Oscar Egg (1890-1961), multiple
champion cycliste international, devenu industriel et
villennois (2/2)
Même si vous n’avez pas eu le temps ou la patience de lire les mémoires d’Oscar Egg, ancien propriétaire d’une villa du Bois des Falaises à Villennes, vous pourrez être intéressés par cette deuxième partie. Elle présente un résumé de sa carrière, plusieurs articles de la presse de son époque sur lui, quelques autres photos ainsi qu’une description de ses innovations techniques et de ses productions industrielles dans le domaine des sports, tout particulièrement dans le cyclisme : articles de bonneterie (vêtements sportifs), bidon léger, pédale de piste, dérailleur, vélo-fusée, vélo à pédalage horizontal, vélos et motocyclettes.
Son palmarès sportif, en résumé et en images
- Record de l'heure battu trois fois, entre 1912 et 1914, en alternance avec Marcel Berthet ; le dernier (44,247 km) a tenu 19 ans.
- Deux étapes du Tour de France (1914), Paris-Tours (1914), Milan-Turin (1917), plusieurs records du monde, des six jours et d'innombrables courses sur piste et derrière moto.
- Pendant la première guerre mondiale, exilé en 1915 et 1916 aux USA, il réussit une brillante carrière dans les Six Jours.
Sa carrière
Voici son portrait qui fut publié par la revue La Pédale, le 6 mai 1924.
A tout seigneur, tout honneur. Nous entendons aujourd'hui inaugurer la série de nos
« Fines Pédales » par l'homme qui détient le plus beau, parce que le plus athlétique, des records cyclistes, le citoyen - de la libre Helvétie - Oscar Egg, recordman du monde de l'heure sans entraîneurs avec 44 km. 247.Oscar Egg est un homme heureux. Cela se voit sur sa figure. Et pourtant, il a une histoire, comme tous les grands champions du cycle qui ont traîné leur maillot de fil ou de soie un peu partout. L'histoire d'Oscar Egg, Messieurs les lecteurs, est trop longue pour que nous entreprenions de vous la conter entièrement ici ; tout au plus nous contenterons-nous de vous présenter le phénomène - on l'a considéré comme tel au moment où il s'adjugea le record fameux.
Mais, au fait, vous connaissez bien, physiquement, Oscar Egg, ou vous n'êtes pas digne, alors, d'être un lecteur de La Pédale. Il ne se peut pas que vous n'ayiez jamais vu en action cette puissante machine à abattre des kilomètres, composée d'une paire de bielles solides et tournant rond, d'un corps fin et cependant bien musclé et enfin d'une tête qui indique bien que l'homme aime aller vite, puisqu'elle s'orne d'un appendice nasal délicieusement épointé et de cheveux blonds impeccablement plaqués sur le crâne afin de diminuer, sans doute, la résistance à l'avancement.Tête sympathique incontestablement, puisque Egg est une des idoles de cette foule vibrante qui s'élance chaque dimanche à l'assaut des gradins vélodromesques et qu'il peut se vanter d'être un de ceux qui eurent le moins à souffrir de ses sautes d'humeur.Voilà, physiquement, comment se présente notre héros. Examinons-le maintenant intérieurement, si on peut dire.Tout d'abord, Egg est un garçon sérieux, sous tous les rapports. Cette qualité maîtresse lui a même valu d'être pris en enfilade par les mirettes de quelques uns de ses collègues. On n'admet pas beaucoup, dans le monde où l'on cycle, les gens réservés et l'on a un peu trop tendance à les soupçonner de dédain. Egg est un type froid : il ne s'emballe pas facilement, à moins que ce ne soit au sprint. Volontaire, il a fait son chemin, non seulement dans ce sport cycliste, mais également dans les affaires. Ces deux branches de son activité lui ont déjà rapporté quelques sous, ce dont il est tout heureux, car il en est « très près ». D'aucuns l'accusent d'avarice ; ils exagèrent. Il se défend, et même très bien. Oh, ce n'est certes pas lui qui gâchera le métier de coureur cycliste ; il préfère s'abstenir que de courir pour une somme qu'il estime inférieure à ce que vaut sa réputation - à moins, naturellement, qu'il ne s'agisse, de rendre service.
