Jules Charles Rozier (1821-1882),
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Un tableau intitulé Mon jardin à Médan,
découvert dans l'exposition pisciacaise "Le Paysage
français 1850-1914", nous a conduits à nous intéresser à
l'auteur de cette eau forte, réalisée en 1869.
Ne sommes-nous pas bien placés entre Poissy et Médan pour traiter ce sujet ? Cette magnifique exposition organisée par la Ville de Poissy, en partenariat avec l'Académie des Peintres de l'Abbaye, le Musée d'art et d'histoire de Meudon et le Musée d'art et d'histoire de Poissy, au Château de Villiers à Poissy (à la limite de Villennes), en novembre 2019.
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Deux professeurs de l'Académie des Peintres de l'Abbaye, Jean-Marc Denis, diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, et son frère Fabrice Denis, docteur en histoire de l'art, avaient élaboré l'exposition et rédigé les textes de présentation ainsi que le catalogue ; le premier, également directeur de l'académie, y présentait ainsi l'eau forte de Charles Rozier :
Un premier plan obscur permet à la lumière du second cet effet théâtral et rembranesque. La diagonale établie par les deux valeurs de ce jardin, ombre et lumière, et un enchevêtrement de lignes sans fin, traduisent la prolifération végétale. Animée et sensible, cette gravure pose cette éternelle question de la place de l'homme dans la nature, interrogation fondatrice de l'art du paysage. Le jardinier comme le graveur sillonne et imprime la surface, le jardin comme l'atelier, l'atelier comme le jardin, sont les aires nécessaires à leur cheminement. |
Les 84 œuvres exposées, issues de fonds publics et privés, comprenaient sept autres œuvres de ce peintre : La ferme, Ferme avec badinage, La Seine vers Poissy, L'embouchure, Les lavandières, Rives de la Seine, Seine et prés.
Les commentaires précis nous permettent de mieux comprendre le style et les techniques de cet artiste peintre. Toutefois, pour trouver des informations sur la vie de cet ancien habitant de Médan, des recherches se sont avérées nécessaires.
Une recherche sur Internet nous a montré l'étendue de sa production : les divers sites de ventes aux enchères d'œuvres d'art recensent plus d'une centaine de tableaux. Toutefois, très peu d'informations biographiques sont disponibles.
Une notice bibliographique du catalogue de la Bibliothèque
nationale de France nous a confirmé la présence de Jules Rozier
à Médan vers 1877, l'année où il a exposé au Salon une eau
forte, simplement intitulée Médan. La consultation
du périodique L'Artiste, journal de la littérature et
des beaux-arts, dans la bibliothèque numérique Gallica, nous a
permis de trouver un commentaire dans son second volume de
l'année 1877, sous le titre Paysage d'hiver : « On
a beaucoup remarqué ce paysage d'impressionniste au dernier
Salon. M. Jules Rozier a l'accent des mélancolies de la
nature. On a froid dans ses hivers, mais on respire la nature
dans ses printemps.»
Il nous fallait retrouver cette eau forte. Devions-nous
aller sur le site Richelieu de la BnF pour voir l'estampe ou en
acheter une reproduction via Internet ? La notice nous a précisé
qu'elle représente un paysage sous la neige. Les gravures
n'étant pas des œuvres uniques, nous pouvons en acquérir un
exemplaire dans des galeries, même sur leur site Internet. Ainsi
avons-nous trouvé une photo de la gravure à l'eau forte de 1877,
intitulée Paysage d'hiver - Médan, où le château est
bien reconnaissable, dans le fond à gauche.
Le tableau Le village de Médan sous la neige qui a, vraisemblablement, été à l'origine de la gravure (ou l'inverse) a été vendu, ces dernières années, à Drouot ; cette huile sur toile est datée "1er Xbre 1875" (1/12/1875). |
ll nous fallait continuer les recherches dans la bibliothèque numérique Gallica, afin de trouver des témoignages des contemporains de l'artiste.
