux. Il gérait l'hôtel-restaurant avant d'en devenir le propriétaire en 1926.
Un portail, construit à l'angle du terrain, du côté de l'église, compléta la porte centrale qui donnait accès à la terrasse depuis la place de l'église, où des Villennois jouaient parfois au jeu de balle au tamis.
90 couverts pouvaient être servis au restaurant ; les clients avaient la possibilité de jouer au billard et de garer leur bicyclette. Des thés ont été proposés, vers 1930.Jean Dellerie, semble-t-il le fils du propriétaire, le remplaça pendant la guerre de 1914-1918. L'établissement fut exploité pendant quelques années par Madame Lachaux : c'est elle qui demanda, en 1931, le classement du sophora, décidé l'année suivante par le Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-arts. A partir de 1934, l'hôtel et son annexe appartinrent à Marcel Eugène Aubert, vraisemblablement le gendre de François Dellerie.

Canotage et bals

Le restaurant du Sophora disposait, sur la Seine, d'un ponton appelé "abordage". On pouvait y prendre place, pour une partie de pêche ou de canotage, sur l'une des barques, qui y étaient louées. L'abordage était accessible, sauf pendant les crues de la Seine, par le passage sous la voie de chemin de fer. Le port communal fut, ultérieurement, aménagé à son emplacement.
La salle, baptisée "Salon pour noces et festins", se situait le long de la rue du port. De 1912 à 1928, la fanfare de Villennes y organisait chaque année, fin novembre, son bal de la Sainte Cécile ; le banquet qui le précédait y avait lieu également, les premières années.
Dans cette salle, un cinéma villennois, Le Studio Familial, a proposé pendant quelques années, à partir de 1947, une séance chaque samedi et chaque dimanche soir.

La Place du Sophora et le bar-brasserie

La salle de bal délabrée n'était plus utilisée et l'ancienne terrasse entourant le sophora n'accueillait plus les clients du restaurant-bar, lorsque la commune acquit le terrain pour créer, en 1999, une place publique. Le sophora était alors toujours présent et mais il ne couvrait plus la place de son ombrage.
Très malade, il perdit complètement son feuillage et, à l'âge d'environ 196 ans, fragilisé après un incendie lors d’un feu d’artifice du 14 juillet, il ne résista malheureusement pas à la tempête de la fin décembre 1999. Plusieurs jeunes sophoras furent plantés autour de la nouvelle place.
De nos jours, il est toujours possible de prendre ses repas dans la salle de l'ancien restaurant mais on ne peut plus passer la nuit, près du chemin de fer. Le loto a remplacé le billard et les balançoires.