Jules Charles Rozier (1821-1882), artiste peintre en retraite à Médan (troisième partie)
La mémoire de Villennes·Dimanche 27 octobre 2019·Temps de lecture estimé : 7 minutesPublic

L’enquête sur la localisation de la résidence médanaise de l’artiste peintre

Nous ne nous limiterons pas à répondre à la question “Où habitait Jules Rozier ?”. La description de nos recherches, faites à distance grâce à divers sites Internet, principalement sur celui des Archives départementales des Yvelines, pourra vous donner l’envie de reconstituer l’histoire de votre maison, éventuellement avec notre assistance.
Les archives disponibles
Pour vous, le lieu est connu ; ce sont les anciens propriétaires que vous rechercherez. Dans notre cas présent, nous partons d’une célébrité d’antan pour rechercher une maison où il a habité.
Les principaux documents anciens, disponibles dans les archives, communales ou départementales, sont les suivants :
- les recensements de la population : au XIXe siècle, ils étaient réalisés tous les 6 ans ; y ont été enregistrés les habitants de chaque maison par rues ou lieux-dits, avec diverses informations. Dans les villes comme les nôtres, où les villas et les maisons étaient des résidences secondaires, leurs propriétaires étaient recensés dans le lieu de leur résidence principale, le plus souvent à Paris.
- le cadastre napoléonien : bien que l’empereur n’était plus au pouvoir en 1821, l’année de son décès, il a laissé son nom pour désigner les documents qui ont été établis, en cette année, pour la perception des impôts fonciers. Le plan cadastral contient, pour chaque parcelle, un numéro qui l’identifie dans les cases des matrices cadastrales, les registres où étaient inscrits les mutations de propriétés et les modifications des bâtiments, notamment les constructions nouvelles et les démolitions, ainsi que le nombre d’ouvertures (portes et fenêtres), donnant une idée de la dimension des bâtiments.
Pour notre enquête, nous disposons, en complément, de deux œuvres de l’artiste, représentant des lieux de Médan, dont le jardin de sa maison.
L’adresse de Jules Charles Rozier et de sa famille
Commençons les recherches dans les registres de recensement de la population de Médan, dans les années correspondant à celles de ses tableaux ; heureusement, Jules Rozier se faisait recenser dans ce village. Dès la première page de l'état nominatif des habitants de la commune de Médan en 1876, nous trouvons Jules Rozier, toutefois avec son deuxième prénom Charles.
Extrait de l'état nominatif des habitants de Médan en 1876 - © ADY
La profession indiquée est bien "artiste peintre" et son âge 55 ans (1876-1821=55). Il habitait au 9 rue Basse, avec son épouse, Clémentine Piaud-Rémond, même âge, née à Lyon, et leur fils Alexandre, 32 ans, né à Paris.
Quelle a été la durée de leur présence à Médan ? Le recensement de 1866 ne montre aucun habitant à cette adresse. En 1872, la maison était habitée par un cultivateur, son fils et deux domestiques. En 1881, l'année du décès de Jules Rozier, un autre cultivateur, Désiré Bonhomme, et son épouse, Palmyre Churlet, avaient succédé, avec leurs trois employés, à la famille de l'artiste peintre.
Le quartier de la rue Basse à Médan
Un autre document intéressant, non mentionné dans notre introduction, est la matrice des propriétés foncières, dans laquelle ont été enregistrées, de 1824 à 1914, les mutations des propriétés, bâties ou non. Il est donc plus volumineux que celui relatif aux propriétés bâties car toutes les parcelles de terrains, en particulier les champs agricoles et les vignes, y figurent. A Médan, petite commune, 517 pages ont été emplies en 90 ans. Une recherche fastidieuse permet d'y trouver Emile Zola mais pas Jules Rozier. La matrice des propriétés bâties n'est disponible, en ligne, qu'à partir de 1882. Nous pouvons supposer que Jules Rozier n'était pas propriétaire de la maison mais locataire.
Il semble logique que la rue Basse de Médan était la plus proche de la Seine : elle est devenue la rue Pasteur. Sur l’extrait de la carte d’état-major de 1818-1824, ci-dessous, où était encore représenté le parc du château, c’est celle, à droite, qui le contournait vers l’église, en haut au centre).
Extrait de la carte d'état-major 1818-1824 - © Geoportail
Pour localiser la maison, faisons deux hypothèses :

- La première est que le paysage d’hiver, représenté dans une "eau forte" et une peinture à l'huile sur toile de Jules Rozier, a été dessiné à proximité de sa maison ; le champ couvert de neige se trouvait à l’une des extrémités de l’ancien parc du château.
- La deuxième est que la maison existait en 1821, lors de l'établissement du plan du cadastre napoléonien.
Extrait du plan cadastral de 1821 - © ADY
La gravure de Jules Rozier Mon jardin à Médan montre deux bâtiments, une maison d’habitation ( à droite) et, semble-t-il un hangar (à l’arrière), proches l'un de l'autre.
Cette information picturale et la perspective du paysage de neige, notamment l'axe vers l'entrée du château peuvent nous faire penser à l’une des maisons du groupe noté 3 sur l'extrait, ci-après, du plan cadastral. Toutefois, aucun lien ne peut être trouvé dans la matrice cadastrale entre leurs propriétaires et les habitants de la maison de Jules Rozier après son décès.
Extrait du plan cadastral de 1821 - © ADY
Une autre supposition serait que les propriétaires de la maison seraient venus y habiter après le décès du locataire, Jules Rozier. Un jeu de piste à travers les cases de la matrice cadastrale nous apprend que la femme, Palmyre Churlet, devenue veuve à la fin du siècle et demeurant alors à Vernouillet, possédait une des deux maisons de l’extrémité de la rue : celle notée 2 sur l'extrait du plan. Toutefois, il s'agit d'une petite maison (3 ouvertures seulement) ; de plus, elle est séparée du champ par la rue et l’autre maison. Celle-ci, notée 1 sur l'extrait du plan, disposant d'un grand jardin, peut être celle que nous cherchons : son propriétaire, Jean Baptiste Churlet, aurait pu être le père ou un autre parent proche de Palmyre. Cette maison n'existe plus : démolie en 1898, elle a été remplacée, deux ans plus tard, par un autre bâtiment construit par Ernestine Victoire Vandernack.
Il se pourrait que la famille Churlet ait loué, après la famille Rozier, la maison que celle-ci avait habitée. Malheureusement les actes des notaires, notamment de celui de Poissy qui enregistrait presque toutes les transactions immobilières de Villennes et de Médan, ne sont pas accessibles en ligne.
Un autre élément nous oriente vers le groupe de maisons, numéroté 3 sur l’extrait du plan cadastral. Aujourd’hui, l’entrée du 9 rue Pasteur, donne sur une cour qui correspond à celle de ces maisons en 1821. Il est vraisemblable que le numéro soit resté identique lorsque le nom de la rue a été modifié. Certaines de ces maisons existent encore de nos jours.
Les autres ont été démolies, notamment lorsque le chemin qui longeait l’ancien parc du château a été élargi pour former la rue Ronsard. De nouvelles villas ont, alors, été bâties dans ce quartier qui a fortement évolué depuis les années 1880.
Vue du centre de Médan par satellite (© Google Maps)
Michel Kohn