Heureux Physiopolitains !
Pendant les vacances, nous lisons la presse mais celle du siècle dernier *. Nous avons transcrit un article que nous avons trouvé dans l’édition du 27 avril 1930 du journal Paris-Soir.

Les frères médecins Gaston et André Durville venaient de créer la première cité naturiste française dans l’île de Platais. Ils projetaient de la nommer “Physiopolis”, dès que les premiers bungalows seraient construits, l’été suivant. Le journaliste extrapolait, écrivant que c’est Villennes qui sera renommée ainsi !
Si vous avez trop chaud, retrouvez le mode de vie de certains Parisiens qui passaient leurs vacances à Villennes, en plein air !

Cet article optimiste commence, toutefois, par la narration d’un accident qui a coûté la vie d’un des colons, dans sa tente.
AU CAMP DES NATURISTES Un malheureux accident vient de se produire dans la colonie naturiste de Villennes-sur-Seine. Deux Parisiens, M. et Mme Grommer, venus y passer les vacances de Pâques, commirent l'imprudence, durant la nuit de lundi à mardi, d'allumer un réchaud à pétrole sous la tente qui est l'habituel logement des colons. Le lendemain matin, on les trouva sans connaissance. Ils avaient été tous deux intoxiqués par le gaz et M. Grommer si gravement, qu'il a succombé hier. La femme, dont l'état, toutefois, n'inspire pas d'inquiétudes, est toujours en traitement à l'hôpital de Saint-Germain.
Ainsi il aura fallu ce triste événement pour que le public daigne s'intéresser à ce camp de Villennes où quelques citadins convaincus, et qui sont du reste chaque année plus nombreux, viennent se soumettre, durant quelques jours ou quelques semaines, aux règles d'une existence plus saine et plus « naturelle ». Et pourtant, combien elle est curieuse et intéressante cette œuvre à laquelle se consacrent les docteurs Gaston et André Durville, pionniers du naturisme en France ! C'est le dimanche ou bien pendant les vacances d'été qu'il faut aller à Villennes pour surprendre ses habitants dans leur vie à la fois bucolique et sportive. Ils sont accueillants et c'est de fort bonne grâce qu'ils exposent au visiteur les principes essentiels de leur religion.
Mais écoutons parler le docteur André Durville :
« La vie que mènent la plupart de nos contemporains est un défi continuel aux lois de la médecine bien comprise et de l'hygiène. On l'a souvent constaté : l'homme ne meurt pas, il se tue. C'est contre ce suicide inconscient que nous essayons de lutter.
L'homme se tue en absorbant des poisons lents qui intoxiquent son organisme : viandes, lait, café, tabac, que sais-je encore. De même notre corps a besoin d'être constamment aéré, ensoleillé, lavé. Or, que cachent nos vêtements modernes, chauds, étriqués, opaques, sinon une peau anémiée et blafarde ? Sous les chapeaux, les tricots, les flanelles, les draps épais, l'organisme mijote dans ses exhalaisons malsaines.
Il suffit de regarder l'être humain pour voir qu'il est construit pour remuer d'une façon intense, pour respirer largement. Emporté dans le frénétique tourbillon du surmenage moderne, il fait tout au contraire pour gagner du temps. Il a remplacé ses jambes par des véhicules rapides et ce qui faisait travailler ses muscles, par des machines perfectionnées. Voilà pourquoi les étiques et les ventripotents sont si nombreux. Voilà aussi pourquoi les maladies du foie, du rein, du cœur font de si grands ravages.
Enfin, dans les centres de surmenage, d'intoxication, de perversion que sont les grandes villes, nos contemporains ont faussé leur psychologie, aiguisé à l'extrême leur sensibilité, déformé leur intelligence, amoindri leur volonté. »
Mais aussitôt, c'est vrai, il s'empresse de nous rendre quelque espoir. Car ce remède est fort simple : il tient tout entier dans le naturisme, et bientôt une ville nouvelle s'élèvera non loin de Paris. Villennes bientôt s'appellera « Physiopolis », et elle sera la capitale de la santé et de la bonne humeur. Pour y obtenir droit de cité, il suffira d'observer le régime des citoyens naturistes qui fréquentent déjà l'île de Villennes. Une nourriture composée seulement de fruits, de légumes, d'œufs très frais, et, par exception de poisson. Pas de viande, pas d'alcool ? Le vin toutefois y est autorisé.
Pour tout vêtement le parfait naturiste porte, en été, un caleçon (auquel la femme joint un soutien-gorge). Mais cette tenue est évidemment difficile à porter en hiver, et plus encore dans les villes. Hommes et femmes doivent adopter cependant, en toutes saisons et partout, des tenues légères, permettant l'aération constante de l'épiderme. Bien entendu, chapeaux et cols sont rigoureusement interdits aux messieurs.
Gymnastique, lancer du disque et du javelot, canotage, natation, basket-ball, etc., tous les sports seront en faveur à Physiopolis, comme ils le sont à Villennes. A l'heure présente, on compte dans le camp vingt moniteurs de culture physique.
- Mais quand Villennes deviendra-t-elle officiellement Physiopolis ? demandons-nous au docteur Durville.
- Aussitôt que les premières maisons y seront construites, c'est-à-dire dès cet été.
Heureux les Physiopolitains !
Toute l’histoire de Physiopolis peut être consultée ici.
- Source : bibliothèque numérique Gallica de la Bibliothèque nationale de France