Alexandre Bure, comte de Labenne,
fils naturel de Napoléon III, propriétaire,
avec son épouse, du Château de Villennes


La commune de Labenne et le marais d'Orx dans le sud des Landes



Deux toponymes landais nous rappellent deux frères, dont le père était célèbre ; l'un d'eux, Alexandre Louis Eugène, a été propriétaire du Château de Villennes, avec son épouse Marie Henriette Paradis qui en avait hérité. Afin de leur donner un titre de noblesse, leur père, l'empereur Napoléon III, leur avait donné, en juin 1870, les terres de Labenne et d'Orx.

Labenne, de l'agriculture à l'accueil d'estivants

Eugène, comte de Labenne, n'a, semble-t-il, pas résidé souvent dans les Landes.

Aujourd'hui, la commune qui porte son nom est devenue une station balnéaire importante avec la création d'un institut héliomarin puis de son quartier Labenne-Océan, face à une grand plage.

Cette ville de la côte landaise s’est développée au XIXe siècle grâce à l’assèchement des marais, initié par Napoléon III, et à l’exploitation des forêts de résineux. Avant la Révolution, Labenne était un village pastoral et agricole : culture du maïs, du seigle et de quelques vignes.


Orx, un marais ruineux

Par contre, son frère Alexandre Louis Ernest, comte d'Orx, s'était implanté localement, alors que, de nos nos jours, le nom Orx est celui d'un marais, devenu une réserve naturelle nationale. Il s'était s’installé dans le Château de Castets à Saint-André-de-Seignanx. Elu maire d’Orx de 1876 à 1884, puis de Saint-André-de-Seignanx de 1884 à 1910, il est décédé en février 1910.

Sa fille Jeanne Amélie a épousé, en 1899, Georges Gemain, ancien magistrat colonial en Indochine, notaire, maire de Bénesse-Maremne et conseiller général des Landes. Le Château Le Pont, où ils vivaient dans ce village, appartient toujours à leurs descendants (source : Histoire du Domaine du pont et d’une famille).

La Communauté de communes de Seignanx nous fait connaître l'histoire de ce marais :

Le Marais d'Orx est en partie sur le territoire de Saint André de Seignanx. Il fit l'objet d'un projet d'assèchement au XVIIIe siècle mais le délabrement des finances de l'Etat ne permit pas son aboutissement.

Après 1830, le gendarme Lacroix se trouva en possession des 1000 hectares du marais. Il pratiqua la pêche aux sangsues qu'il vendait aux apothicaires. En 1850, Lefebvre-Béziers acheta 1042 hectares. Il avait prévu d'assécher le marais dans les deux ans. Pour cela, il employa 400 personnes pendant cinq mois [...].
La dépense fut énorme et l'assèchement ne fut pas parfait. Lefebvre-Béziers s'empressa de le revendre. Plusieurs concessionnaires se succédèrent jusqu'en 1858 où le comte Walewski devint propriétaire aux frais de l'Empire. Il établit un nouveau système d'évacuation par pompage et remit en service les canaux déjà creusés.

En 1861, Napoléon III, empereur des Français, traversa le Marais d'Orx en se rendant en villégiature à Biarritz avec son épouse Eugénie de Montijo. Il découvrit la station de pompage composée de trois turbines actionnées par l'eau des canaux et le barrage impérial, dont subsiste encore aujourd'hui, dans la maçonnerie, un aigle impérial et la mention "Napoléon III Empereur".

Il salua le comte Walewski qui était un fils naturel de Napoléon Ier et de la comtesse polonaise Marie Walewska. A la mort du comte Walewski en 1868, Napoléon III racheta le domaine à sa veuve avec l'argent du trésor. Il l'offrit à ses deux fils naturels, pour lesquels il créa, en plus, les titres de comte d'Orx et de comte de Labenne.

Le comte d'Orx géra le marais cultivable jusqu'à sa mort en 1910. Son fils Ferdinand continua pendant 2 ans mais se ruina. [...]

