Les sports olympiques villennois /
le cyclisme
Marcel Guimbretière, porteur du maillot à pois
Originaire de Vendée,
Marcel Gambretière a été, de 1930 à 1938, un spécialiste
des courses de six jours (Chicago, Philadelphie, Paris,
Saint-Etienne).
Avant que le maillot à pois fût choisi pour distinguer
les mailleurs grimpeurs du Tour de France, comme son ami
Henri Lemoine il arborait un maillot à pois rouges, de
sorte que leur équipe fut appelée "l'équipe des petits
pois".
Ces courses de demi-fond se déroulaient sur piste,
pendant six jours consécutifs. Alors le but des coureurs
du Tour de France est, dans chaque étape, de mettre le
moins de temps possible, celui des cyclistes des Six
jours était de parcourir la plus grande distance
possible. A l'origine, ils pouvaient pédaler 24 h sur
24, avec quelques pauses. Ensuite, ont été mises en
compétition des équipes de deux coureurs qui se
relayaient, chacun ne devant pas rester plus de 12 h par
jour sur la piste.
Marcel Guimbretière a résidé
très souvent à Villennes, où il venait s'entraîner et se
reposer. Il habitait dans l'hôtel-restaurant "Les
Peupliers" d'un autre coureur cycliste, Léon Didier, qui
lui prodiguait ses conseils.
Le journal Paris-Soir
a publié, le 11 janvier 1931, un article relatant son
séjour d'entraînement hivernal à Villennes.
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Le
footing, dans la neige, à travers bois de Marcel
Guimbretière, « l'ermite de Villennes »
Pour
se préparer aux Six Jours de Chicago et de New-York
le jeune Vendéen emploie des méthodes américaines
Les bords de la Seine, à Villennes,
sont, à la belle saison, très fréquentés par les
Parisiens, baladeurs du dimanche, qui y viennent
s'adonner aux joies du canotage et y déguster la friture
de goujons en joyeuse compagnie.
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Mais à cette époque de
l'année, tandis que la neige transforme l'île
des Naturistes en iceberg et les collines
environnantes en cimes alpestres, tandis que la
Seine, démesurément large, roule ses flots
menaçants sur les basses terrasses des
restaurants du bord de l'eau, les canots restent
amarrés et les goujons ont la vie heureuse...
C'est là pourtant que Marcel
Guimbretière passe, solitaire, les jours qui
précèdent son départ pour l'Amérique
Dans le vaste hôtel-restaurant que dirige le
maître-entraîneur Léon Didier, il mène, soigné
comme un coq en pâte par les gardiens, la vie de
château.
- Prenez garde, monsieur Marcel, dit la
gardienne, il fait froid ce matin.
- Je vais vous préparer un petit poulet pour
votre déjeuner, monsieur Marcel, ajoute le
gardien. Avec l'appétit que vous avez, vous le
mangerez bien à votre retour de l'entraînement.
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L'entraînement
- Je suis déjà allé à vélo ce matin, jusqu'à Pontoise,
80 kilomètres, aller et retour. Maintenant, je vais
faire à travers bois ma séance quotidienne de footing.
Après avoir revêtu sur ses maillots de laine une blouse
de cuir américaine et mis de solides chaussures, Marcel
Guimbretière sortit, nous entraînant à travers bois. En
acceptant « l'invitation à la marche » nous ne risquions
pas grand' chose, sachant par expérience que les
coureurs cyclistes se déplacent avec lenteur quand ils
ne sont pas en selle. Quelle erreur était la nôtre !
C'est une séance très sérieuse de footing que fait
Guimbretière et il parcourt à grandes et rapides
enjambées, plusieurs kilomètres à travers les bois
enneigés avant de regagner Villennes.
Culture physique
De retour à l'hôtel, Guimbretière commence tout aussitôt
sa culture physique. Trois rounds au boxing ball, des
exercices d'assouplissement, quelques mouvements avec de
petites haltères. Un bon bain par là-dessus, un peu de
gomina dans les cheveux et Guimbretière reparaît, prêt à
se mettre à table.