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Après le décès de Jules Rozier, son épouse a vendu, aux enchères à l'Hôtel Drouot, en mai 1883, les peintures et les dessins qu'elle possédait, dont ceux qu'il avait réalisés. |
Avant la description des œuvres en vente, un texte présente l'artiste disparu. L'auteur, Ph. Burty, critique d'art, y racontait qu'après une longue visite du Salon une jeune homme lui a remis une lettre de Nadar. « Il me présentait, dans son billet ému et bref, le fils de Jules Rozier, son vieil ami, me signalait la vente prochaine de ce qu'a laissé en mourant, infirme, découragé et pauvre, le brillant et fin paysagiste, et me demandait de rédiger la notice en tête du catalogue. [...] J'ai lu ce papier. Il n'y a rien à y changer. Je l'envoie tel quel à l'imprimerie. Il résume avec tact, avec mesure et avec une sensibilité communicative, tout ce qu'il importe de savoir sur le maître et sur l'homme. »
La notice biographique du catalogue a, donc, été rédigée par le fils de Jules Rozier. En voici quelques extraits
[...] Il nous semble que la
peinture de cet artiste, si naïvement cherchée, si
simple dans ses moyens, est de celles qui se
comprennent aisément. [...] Il entra tout jeune dans
l'atelier de Bertin, qu'il ne quitta qu'au bout d'un
certain temps, pour prendre les conseils de Paul
Delaroche. [...] Vers 1845 un revirement complet se
produisit en lui. Cessant d'envoyer aux Expositions,
il consacra tous ses efforts à étendre le cercle de
ses connaissances, et se mit avec ardeur à étudier les
sciences dans les divers rapports qu'elles peuvent
avoir avec l'Art. Sans faiblesse, sans découragement,
plein de foi dans l'avenir, pendant une période de dix
années il ne cessa de poursuivre solitairement son
œuvre, persuadé que la vie d'un artiste n'est qu'une
laborieuse incubation de choses qui doivent éclore à
de certains moments d'élection. Ces heureux moments
vinrent pour lui ; et, depuis le Salon de 1859 jusqu'à
sa mort, on peut dire qu'ils ne le quittèrent plus.
[...] |
Dans ce texte et dans le catalogue
de la vente, sont mentionnés d'autres peintures et dessins
réalisés à Médan, à Triel, à Vaux, à Vernouillet et à Villennes.
Des recherches dans la presse de l'époque de Jules Rozier nous
ont apporté des compléments intéressants, publiés lors de son
décès puis à l'occasion de la vente de ses œuvres. Cette
exposition avait été annoncée ainsi par le quotidien Le
Gaulois : « Dans le siècle où nous vivons, nous disait
il y a peu de jours un homme qui connaît la société, les
timides ont tort. Combien cette appréciation serait juste si
nous avions à chercher le motif de l'infortune de feu Jules
Rozier [...] Le seul défaut du sympathique artiste
était d'être trop timide pour se faufiler dans aucune coterie
et trop fier pour solliciter, non seulement un appui, une
protection, mais même un de ces honneurs qui ne s'accordent,
hélas que sur la demande de celui qui veut l'obtenir. [...]
Ses paysages, qui témoignent tous d'une étude consciencieuse
et qui sont bien empreints de poésie, ont pris place dans des
centaines de collections. Ses toiles, relativement à celles de
ses contemporains les plus estimés, ont une bien plus grande
valeur que celle que nous leur avons attribuée jusqu'à
présent. Nous sommes convaincus qu'avant peu il se produira
une véritable hausse sur le nom de Jules Rozier. »
Le quotidien L'Intransigeant a publié ce commentaire
dans sa nécrologie : « Peintre des vergers en fleurs et des
bords de rivières, c'est aux rives de la Seine et à celles de
l'Oise qu'il empruntait ses plus douces impressions d'artiste
et le thème de ses plus jolies compositions. Les amateurs
délicats se souviendront longtemps des pages charmantes et
pleines de vérité sorties de son pinceau, où s'allient à la
fois le charme de la couleur, la finesse du ton, et le
sentiment poétique de la nature, qualités qui forment pour
ainsi dire la caractéristique de son talent. »
Pour notre enquête, nous disposions, en complément, de deux œuvres de l'artiste, représentant des lieux de Médan, dont le jardin de sa maison.
