Les commanditaires et
le constructeur de la Maison de fer de Poissy
Première partie :
les habitants successifs de la maison
L’inauguration, le samedi 19 septembre 2020, de la Maison de fer de Poissy, reconstruite dans le Parc Meissonier, a marqué la renaissance de cet important élément du patrimoine local. Elle a été l’aboutissement d’un remarquable projet de sauvetage d’un original bâtiment en ruines, construit en 1896. L’expression « inspiration eiffelienne » a été utilisée dans les discours alors que Gustave Eiffel n’a construit aucune maison métallique ; toutefois, la paternité de cet édifice, nettement attribuée à Joseph Danly comme le prouvent diverses archives, est, désormais, reconnue par la Ville de Poissy et les médias mais pas encore complètement par le ministère de la Culture, dans sa base de données Mérimée(1) du patrimoine architectural français.
Janine de Coninck, petite-fille des premiers propriétaires, était présente à cette inauguration alors qu’elle pourrait, dans cinq ans, fêter son centième anniversaire. Elle a raconté ses séjours dans cette maison pendant toutes les vacances de sa jeunesse. La deuxième partie de cet article sera consacré à Joseph Danly, dont aucun éventuel descendant n’a été convié à l’inauguration de cette nouvelle Maison de fer de Poissy.
Les habitants successifs de la maison, sise au 1 Chemin de la Maladrerie
Florence Xolin qui a participé, activement, à ce projet en tant qu’adjointe au maire, déléguée au patrimoine, dans la précédente municipalité avait, dans le magazine municipal Le Pisciacais(2), évoqué plusieurs propriétaires de cette maison, dont les premiers : Georges de Coninck et son épouse possédaient le terrain, à La Maladrerie, où ils ont fait construire cette maison. « Lors de la construction, le terrain [...] est encore situé au milieu des champs. La grande bâtisse est composée de trois niveaux. À l'avant un large perron lui donne un air de maison de maître du Sud des Etats-Unis, une terrasse située au-dessus de cette avancée et un clocheton sur le toit achèvent de lui donner son allure de belle demeure. Le propriétaire en fait une résidence de villégiature dans laquelle il se met au vert avec sa famille. »
Un article sur les maisons Danly(3) nous fait connaître les divers autres propriétaires de la maison : « La nièce de Georges de Coninck, Anne Mary Renée de Coninck, y a ensuite habité avec son mari Raymond Lerch, jusqu’au milieu des années 1940. Elle est ensuite acquise par les époux Croisier, puis louée à des personnes qui travaillaient à la société d’élevage de chiens de la Coudraie. En 1960 elle est achetée par Giancarlo Baroni, antiquaire italien, et son épouse Jennifer Yates. La maison de Poissy a été habitée probablement jusqu’en 1980, avant d’être mise en vente, sans succès, abandonnée, squattée, et saccagée. La maison et le terrain sur lequel elle se trouve furent ensuite rachetés par expropriation par l’Etat en février 1981 afin de construire l’autoroute A14. » La Ville de Poissy a acheté les vestiges en 2016.
L’antiquaire italien Giancarlo Baroni (1926-2007) était un amateur d’art dont la collection a été vendue en 2013 par Sotheby’s(4) : des peintures réalisées depuis le XVe siècle, comprenant notamment des œuvres de El Greco, Giovanni Paolo Panini, Giambattista Tiepolo, Edgar Degas, Eva Gonzalès and Giovanni Boldini ; des tableaux impressionnistes ainsi que des œuvres d’art moderne et d’arts décoratifs. A sa suite, ses trois fils sont devenus marchands d’art à Paris et à Londres.
Les premiers propriétaires et leur famille
Georges Frédéric de Coninck a certainement choisi sur catalogue, avec son épouse, Sarah Winslow, la maison qu’ils ont fait bâtir à Poissy. Un des descendants de la famille nous le fait connaître(5) : né en 1848 dans le département de la Seine inférieure (devenue maritime), il est décédé en 1934 à Poissy. Son père était originaire non pas de Belgique mais du Danemark. Le journal Paris-Normandie a consacré un article(6) à son grand-oncle Frédéric de Coninck : « [... sa] famille française protestante ayant fui son pays, à la suite de la révocation de l’Édit de Nantes (1685). Son grand-père, natif de La Haye, avait rejoint le Danemark à la tête d’un négoce international florissant, ce qui lui avait valu de devenir le directeur du Magasin général du royaume du Danemark. De retour aux affaires privées, l’aïeul était considéré comme l’un des plus grands armateurs danois, avec 64 vaisseaux dont il tirait profit sur la route maritime des Indes orientales ! ». Il a développé, au Havre, une entreprise de négoce et de réparation navale, avant de se consacrer à des travaux d’économie politique, à des œuvres philanthropiques et à la rédaction de très nombreux ouvrages. Ses deux frères, dont le grand-père de Georges, sont devenus ses associés. La famille s’est installée à Ingouville, un faubourg du Havre, où Georges est né.
Son père, polytechnicien, après avoir été officier d’état-major, était devenu copropriétaire d’une savonnerie nantaise et avait, ensuite, rejoint son frère qui dirigeait la maison de commerce « De Coninck Frères ». Georges a choisi une autre voie : ingénieur chimiste, il a été directeur d’établissements textiles à Bolbec (Seine inférieure), à Tver en Russie et à Barcelone en Espagne.
Isabelle Sarah Winslow (1857-1945), l’épouse de Georges de Coninck, était, également, originaire d’Ingouville, où résidaient de nombreux dirigeants des industries locales. Elle était une petite-fille de Jeremiah Winslow, armateur baleinier américain qui s’était établi au Havre vers 1810, à l’appel du gouvernement français. Il a fait de ce port le premier de France pour la chasse à la baleine.
Après avoir été militaire et exploitant agricole en Algérie, Francis Winslow, frère de Sarah, a été éleveur à La Maladrerie. Il est décédé en 1946 à Poissy.
La jeune fille de la Mala, une femme inoxydable
Lors de l’inauguration de la Maison de fer reconstruite, Janine de Coninck, petite-fille de Georges et Sarah de Coninck, est apparue, à 95 ans, dotée d’une santé de fer.
Venue spécialement de sa résidence de la Côte d'Azur, elle s’est exprimée très clairement, pour faire part de ses souvenirs de jeunesse :
« Je retrouve cette maison que j’ai habitée pendant toutes les vacances de mon enfance jusqu’à la guerre. Après, malheureusement, je l’ai vue se dégrader et je n’espérais pas, absolument, la voir renaître un jour. Maintenant, ça y est, c’est fait ! A mon époque, on l’appelait La Mala parce qu’elle était située à La Maladrerie. C’était la pleine campagne, au milieu des choux-fleurs. C’était une maison confortable. Il n’y avait pas l’électricité mais le téléphone : le 7 à Poissy, c’était facile à retenir. [...] Aujourd’hui, je vis un rêve. Merci beaucoup à tous ceux qui ont travaillépour cette réalisation. C’est vraiment un succès ! ».