- Depuis combien de temps, fréquentez-vous Villennes ?
- Je suis venu ici pour la première fois après les Six
Jours de Paris et j'ai trouvé le site tellement agréable
que j'ai continué à y habiter chaque fois que je me suis
trouvé à Paris.
- Vous y êtes revenu dès votre retour d'Amérique ?
- Oui, mais je n'ai pas pu m'y entraîner comme je
l'aurais voulu, ayant eu de nombreux engagements en
France et en Allemagne pendant les fêtes de Noël et du
Jour de l'An. C'est pourquoi je n'ai pas marché dimanche
dernier comme je l'aurais voulu.
De bons conseils
Guimbretière vient d'attaquer avec ardeur le poulet
annoncé.
- Mais qui vous a indiqué ces méthodes d'entraînement ?
- Monsieur Didier m'a très bien conseillé. C'est lui qui
m'a dit ce que je devais faire avant de partir à
New-York et c'est à l'entraînement que j'ai suivi avec
lui que je dois ma victoire de Chicago. Mais j'ai aussi
beaucoup étudié les méthodes américaines lors de mon
séjour au camp de M. Gus Wilson, le fameux manager
américain. Il y avait là de nombreux champions de boxe
et, pendant toute une semaine, entre les Six Jours de
Chicago et ceux de NewYork, je m'y suis entraîné.
- Et quels sont vos projets actuels ?
- Je veux, le 18, faire une bonne course au Vel' d'Hiv'
afin de partir le 21, sur le De-Grasse, tout à fait
satisfait. Puis ce seront de nouveau, les Six Jours de
Chicago et de New-York avec Letourneur. Enfin, en mars,
les Six Jours de Paris. Je partirai aussitôt après me
reposer plusieurs semaines, chez moi, aux
Sables-d'Olonne, auprès de ma mère que j'ai renoncé à
aller voir cette fois-ci pour ne pas ajouter de
nouvelles fatigues à celles que j'ai eues à mon arrivée
d'Amérique.
Il est rare de trouver chez un jeune coureur - Marcel
Guimbretière est à peine majeur - un pareil amour du
métier et un tel sérieux dans l'entraînement. Et
vraiment celui que nous surnommerons
l' « Ermite de Villennes » est digne de son
rapide succès.
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Dans un article précédent de
Paris-soir, publié le 19 novembre 1930, Léon Didier et
un autre ancien champion cycliste villennois, Oscar Egg, devenu
industriel, fabricant de dérailleurs, évoquent le jeune coureur
cycliste et son entraînement.
Les
débuts et la vie sage et sportive de Marcel Guimbretière
Oscar Egg et Léon Didier nous parlent
du jeune Vainqueur des Six Jours de Chicago
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Nous trouvons Oscar Egg
affairé dans son magasin. Il nous accueille d'un
large salut. Nous entrons immédiatement dans le
sujet qui nous intéresse.
- Que pensez-vous de la belle victoire des
Français Letourneur ,et Guimbrettière dans les
Six-Jours de Chicago ?
-
Vous m'en voyez enchanté. J'en
suis même d'autant plus heureux que c'est moi
qui, le premier, ai remarque le jeune
Guimbretière, il y a à peu près un an alors
qu'il n'était qu'amateur.
- Comment donc l'avez-vous découvert ?
- Il courait sur un de mes vélos et je le voyais
toujours gagner de petites courses. Tout de
suite, j'ai vu qu'il avait des qualités et que
sa valeur de sprinter en faisait un autre
Beaufrand. Le jour, où une grande marque de
cycles m'a demandé de lui former une équipe,
j'ai engagé le jeune Guimbretière qui passa
ainsi professionnel.
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- Connaissez-vous ses projets ?
- Non. Pour l'instant, il est à peu près spécialisé dans
les américaines. Les Six-Jours semblent lui réussir. [...]