Acquis parle Conservatoire du Littoral, avec une aide du Fonds Mondial pour la Nature, 1000 hectares du domaine d'Orx sont devenus le premier site d'hivernage d'oiseaux d'eau en Aquitaine.

Le comte de Labenne et son frère


Le comte de Labenne et celui d'Orx sont des fils naturels de Louis Napoléon Bonaparte, devenu ensuite l'empereur Napoléon III.

Il les eut pendant sa captivité au fort de Ham, avec Alexandrine Vergeot, dite à tort “La belle sabotière” (elle était lingère) ainsi que son frère Ernest ; leur relation dura cinq ans.

Visitez le site Web de l'Elysée, pour lire la biographie de Napoleon III, représenté ci-contre.

Le comte de Labenne était né le 18 mars 1845 à Batignolles-Monceau, chez Colette Bure, nourrice du prince Louis Napoléon. Confié à Miss Howard, maîtresse du prince-président, il fit des études à Londres avec son frère Ernest (futur comte d’Orx), né en 1843, avant qu'ils résident au château de Beauregard à la Celle-Saint-Cloud.

Après le mariage de leur mère avec Pierre Bure, fils de Colette et trésorier de la cassette de l’empereur, les deux frères furent légitimés le 3 août 1858 par le couple.

En 1863, Eugène s’engagea dans l’armée du Mexique ; il contribua à la prise de Puebla et vécut des aventures amoureuses et rocambolesques. Ne voulut-il pas tuer Maximilien pour venger son cousin, le duc de Reichstadt ?

Il rentra à Paris le 20 avril 1870 et supplia son père de le recevoir : “Je désire vous faire oublier le passé et qu’on dise : il fait l’honneur de son père”. Napoléon III n’y consentit pas mais, par décret du 11 janvier 1870, le fit comte de Labenne, titre pris de terres des Landes qu’il avait données au comte Walenski en 1858 et récupérées à sa mort, dix ans après. Les armoiries du nouveau comte présentaient des aigles qui alternent avec des coquilles ; sa devise était "Semper recte". Le comte fut nommé receveur des finances.

Un article de la revue Historia (Henri Ramé, Les demi-frères du prince impérial, Historia, n° 486, juin 1987) apporte des précisions sur les vies des deux comtes :

- Le comte d'Orx

Après de bonnes études, Ernest choisit la carrière diplomatique et devint secrétaire d'ambassade à Saint-Petersbourg ; il y fit un scandale en enlevant une actrice, maîtresse de l'ambassadeur de France. La conséquence fut sa mutation dans le corps consulaire à des postes peu prestigieux mais lointains : attaché au consulat général de New-York, attaché surnuméraire à la direction des fonds, agent vice-consul à Rosas, Catalogne, en Espagne, agent vice-consul à Belfast, consul à Zanzibar, à Danzig, à Charleston.

L'Empire étant  entré en guerre, il ne partit pas au Paraguay où il avait été affecté mais il suivit son père aux armées. 

- Le comte de Labenne

Comme son frère, il fit ses études au Collège Sainte-Barbe, à Paris. Il fut nommé en avril 1865 au secrétariat de la Trésorerie général de la Couronne. Participant à l'expédition française au Mexique, il se maria à Puebla ; il aurait failli être empoisonné par sa belle-mère. Il quitta l'armée et s'installa à Mexico où il fit de mauvaises affaires. Revenu seul en France à la fin de l'année 1869, il sollicita l'aide de son père, qui le fit nommer receveur des finances. Toutefois, la chute de l'Empire l'empêcha de rejoindre son poste.

Le comte de Labenne avait hérité du droit de chasse et de la jouissance de la maison Lefebvre-Béziers, tandis que le comte d’Orx se consacrait, dans ses terres landaises, à l’agriculture. Il a trouvé la mort en chemin vers l’Allemagne, alors qu'il était parti à la recherche d’une meilleure technologie de pompage.

