A l’île des naturistes ou
Physio-folies !
Avant d’explorer d’autres lieux de notre territoire, grâce à des anecdotes, maintenant historiques, relatées dans la presse des siècles derniers, revenons à Villennes. Voici le dernier des trois articles que j’ai, récemment, trouvés, complétant notre collection sur Physiopolis. Celui-ci, publié le 24 août 1930 dans le quotidien Paris-soir, est beaucoup moins enthousiaste que les deux autres, qui ont déjà été transcrits dans cette page FB ; ses critiques sont, toutefois, très amusantes.
Michel Kohn
Serait-ce le voisinage de Médan, berceau du naturalisme qui incita les docteurs A. et G. Durville à choisir Villennes pour y bâtir Physiopolis ? Je ne sais, mais l'île des hommes nus tend à faire de Villennes un centre comparable au Mont-Saint-Michel, à Lourdes, ou à tout autre lieu de pèlerinage !
Ce restaurant des bords ie la Seine indique sur ses prospectus : « Vue unique face à l'île des naturistes » et vous trouverez au « tabac » du pays, des cartes postales de l'île mystérieuse ! Le paradis terrestre était gardé par un archange à l'épée flamboyante ; l'ange gardien de Physiopolis est armé d'un carnet de tickets, et se charge de passer les visiteurs sur la nouvelle terre.
Pèlerins à la recherche d'une Jérusalem nouvelle, nous découvrons la cité du fibrociment. Alignées selon les règles de la géométrie rigoureuse observée au Père-Lachaise ou à Bagneux, les demeures des Physiopolitiens s'écrasent parmi les orties et les papiers gras. Le poil agressif sur une poitrine étroite, un naturiste m'aborde :
- Voyez, rendez-vous compte, on a dit beaucoup de choses sur nous ; et bien ! tenez : sa main tendue nous désigne une dame aux charmes débordants qui folâtre dans les gravats avec des grâces de jeune éléphant. « C'est ma femme... dix kilos en quatre mois. Oui, madame ! Dix kilos de graisse remplacés par des muscles ! »
Les concessions à perpétuité - habitations à bon marché du naturisme - nous révèlent le secret de leurs installations. Des lits de sangle monastiques, des fourneaux à pétrole, quelques fleurs... en papier découpé style loge de ma concierge !
Décidément, les naturistes n'ont rien inventé, pas même la publicité. Voici une
« concession » qui s'adorne de deux banderoles tricolores : « Ayez le sourire ». Chiropractie. Sur la porte, un nom : Gaston Gross, chiropracticien américain, Paris.
Les habitations sont numérotées, le 104 est entouré de massifs de buis et d'ifs soigneusement taillés. Nous cherchons vainement la plaque « Regrets éternels ». Plus prosaïques, les voisins ont installé un garde-manger sur leur seuil.
Et les naturistes ?
Les naturistes, ils déambulent à la recherche de leurs vêtements perdus ! Celui-ci porte une ptose abdominale presque inconvenante, et joue au ballon avec une dame d'âge canonique. Cet autre s'essaye à des grâces de choryphée. Faune famélique, il bondit sur l'herbe fanée, contemplé par des nymphes sanglées de soutien-gorge
noirs !
Un phonographe égrène Parade d'Amour !
Quittons Physiopolis qu'on ne pourra jamais appeler « l'île de Beauté », ses petits lotissements, ses papiers gras, ses orties, son chiropractor et traçons sur l'embarcadère de l'île des hommes qui ne sont pas tout à fait nus : « Vous qui venez ici, laissez toute espérance ». Et nous n'aurons pas démérité du tourisme !
Les trois articles, relatant des visites du domaine de Physiopolis, dans ses premières années, se trouvent, maintenant, avec de nombreux autres, sur le site Internet de la mémoire de Villennes ; cliquez ici.