Heureusement, Jules Rozier se
faisait recenser dans ce village. Dès la première page de l'état
nominatif des habitants de la commune en 1876, nous avons trouvé
Jules Rozier, toutefois avec son deuxième prénom Charles. La
profession indiquée est bien "artiste peintre" et son âge 55 ans
(1876-1821=55). Il habitait au 9 rue Basse, avec son
épouse, Clémentine Piaud-Rémond, même âge, née à Lyon, et leur
fils Alexandre, 32 ans, né à Paris.
Quelle a été la durée de leur présence à Médan ? Le recensement
de 1866 ne montre aucun habitant à cette adresse. En 1872, la
maison était habitée par un cultivateur, son fils et deux
domestiques. En 1881, l'année du décès de Jules Rozier, un autre
cultivateur, Désiré Bonhomme, et son épouse, Palmyre Churlet,
avaient succédé, avec leurs trois employés, à la famille de
l'artiste peintre.
Un autre document intéressant est
la matrice des propriétés foncières, dans laquelle ont été
enregistrées, de 1824 à 1914, les mutations des propriétés,
bâties ou non. Il est donc plus volumineux que celui relatif aux
propriétés bâties car toutes les parcelles de terrains, en
particulier les champs agricoles et les vignes, y figurent. Une
recherche, dans les 517 pages emplies en 90 ans pour cette
petite commune, a permis d'y trouver Emile Zola mais pas Jules
Rozier. Nous pouvons supposer que Jules Rozier n'était pas
propriétaire de la maison mais locataire.
Il semble logique que la rue Basse de Médan était la plus proche de la Seine : elle est devenue la rue Pasteur. Sur l'extrait de la carte d'état-major de 1818-1824, où
était encore représentés le parc du château, c'est
celle, à droite, qui le contournait vers l'église, en
haut au centre. |
Pour localiser la maison, nous avons fait deux hypothèses :
- La première est que le paysage d'hiver, représenté dans une "eau forte" et une peinture à l'huile sur toile de Jules Rozier, a été dessiné à proximité de sa maison ; le champ couvert de neige se trouvait à l'une des extrémités de l'ancien parc du château. |
- La deuxième est que la maison existait en 1821, lors
de l'établissement du plan du cadastre napoléonien. |
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La gravure de Jules Rozier Mon jardin à Médan montre deux bâtiments, une maison d'habitation (à droite) et, semble-t-il un hangar (à l'arrière), proches l'un de l'autre. Cette information picturale et la perspective du paysage de neige, notamment l'axe vers l'entrée du château peuvent nous faire penser à l'une des maisons du groupe noté 3 sur l'extrait, ci-contre, du plan cadastral.
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Toutefois, aucun lien ne peut être trouvé dans la matrice cadastrale entre leurs propriétaires et les habitants de la maison de Jules Rozier après son décès.
Après l'étude des autres maisons de cette rue, un autre élément nous a orientés vers ce groupe de maisons. Aujourd'hui, l'entrée du 9 rue Pasteur, donne sur une cour qui correspond à celle de ces maisons en 1821. Il est vraisemblable que le numéro soit resté identique lorsque le nom de la rue a été modifié.
Certaines de ces maisons existent encore de nos jours, d'autres ayant été démolies pour laisser la place à d'autres lorsque le chemin qui longeait l'ancien parc du château a été élargi pour former la rue Ronsard. De nouvelles villas ont, alors, été bâties dans ce quartier qui a fortement évolué depuis les années 1880. |