Léon Didier nous dit ce
qu'était à Villennes l'entraînement de Guimbretière
L'hôtel-restaurant que tient le fameux entraîneur Léon
Didier, est devenu un centre d'entraînement cycliste de
premier ordre. C'est là que Richli-Buschenhagen ont
préparé les Six Jours de Paris, en mars dernier. C'est là
aussi que le jeune Marcel Guimbretière, qui vient
d'enlever, avec Letourneur, les Six Jours de Chicago s'est
reposé et entraîné la plus grande partie de l'année.
Aussi, lorsque nous vîmes, hier, le « diabolique Léon »,
nous n'eûmes pas de mal à nous apercevoir qu'il était
heureux.
- Et vous l'avez bien conseillé.
- Pour ça, oui, je l'ai fait bénéficier de mon expérience.
Mais quelle docilité, quel sérieux dans son entraînement !
- Quel était son emploi du temps, à Villennes ?
- Réglé comme du papier à musique. Chaque matin, il était
levé à sept heures et je vous assure que ce n'était pas
sept heures cinq ! Un verre d'eau de Vittel, puis il
partait faire une balade à pied, à travers la campagne. A
huit heures, il était de retour à la maison et prenait son
petit déjeuner. Puis, il faisait une demi-heure de canot
sur la Seine. A dix heures, il prenait son vélo et partait
pour une quarantaine de kilomètres sur la route.
L'après-midi, un peu de culture physique, le vélodrome. Et
à neuf heures du soir, même les jours où il y avait
dancing chez moi, Marcel montait se coucher.
Avec la classe qu'il possède, le sérieux qu'il apporte à
son entraînement et les conseils que lui donne Léon
Didier, Guimbretière doit aller loin. |
En 1932, Léon Didier est décédé à l'automne
précédent, mais Marcel Guimbretière continue de venir à
Villennes s'y reposer et s'entraîner.
après avor été journaliste sportif dès 1928 au journal "La
Pédale", il fut recruté par "Le Parisien Libéré" après la
Seconde Guerre mondiale. Il devint directeur de la Société du
Tour de France de 1962 à 1987, après avoir été directeur adjoint
de Jacques Goddet. Il a contribué à créer en 1975 le maillot à
pois rouges !
Notre
visite à Marcel Guimbretière
Marcel Guimbretière rêve. Les coqs
ont tu leur chant. Dans le brouillard du matin,
Villennes s'éveille lentement. Un pâle rayon de soleil
fait disparaître des toits le givre de la nuit. Et
bientôt, on entend le galop du cheval du marchand de
lait, le trot cadencé de la rosse qui traîne, en
soufflant la voiture de la porteuse de pain.
Sur les bords de la Seine, l'hôtellerie du regretté Léon
Didier retentit des aboiements féroces d'un gros chien
loup.
Une fenêtre qui claque au deuxième étage : Marcel
Guimbretière, fidèle à ses habitudes, vient d'échapper à
son lit tiède et il respire avec ivresse l'air frais du
matin. En un tournemain, il a accompli ses ablutions,
s'est habillé, et le voici qui, dans la maison, fait
résonner de gros souliers à clous. « Allons, debout, il
est l'heure...» Il frappe à cette porte, tirant de son
sommeil Paul Broccardo ; à cette autre, obligeant
Fernand Wambst à abandonner ses rêves dorés. Un verre
d'eau dans cette troisième chambre, et sous la douche,
le coureur de primes et soigneur Coutarel s'étire en
tempêtant.
Tous debout...
Enfouis dans d'épais lainages, les quatre hommes se sont
mis en route : leur quotidien travail est commencé.
La boue ? Ils y pataugent à plaisir, sans souci de la
chute qui les guette à chaque pas dans ces terres
glissantes. Et une heure durant, accomplissant des
mouvements respiratoires, ils marchent, ils courent, ils
sautent, infatigables, heureux de se sentir vivre...
Dans ce footing matinal qu'il accomplit depuis trois
ans, Marcel Guimbretière a puisé ses forces, alors
qu'adolescent il commençait, dans les rangs des
professionnels, une carrière particulièrement brillante.
