Avant la Librairie du Pincerais,
notre ancienne région de Poissy
et Saint-Germain-en-Laye à Bonnières


A l'époque des Gaulois et des Mérovingiens, le Pincerais était une "région", dont la cité pisciacaise était la capitale ; sa dimension transversale était proche de celle de la méga-intercommunalité qui s'étend de Conflans-Sainte-Honorine à Bonnières. Après cette réforme territoriale qui n'a pas fait preuve de son efficacité, nous la remettons en mémoire.

Cet article ne concerne qu'une partie de la Communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise (GPS&O), le fleuve constituant une frontière de l'entité territoriale du Pincerais. C'était l'une des raisons de l'opposition de certains habitants des communes de la rive gauche à leur entrée dans la Communauté d'agglomération 2 Rives de Seine, avant la création de GPS&O, lorsque le choix était possible.  Mais ceci est déjà du passé.

L'origine gauloise

Le Pincerais était une région que nos ancêtres les Gaulois situaient dans la large vallée, que la Mauldre, se jetant dans la Seine à Epône, a creusée dans les coteaux du fleuve entre la proche banlieue parisienne et, à l’Ouest, la vallée de l’Eure. Il incorporait aussi la vallée de la Vaucouleurs, rejoignant la Seine à Mantes,  et qui s’appelait la Madrie. La Seine était sa limite au Nord et la contrée de Rambouillet marquait le Sud. Sa capitale était Poissy.

Chaque « pays » (du latin pagus), parmi les 230 que comptait la France vers l’an mille, avait ainsi ses limites naturelles. Le Pincerais constituait la partie Nord du vaste territoire qu’occupait la tribu des Carnutes. Celui-ci  descendait vers le sud jusqu'à la vallée de la Loire. Riche des plaines fertiles de la Beauce et la giboyeuse forêt d’Yveline, il avait pour capitale Chartres (Autricum).

Le mot Pincerais dérive du gaulois Pinciacum ou Pisciacum (et autres variantes d’une époque pas très douée pour l’orthographe), qui s’appliquait, comme en général, à la ville principale et à sa région. Le suffixe –acum,  extrêmement répandu en Gaule, signifie « habitation de ». Selon les différents dialectes régionaux, il s’est contracté souvent en –y en terre d’oïl, comme pour Poissy, en –ac en terre d’oc (Figeac) ou parfois encore en –aix, -eux… Le préfixe dérive probablement des noms propres courants Pinsius ou Piscius, comme Victorius pour Vitry, Magnus pour Magny, Sergius pour Cergy... Mais certains y voient des mots gaulois comme pen ou pin (montagne) et say ou si (forêt).

Le Pincerais, au c½ur de l’histoire de France

Clovis et Charlemagne avaient réussi à dominer des territoires vastes comme l’Europe de l’Ouest, mais à chaque succession il y avait partage puis reconquête de la suprématie. Le Pincerais, dans cette permanente bousculade des territoires, s’est ainsi trouvé successivement faisant partie d’un royaume d’Orléans (511), de Paris (561), de Neustrie (575), de Francie Occidentale (843).

Les rois Mérovingiens aimaient déjà chasser à partir d’une résidence royale à Poissy. Le Pincerais est resté presqu’en permanence et en grande partie en possession directe des rois, sans comte intermédiaire, mais confié à un chevalier dans une châtellenie, pour un rôle principalement militaire. Le déménagement graduel vers Saint-Germain-en-Laye date du XIIIe siècle.

Mais revenons en arrière. L’intrépide rhénan Robert Le Fort, appelé d’urgence pour diriger l‘ost royal et contrer les sanglantes attaques des Vikings, fut nommé « marquis » (ce qui veut dire comte des marches, zones frontières) de Neustrie (861). Quatre générations de Robertiens plus tard, Hugues Capet fut élu roi. Il avait hérité du comté de Paris et, parmi d’autres, de divers domaines disséminés en Pincerais.

Son fils, Robert II le Pieux, attribua le Pincerais au Comte de Meulan, pour bons et loyaux services (1030). Philippe II Auguste, le récupéra, pour le punir de sa trahison envers les Plantagenets (1204). Le Pincerais, fondu dans la région parisienne, a cessé alors d’exister en tant que région politique.

Le pape du Pincerais

L’appellation Pincerais s’est, toutefois,  perpétuée jusqu’à la Révolution française, l’Eglise l’ayant donnée à un archidiaconat, qui regroupait le doyenné de Poissy et celui de Mantes. Les évêchés ont dû adopter alors le nouveau découpage politique de la France en départements et l’archidiaconat a disparu.

Titre de gloire : un archidiacre du Pincerais est devenu pape ! L’Italien Benedeto Caetani (1235-1303) a occupé la place. On pense qu’il fut envoyé en France pour récolter des fonds pour les croisades. Après avoir été avocat et notaire du Pape à Rome, il fut nommé cardinal et élu sous le nom de Boniface VIII (1294). Il a canonisé Louis IX (Saint Louis) en 1297. Ce pontife ambitieux  voulait dominer les rois. Philippe le Bel, après avoir essayé en vain de le faire destituer par un concile, l’a fait emprisonner par ses troupes. Délivré par la population, il devait mourir peu après des mauvais traitements reçus.

Le Pincerais, aujourd'hui

A notre époque, le nom Pincerais a été choisi pour désigner une librairie ainsi qu'une chorale, une parfumerie, une place et une rue. Il n'a, toutefois, pas été utilisé, une troisième fois, pour baptiser un territoire actuel ; notre ancien « pays », qui s'étendait jusque vers Versailles et Dreux, était trop étendu pour cela ...

Le nom Pincerais n'était-il pas plus significatif que le nom "Grand Paris Seine & Oise", qui a été choisi pour notre intercommunalité, si elle avait été limitée à sa partie orientale, le Mantois constituant l'autre partie ?


André Carpentier, avec la participation et la mise à jour de Michel Kohn (première version, rédigée en 2014)