Pour terminer cette présentation morale, ajoutons que Egg est un garçon d'une tenue irréprochable, d'une éducation soignée ; sa conversation est agréable. Plutôt timide, il semble réfractaire aux nouvelles connaissances, puis, une fois la glace rompue, il devient le plus charmant des interlocuteurs. Que de souvenirs il peut alors évoquer ! Oscar Egg est né le 2 mars 1890 à Schaffouse, en Suisse. Le papa Egg était un sportif et, de temps à autre, il se risquait sur la petite piste de Hardan. Le gosse Oscar, qui pouvait alors avoir dans les quatre ans, l'encourageait en trépignant.
Plus grand, Oscar entra à l'Ecole technique de Zurich pour y terminer ses études. Travailleur consciencieux, il fit de rapides progrès. Quelle était sa distraction favorite ? Le vélo, pensez-vous. Que non : le football, la natation et la gymnastique !A 17 ans, Egg vint à Paris pour se perfectionner dans le métier de dessinateur industriel qu'il avait adopté. Seul, il s'y ennuya et acheta un vélo touriste avec lequel il entendait se rendre à son travail et employer ses loisirs à quelques excursions dans la région parisienne. Amateur de sports, il rendit quelques visites à la Municipale ; les exploits de nos amateurs ne lui dirent absolument rien. Des amis l'entraînèrent au matin de Paris-Roubaix 1909, et quelques kilomètres dans le sillage du peloton lui valurent le coup de foudre.
Peu après, ayant tout juste changé le guidon de sa machine de touriste, il débutait, dans le Premier Pas. Une chute l'empêcha de terminer. Sa seconde course, Asnières-Viarmes, fut une victoire. D'autres succès lui valurent d'être remarqué par Léopold Alibert, alors directeur du Service des Courses de Peugeot. En même temps qu'il était devenu « indépendant », Oscar continuait à dessiner chez Panhard et Levassor. On lui accorda, dans cette dernière firme, toutes facilités pour courir, et les exploits qu'il put accomplir lui valurent, fin 1911, un engagement comme « pro » pour la cage aux lionceaux.
Ce fut le départ d'une carrière excessivement bien remplie. Sur route, sur piste ; avec entraîneurs, sans entraîneurs, en demi-fond, en vitesse, Egg brilla partout.
Ses premières escarmouches avec Marcel Berthet pour le record de l'heure et aussi le titre de recordman du monde des 50 kilomètres sans entraîneurs qu'il avait ravi à Hoffbourg lui firent, en peu de temps, une renommée mondiale.
Egg fut demandé en Amérique ; par l'entremise de Victor Breyer, représentant en France de la National Cycling Association d'Amérique, un contrat lui fut offert par John Chapman pour les Six Jours de Madison auxquels il participa en 1912 avec Perchicot.
En 1914, Egg devint à la fois champion de Suisse sur route et sur piste, définitif recordman du monde de l'heure, vainqueur de deux étapes du Tour de France, vainqueur de Paris-Tours.
Après la déclaration de guerre, il retourna en Amérique afin d'y remplir un engagement signé depuis quelques mois ; il y rencontra en vitesse, en poursuite, en américaine, derrière tandems et derrière motos les meilleurs spécialistes du Nouveau Monde.
Puis ce fut, en 1917-18, une glorieuse campagne d'Italie, courant un dimanche sur route, l'autre dimanche sur piste, tantôt en vitesse, tantôt en demi-fond et rencontrant à chaque fois les Girardengo et autres Belloni avec lesquels il s'entrebattit, souvent heureusement. Sur route, il décrocha Milan-Côme-Turin, Milan-Turin, et Milan-Modène.
Il revint en France, reprenant la série de ses victoires sur piste acquises sur les Lapize, Berthet, Sérès, Parent, Henri Pélissier, enlevant le Grand Prix de Pâques vitesse, tout cela avant l'armistice. La paix le trouva plus brillant que jamais, au train comme en vitesse. Sur route, il se distingua encore dans le Circuit des Champs de Bataille, dont il enleva une étape. Mais où l'homme s'était surtout amélioré, c'était en endurance et il le fit bien voir dans les multiples courses de Six Jours auxquelles il prit part. Actuellement, il en est à sa 21e Six Days et il a totalisé huit victoires.
