L’oiseau bleu de Médan
et l’infirmière-aviatrice


Un petit vitrail représentant L'oiseau bleu, l'½uvre la plus connue de l'écrivain symboliste Maurice Maeterlinck, est revenu dans son château de Médan, qu'il avait quitté pendant la Seconde Guerre mondiale. Il nous fait connaître Germaine L'Herbier Montagnon, une femme héroïque, qui avait alors une résidence dans ce village. Tout un symbole !

Notre enquête a commencé lorsque nous avons appris qu’une ancienne habitante de Médan avait eu le projet d’écrire un livre sur l’histoire de ce village et de Villennes. Elle l’aurait fait à partir de notes en sa possession, rédigées par le premier historien de notre territoire, Edmond Bories ;  également professeur de peinture et artiste peintre, il avait publié des ouvrages historiques sur Poissy, sur Orgeval et sur le canton de Meulan mais il n’avait pas eu le temps de le faire pour Villennes, la dernière commune où il a résidé, et Médan.

Pendant la dernière partie de sa vie, Germaine L’Herbier Montagnon a travaillé sur l’histoire de sa ville natale, Tournon-sur-Rhône en Ardèche, où elle était retournée. Qui était cette femme dont l’existence avait été peu ordinaire ?

Le retour de L’oiseau bleu


Bien longtemps après les seigneurs de Médan, dont Jean Brinon qui accueillait Pierre de Ronsard et les autres poètes de la Pléiade, l’écrivain belge Maurice Maeterlinck fit de leur ancien château sa résidence, en 1924.

Il y poursuivit ses travaux d’entomologie, écrivant plusieurs ouvrages sur la vie des fourmis, sur celle des termites et sur l’araignée de verre.





C’est, toutefois, un volatile qui avait fait sa célébrité : il avait reçu, en 1911, le prix Nobel de littérature pour sa pièce de théâtre L’oiseau bleu, représentée pour la première fois, trois ans plus tôt, à Moscou. Féerie en six actes, elle fut adaptée plusieurs fois au cinéma dès 1910. Ayant, à la fois, le caractère naïf des contes pour les enfants et la profondeur des contes philosophiques, cette pièce de théâtre fait réfléchir sur la recherche du  bonheur. 


Afin de la faire jouer dans son château de Médan, l’auteur fit aménager un salon-théâtre dans le logis. Les Médanais et leurs voisins se rappellent la belle et émouvante représentation de L’oiseau bleu, qui fut donnée, en mai 2007, par des artistes de théâtre amateurs locaux, au pied du mur de l’ancienne terrasse du château.



Ce château a été, parfaitement restauré par Jean-Pierre et Marion Aubin de Malicorne, après son achat, en ruine, en 1977. Vous pouvez acquérir l’ouvrage Château de Médan, lorsque vous visitez cet ancien relais de chasse du XVIe siècle(1). Le propriétaire y a relaté, à la fin de son texte, le retour d’un petit vitrail que l’écrivain avait placé dans sa chambre et que son épouse avait donné après la Seconde Guerre mondiale :

« Une ancienne amie de la comtesse Maeterlinck avait possédé avant la guerre une maison de campagne à Médan. Au moment de l’occupation allemande elle avait pu mettre à l’abri quelques meubles du château et des objets personnels. Elle avait notamment décroché un petit vitrail qui se trouvait au mur de la chambre de l’écrivain. A titre de souvenir Mme Maeterlinck lui en fit cadeau.

Cette ancienne médanaise passionnée d’Histoire et elle-même écrivain avait pris contact avec nous dès qu’elle eut connaissance de la restauration du château. A plusieurs reprises nous sommes allés lui rendre visite puisque son grand âge ne lui permettait plus de se déplacer et elle nous contait les souvenirs qu’elle avait gardés des Maeterlinck.

Le petit vitrail était posé sur sa cheminée et représentait le célèbre “Oiseau bleu”. Un jour elle nous confia son souhait qu’après sa mort il revint à Médan. Hélas, pour elle, quelques mois plus tard son v½u était réalisé. Je pris donc le soin d’exposer ce vitrail comme il l’était autrefois, mais dans le mur du hall d’entrée afin qu’il accueille les visiteurs.

A nouveau, et pour longtemps, l’oiseau bleu du bonheur venait de se poser à Médan... »

Le couple Maeterlinck ayant quitté la France pour les Etats-Unis, au début de la Seconde Guerre mondiale, le château fut occupé par les Allemands. En effet, lors de la débâcle de 1940, une amie de la comtesse Maeterlinck, possédant un pied-à-terre à proximité du château, alors abandonné, fit transporter, par camion, divers meubles pour les sauver. L’oiseau bleu fut, également, mis à l’abri. De retour dans le château, après la guerre, Renée Maeterlinck offrit le vitrail à son amie pour la remercier. Qui était cette femme ?

Germaine L’Herbier Montagnon, missionnaire pour la recherche des aviateurs disparus (1895-1986)

Notre enquête a pu continuer, grâce à Jean Claude Quidea(2), un capitaine de frégate du pays bigouden. Il s’est intéressé à cette infirmière, pilote d’avion, à propos de l’écrasement du bombardier LeO N°95 451, dont le sergent-chef Corentin Quideau était le radio.  Infirmière pilote secouriste de l’air (IPSA, la section aviation de la Croix-Rouge française), Germaine L’Herbier-Montagnon avait été accréditée, en 1939,  par la Croix-Rouge et le secrétariat d’État à l’aviation, pour retrouver et identifier les  aviateurs disparus en opérations aériennes pendant la guerre.



Un blog aéronautique(3) précise la biographie de Germaine Montagnon, devenue Mme L’Herbier Montagnon puis, après un second mariage, Mme Peyron-Montagnon.





Ses recherches donnèrent lieu à la publication de son livre Disparus dans le ciel(4) en 1942 et à d’autres ouvrages après la guerre.






Remise de la médaille de chevalier de la Légion d'honneur
par le maréchal Juin

La citation pour sa nomination au grade de chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur, en juillet 1946, résume ses actions.

« L’Herbier (Germaine), infirmière pilote secouriste de l’air : directrice du service des infirmières pilotes secouristes de l’air, s’est d’abord consacrée aux prisonniers. Dès août 1940, a créé la mission de recherche des morts et disparus de l’armée de l’air. A la tête de cette mission, a déployé pendant cinq ans une incessante activité bénévole au profit de l’aviation. Avec une ardeur inlassable, malgré les risques courus, a surmonté une à une les difficultés rencontrées. Après avoir parcouru plus de 100 000 kilomètres en France, en Belgique et en Hollande, a réussi à retrouver et à identifier près de 500 aviateurs français et 1300 aviateurs alliés. Accréditée dès la Libération pour continuer la recherche des aviateurs sur les territoires ennemis ou occupés, a retrouvé trace de 380 aviateurs français et de 940 aviateurs alliés. Magnifique exemple de courage, de volonté et de dévouement. »

Le roi d'Angleterre Georges VI l’avait déjà élevée, en septembre 1945, au rang d’Officier de l’Ordre de l’Empire britannique.

Sa mission ne s’acheva qu’en 1948, à l’issue de sa 814e enquête.


Sa tombe, à Tournon, porte l’une des cocardes tricolores qu’elle avait fait réaliser pour les placer sur les sépultures des aviateurs morts pour la France.



Notes et références

1. Visites du château de Médan

2. Site Internet de Jean Claude Quideau

3. Blog aéronautique de Vincent Lemaire

4. Disparus dans le ciel, 1942, Editions Fasquelle


Michel Kohn