L'époux de Marie Antoinette Paradis, à Paimpol

Le comte de Labenne se maria, le 12 mars 1879, avec la fille du journaliste financier, alors chroniqueur financier du Constitutionnel, propriétaire du Château de Villennes. Elle était née en 1857 à Vaugirard. En 1880, ils eurent un enfant qui mourut 4 ans après.



Le comte de Labenne préférait à la sauvage beauté de la forêt landaise son hôtel du 370 rue Saint-Honoré, où il résidait en compagnie de sa femme.

Attiré par la Bretagne comme Napoléone Camerata, cousine de son père, l'empereur Napoléon III, il s'installa avec son épouse à Paimpol.

Celle-ci y a, ensuite, acquis une maison et fait restaurer à ses frais la Chapelle de Lancerf à Plourivo.

Décédé à Paris en 1884, Alexandre Louis Eugène Bure n'a pas pu voir le résultat de son projet de création d'une sécherie de morues, en partenariat avec un armateur paimpolais et l’inventeur d’un procédé de réfrigération.  Remariée en 1883 avec Louis Dupont, banquier de son défunt mari et intendant du Château de Villennes, la comtesse de Labenne est retournée vivre à Paimpol au grand air avec son fils Georges-Henri, atteint de tuberculose.  Celui-ci étant décédé en décembre 1884, elle l'a fait inhumer, dans la Chapelle de Lancerf, qu'elle avait acquise ainsi que son parc. Au début de l'année 1885, elle fit transférer le corps de son premier mari, pour qu'il repose à côté de celui de leur fils.



Elle a acheté, en 1884, une villa de la rue Pen An Run ; appelée ensuite Villa Labenne, elle a été utilisée comme gendarmerie pendant un siècle.

Nous reproduisons le début d'un article du journal Le Télégramme, publié en février 2013 lors de sa rénovation pour l'accueil d'activités associatives.

La villa Labenne, sise dans la rue Bécot, est une belle bâtisse datant de 1860. Elle fut d'abord la propriété d'un médecin avant de devenir celle de la comtesse de Labenne, « jolie brunette venue de Paris vivre fastueusement à Paimpol », selon les historiens locaux. « Elle donnait de l'argent aux pauvres, faisait la diva à la messe, surprenait tout le monde par ses toilettes et toute la ville parlait de ses chevaux et de sa calèche », rappelle Annie-Claude Ballini, de l'association des Amis de Beauport [qui a publié la photo, ci-dessus, de la villa].

Cent ans de gendarmerie

Le comte de Labenne, fils naturel de Napoléon III, laissera sa jeune veuve devenir en secondes noces Mme Dupon[t]. À l'époque, elle acquiert même la Chapelle de Lancerf. Son jeune fils y a d'ailleurs été enterré. La jeune femme divorcera plusieurs fois par la suite et la cité des Islandais perdra sa trace mais pas celle de la villa ! La bâtisse, à partir du milieu des années 1880, deviendra la gendarmerie. Elle le restera jusqu'en septembre 1984. [...]

Un article du journal Ouest-France relate l'étude d'Alain Dumont, historien local, habitant à côté de la Villa Labenne, sur la famille qui lui a donné son nom.

L'article décrit, en détails, la période paimpolaise :

- La construction, en 1880, d'une usine à Paimpol, dans une rue dont le nom actuel perpétue son souvenir, avec Charles Tellier, l'inventeur des chambres frigorifiques installées à bord des navires transportant la viande de l'Amérique du sud à l'Europe, et d'un nouveau procédé de séchage de la morue par air chaud ;

- La relance de l'usine et de la sécherie, après sa mort, par son épouse et son second époux, puis la faillite de l'entreprise en 1887 ;

- Ses obsèques grandioses, baptisées par dérision "le retour des cendres".

Le Musée de la mer, situé à Paimpol rue Labenne, près du port, est installé dans l'ancienne sécherie.

La famille d'Alexandre Louis Ernest Bure

Voici un extrait de la généalogie du comte de Labenne et de son épouse, Marie Henriette Paradis :


Michel Kohn