Entre temps, il s'essaya à nouveau sur la route. Ce fut à l'occasion de Paris-Roubaix 1922. Il fit quelques 100 kilomètres, puis il comprit...
Actuellement associé avec son vieux camarade lionceau Hector Tiberghien, il fait - et très bien - dans les articles de sports. La boutique de la rue de Chartres, à Neuilly, est prospère et la dot de Mlle Lucette Egg sera rondelette.
Oscar envisage à présent la succession de Léon Georget. En courant après le Bol d'Or, gagnera-t-il le coquetier ?
Maurice DROIT.
La victoire du 21ème Bol d'Or est, effectivement, revenue au champion suisse Oscar Egg, lequel prit la tête depuis la première minute et la conserva jusqu'à la dernière.
Ses innovations techniques
Le bidon léger et la pédale de piste
Dans son édition du 22/11/1923, la même revue nous informe sur ses voyages et nous fait connaître les premières innovations mises au point et commercialisées par Oscar Egg :
Aujourd'hui, Oscar Egg s'embarque pour l'Amérique ; il effectuera le voyage en compagnie de la toute jeune et jolie Mistinguett et nous devons à la vérité de dire que ce n'est pas la première fois que les deux étoiles du music-hall et de la piste traversent ensemble la « mare aux harengs ».
Peu de chance cependant pour qu'Oscar accorde aux flûtes spirituelles de la divette une attention exagérée, car il a déjà pas mal de... pain sur la planche. En effet, dès son retour de New-York, il participera aux Six-Jours de Milan, puis retournera à Madison Square pour les Six-Jours de Printemps et reviendra enfin en vitesse pour les Six-Jours du Nélaton-Palace.
Pour la première de ces épreuves, Egg espère faire équipe avec Brocco ou avec Debaets. Qui avait-dit, l'an dernier, qu'il s'était entendu pour toujours avec Van Kempen ? Il s'agissait sans doute d'une Entente Cordiale en miniature.
Puisque nous parlons de Egg, disons qu'il va mettre en vente, dès janvier prochain, deux nouveaux articles qui, espère-t-il, auront un gros succès. D'abord, un bidon en aluminium pour les routiers, objet qui permettra de gagner 90 grammes sur le système actuel des bidons en fer, et qui ne coûtera pas plus cher ; ensuite, une pédale de piste, dont le premier modèle, que nous ayons eu sous les yeux, est un véritable bijou.Le monsieur qui, ayant adopté la pédale Egg et les poignées Berthet, ne battra pas le record de l'heure, sera un fameux tocquard !
Le dérailleur
Le dérailleur était une invention des cyclotouristes, perfectionnée depuis 1895.
En 1937, l’usage du dérailleur a été autorisé pour le Tour de France, avec un seul modèle pour sauvegarder l’égalité des chances. Le modèle approuvé était le « Super Champion » d'Oscar Egg. C'était un modéle amélioré du premier, "Champion", conçu en 1932 selon le même principe qu'un dérailleur italien "Vittoria", avec un système de tension de la chaîne.
Bientôt, il fut adopté par toutes les grandes marques.
Le vélo-fusée
Oscar Egg, pour maintenir son record vieux de 20 ans, a imaginé un carénage, constitué d'une feuille de métal de forme conique, fixée à l'arrière de la selle, pour favoriser l'écoulement de l'air.
Toujours plus vite
Poulain, champion cycliste de jadis, avait voulu réaliser la bicyclette volante. Il vola d'ailleurs une dizaine de mètres avec son invention, ses grands espoirs et son audace. Et puis on ne parla plus de l'aviette. C'était une démonstration.Pour aller plus vite avec un vélo roulant à terre, Marcel Berthet avait essayé le vélo-torpille. L'appareil était quelque peu encombrant. L'ancien rival de Berthet, Oscar Egg, vient d'essayer le vélo-fusée. Un dispositif placé derrière le coureur supprime une partie de la résistance qu'offre — trop généreusement — le vent. On gagne ainsi en vitesse. Le vélo-fusée est une conception assez heureuse puisque le résultat cherché est obtenu. On perfectionnera peut-être. La volonté du recordman de l'heure sans entraîneur doit le laisser croire.
