Vague de froid : Marcel et son accordéon ne nous réchaufferont plus !
La mémoire de Villennes·Mardi 22 janvier 2019·Temps de lecture estimé : 3 minutesPublic
En janvier 2019, Marcel Azzola est décédé, à 91 ans. Il vivait à Villennes avec sa compagne, la pianiste Lina Bossatti. Celle-ci a annoncé : « Son cœur a lâché ». Tous ceux qui appréciaient ses talents, notamment les Villennois qui l’ont bien connu, le garderont dans leur cœur.
Ce « Chauffe Marcel ! » que lançait Jacques Brel dans Vesoul, c'était à Marcel Azzola, l'un des plus emblématiques accordéonistes français qu'elle s'adressait. Azzola aura accompagné de nombreux chanteuses et chanteurs : Yves Montand, Barbara, Georges Brassens, Edith Piaf, Juliette Gréco… Si sa carrière l'a longtemps maintenu auprès des vedettes et sur les antennes de radios populaires, son goût pour le jazz en a fait l'un des précurseurs de l'émancipation de l'accordéon vers les libertés du jazz. Né en 1927, Marcel Azzola était le fils d'un joueur de mandoline italien ayant fui le fascisme ; il commença à Pantin par étudier le violon mais son père devenu maçon fréquentait des compatriotes qui l’orientèrent vers l’accordéon. Très tôt, les premières leçons débouchèrent sur des engagements professionnels : guinguettes, bals musette, dancings… L'accordéon dans l'immédiat après-guerre était destiné à faire tourner les têtes. Mais Marcel Azzola ne resta pas sourd au jazz dont la diffusion s'était accrue en France après la Libération. Son ami d'adolescence, Didi Duprat, guitariste qui fréquentait les manouches et adulait Django Reinhardt, lui avait déjà fait découvrir l'improvisation ;  lui-même  s'intéressa au travail de défricheur de Gus Viseur. Fréquentant en amateur les clubs de jazz de la capitale où il lui arriva de faire le bœuf, professionnellement il jouait alors des musiques de genre, de variétés et de cinéma et il accompagnait des chanteurs. Chez Barclay, à partir de 1953, il enregistra d'innombrables titres de musique à danser, de  chansons « typiques » et d’adaptations d'airs classiques. Le jazz lui était interdit par des producteurs qui veillaient à ce que sa musique demeure « accessible » au plus grand nombre. Ses années auprès de Jacques Brel et son intervention mémorable dans Vesoul resteront attachées à son nom. Marcel Azzola connut une seconde carrière, à un moment où l'accordéon, longtemps victime de son image populaire, se débarrassa d'une partie des préjugés qui l'entouraient, notamment sous l'impulsion de Richard Galliano. Partenaire de différents jazzmen tels que Stéphane Grappelli, il put enfin donner libre cours à ses talents d'improvisateur longtemps dissimulés. Le trio qu'il forma avec Patrice Caratini et Marc Fosset proposa l'un des plus élégants équilibres entre la poésie de la musique populaire et le swing entraînant du jazz. Deux albums marquèrent, en 1993, cette renaissance, l'un en hommage à Edith Piaf, L'accordéoniste, avec Grappelli et Stéphane Belmondo ; l'autre en duo, Musique à la mode, fruit d'une longue complicité avec la pianiste Lina Bossatti. Depuis, Marcel Azzola, grand collectionneur d'instruments, continuait de défendre la richesse de ce « piano à bretelles » qu'il aimait passionnément. 

D’après un texte de Vincent Bessières, Cité de la musique