« La bicyclette, nous confie-t-il à notre retour à
l'auberge, je n'y pense guère. De temps à autre, je
couvre quelques kilomètres sur les routes de la contrée.
Mais c'est plutôt histoire de m'échauffer les muscles
que de rechercher la forme. »
Les bols de café fument dans la cuisine. On se restaure
et l'on repart. Maintenant, le soleil est moins timide,
le brouillard s'est dissipé.
L'heure des jeux !
Peut-on concevoir des jeux de sportifs sans le
médecine-ball ? Certes non, et le gros ballon vole de
main en main, avant de s'échapper... pour tomber à la
Seine. Vite, un canot... Et le sauvetage s'opère.
« Allons dans l'île, puisque nous sommes à l'eau »
propose Guimbretière.
Et il se dévoue, tirant de toutes ses forces sur les
rames, pour traverser les eaux glauques, afin d'accoster
à l'île des Nudistes.
Nulle âme qui vive. Les adeptes des docteurs Durville
craignent le froid. Il n'y a pas qu'eux. Et Coutarel,
que Guimbretière, Broccardo et Fernand Wambst cherchent
à convertir de la manière forte, oppose une farouche
résistance pour ne pas ressembler au père Adam.
Longue promenade dans l'île, dont Guimbretière connaît
les moindres coins et recoins. Autre traversée de la
Seine : il est midi...
Déjà, l'hôtelier Girault a dressé la table. Une table
saine et copieuse à laquelle nos quatre cyclistes font
dignement honneur. Café, phonographe, confidences...
Tous ses souvenirs de Villennes, Marcel Guimbretière se
les remémore.
« Je venais de gagner la « médaille » lorsque Pierre
Viel me conseilla de venir ici, chez Léon Didier. Je
l'écoutai. Et j'y suis resté... « J'ai toujours ma
petite chambre, là-haut, et j'y reste de longues heures
à rêver au passé, à Léon Didier qui, quoique bourru, eut
pour moi des tendresses de père.
« Depuis, j'ai, certes, parcouru du chemin. J'ai gagné
de l'argent. Mais pour une fortune, je n'abandonnerais
pas Villennes. Lorsque j'échappe aux nuits enfumées des
Six-Jours, je retrouve ici l'équilibre qui me permet de
récupérer.
« Ne me croyez pas taciturne ou modeste à l'excès dans
mes goûts.
« Je comprends seulement les sacrifices qu'il faut
consentir pour devenir un champion. Et je me plie de
bonne grâce à cette discipline... »
Les yeux grands ouverts, bouche bée, Fernand Wambst
buvait les paroles de Marcel Guimbretière.
S'il reste à Villennes, loin du monde, loin des
tentations, son histoire ne ressemblera-t-elle pas un
jour à celle de son aîné, vainqueur, à vingt-deux ans,
des Six-Jours de Berlin, avec Paul Broccardo, après
avoir déjà gagné les Six
days de New-York et de Chicago, à côté d'Alfred
Letourneur ?
Mais aura-t-il la volonté, comme le « Coq de France »,
de vivre en ermite dans quelque contrée aussi saine que
celle de Villennes ?
Félix Lévitan
Match,
12/6/1932
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Journaliste sportif dès 1928 au journal "La Pédale", l'auteur
de cet article, Félix Lévitan, fut recruté par "Le Parisien
Libéré" après la Seconde Guerre mondiale. Il devint directeur de
la Société du Tour de France de 1962 à 1987, après avoir été
directeur adjoint de Jacques Goddet. Il a contribué à créer en
1975 le maillot à pois rouges !
Marcel Guimbretière
et son équipier Paul Broccardo, en 1934 |
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Après avoir mis fin à sa carrière sportive, Marcel
Guimbretière s'est associé avec les frères René et
Pierre Guiller qui fabriquaient et vendaient des vélos,
notamment ceux de la marque Origan, sur lesquels il
avait couru.
L'histoire de ces constructeurs de cycles puis de
motocycles, à Fontenay-le-Compte, qui avait commencé
avec leur père en 1911, s'est poursuivie jusque vers
1960.
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Michel Kohn
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