Le vélo à pédalage horizontal
Oscar Egg est également un pionnier du vélo en position de pédalage horizontal. Son record de 1913 tiendra 20 ans.Les vélos de ce type étant alors devenus plus performants que les bicyclettes traditionnelles, l'Union Cycliste Internationale, qui régit les courses et homologue les records, décide de les interdire.
Les motocyclettes d'Oscar Egg
Oscar Egg a commercialisé des motocyclettes, à partir de 1948.Il a d'abord adapté le moteur Cucciolo de la société italienne Ducati à l'un de ses vélos. Il utilisa, ensuite, le moteur fabriqué par la société française M.Rocher sous licence de Ducati.
Oscar Egg, qui fut un des premiers à bien gagner sa vie grâce aux courses sur piste, a investi une partie de cet argent dans le cyclisme, notamment en sponsorisant une équipe de coureurs.
La société des cycles Oscar Egg
Avant de prendre sa retraite sportive, en 1926, ainsi que son ami Hector Thibergien, coureur cycliste belge, avec lequel il s'était associé, Oscar Egg avait créé une société pour développer et commercialiser ses nouveaux équipements ainsi que des vélos de course et de ville.
L'ancien champion Oscar Egg n'oublie pas les coureurs
Oscar Egg qui, entre autres records, détint pendant vingt ans l'athlétique record de l'heure sans entraîneur, abandonna la piste il y a quelques années pour installer d'abord une bonneterie sportive, puis lancer une marque qui connaît grand succès, et enfin un dérailleur essentiellement pratique et qui, dès son apparition, fut adopté par les plus grandes marques et devint le changement de vitesse essentiellement populaire. Sa vogue est telle qu'Oscar Egg dut aviser à l'aménagement d'un atelier important et rechercher, pour la main d'oeuvre, de nombreux ouvriers.
L'ancien champion décida de s'adresser aux coureurs, aux anciens, pour lesquels l'heure de la retraite approche, aux jeunes auxquels leurs premiers pas dans la carrière ne sauraient permettre de vivre.
Oscar Egg forma sa troupe. De l'ex-stayer Vallée il fit un chef d'atelier averti qui, aux heures de loisir, reprend le vélo pour courir, le dimanche, les courses ouvertes du Vel' d'Hiv'. Il s'y comporte d'ailleurs excellemment. Arthur et Georges Sérès, fils du grand champion de demi-fond, trouvèrent là une occupation lucrative. Et le premier n'interrompra momentanément son travail que pour aller courir, prochainement, une ou deux courses de six jours en Amérique en Compagnie de Levet, un autre jeune de bonne classe.
Simonnet, gagnant du Premier Pas Dunlop 1932, est venu grossir la troupe, comme Eugène Dhers, qui fut quatrième de la catégorie des isolés dans le Tour de France de 1924, et Thallinger, joyeux coureur autrichien qui n'abandonne pas l'entraînement pour cela. Le neveu du grand champion routier que fut le regretté François Faber est là, lui aussi.
Trois autres anciens professionnels collaborent également, à la diffusion du changement de vitesse qui aura ainsi permis à une dizaine de coureurs de trouver l'occupation qui permet de vivre - en roue libre - en gaîté aussi.
René Bierre.
Match l'Intran, 5/2/1935
Oscar Egg avait établi des magasins à Paris, avenue de la Grande Armée, haut lieu du commerce des cycles dès la fin du siècle précédent, aux numéros 43 et 57 ; on peut toujours y acheter des deux-roues, mais motorisés !
Il y vendait également des articles textiles pour le sport qu'il faisait fabriquer.
Oscar Egg aurait vendu un million de dérailleurs "Super Champion" de 1932 à 1939. Deux sociétés le construisirent ensuite, sous licence, jusqu'en 1950.