L'histoire de Meulan, jusqu'en 1814


Nous avons transcrit, en l'illustrant, l'annexe de l'ouvrage Les Paradisiennes de Brigitte Gros, née Servan-Screiber, maire de Meulan (1966-1985), conseillère générale et sénatrice des Yvelines (1973-1985). En effet, ce document nous semble être le meilleur résumé de l'histoire de Meulan du VIe siècle jusqu'à l'époque napoléonienne.

Ce livre mériterait un article car il relate la construction  du quartier du Paradis, qui avait doublé la population de la commune, et ses premières années. Ce projet personnel de Brigitte Gros, dont la réalisation avait été complexe, avait créé l'un des premiers grands ensembles à l'écart des villes, mais aussi du centre de Meulan ; il avait suscité beaucoup d'espoirs mais, également, divers problèmes.



Au VIe siècle, saint Nicaise vint y prêcher l?Evangile et, malgré les persécutions contre les chrétiens, il y fonda une chapelle dédiée à la Vierge. Cette chapelle était placée au lieu-dit « Thun », où se trouvait le point de franchissement de la Seine par la voie romaine. Et vers le Ve siècle, les persécutions ayant cessé, plusieurs autres églises furent fondées.

L'invasion des Goths, des Vandales, des Huns, vint saccager cette région où les Francs s'étaient fixés au départ des Romains et qui fut pendant plusieurs siècles l'enjeu des luttes entre Neustriens et Austrasiens, entre les quatre fils de Clovis et leurs descendants. Aux environs de l'an 800, les Normands apparaissent dans la Manche et remontent les fleuves pour s'emparer des territoires qui les bordent. En 885, après avoir pris Rouen, ils pillent et incendient Meulan avant de pénétrer à Paris en 886.

Le traité de Saint-Clair-sur-Epte consacra la prise de possession par les Normands des territoires situés au-delà de l'Epte, qui devint la frontière entre la
Normandie et l?Île-de-France. Dès le règne d'Hugues Capet, on trouve des comtes de Meulan, maîtres et gouverneurs de ces régions jusqu'au moment où Philippe Auguste, en 1202, s'en empara et les réunit au domaine royal. En 1257, le comté de Meulan fut donné en apanage à Blanche de Castille, puis à Marguerite de Provence et, jusqu'à la guerre de Cent Ans, contre les Anglais, le pays connut une prospérité véritable. Mais dès 1338, Meulan, qui se trouvait aux confins de la Normandie alors possession anglaise, allait souffrir cruellement de la guerre.

Occupée tour à tour par les Français, par les Anglais et leurs alliés de France, elle fut reprise en 1364 par du Guesclin qui en fit raser toutes les fortifications. En 1419, les Anglais s'en emparèrent de nouveau après les combats de guerre dans le fort. L'Hôtel-Dieu fut détruit, les fortifications rasées et tous les défenseurs massacrés. Deux siècles plus tard, à la reconstruction de l'Hôtel-Dieu, les fouilles mirent à jour les ossements des défenseurs : la rue du Massacre qui borde actuellement l'hôpital doit son nom à cette funeste tuerie.


Les armes de la ville de Meulan
(d'après Edmond Bories)


Après la guerre de Cent Ans, quelques combats entre l'armée de la Ligue sous les ordres de Mayenne et les troupes d'Henri IV, roi de Navarre, troublèrent la ville. En janvier 1590, Mayenne assiégeait Meulan, mais averti de l'approche des troupes d?Henri IV venant au secours de la ville assiégée, y renonça à s'en emparer et leva le siège. Pour reconnaître le courage et la fidélité des Meulanais, Henri IV leur accorda certaines franchises.

C'est depuis cette époque que le blason de Meulan s'enorgueillit de la devise : « Mellentum Régi et Regno fidelissima » ou « Meulan la plus fidèle à son roi et au royaume ».

On rapporte que le roi Henri IV qui se trouvait à court d'argent pour payer ses troupes mercenaires eut recours à deux tanneurs meulanais qui lui avaient été signalés par Monsieur de Vion, lieutenant du baillage de Meulan. Nicolas et Simon Leclerc mirent vingt mille écus à la disposition du souverain et estimant que la parole du roi valait mieux que tous les écrits, refusèrent la reconnaissance écrite que le roi leur offrait. La rue Nicolas-Leclerc à Meulan rappelle le souvenir de l'un de ces personnages.

Avec l'avènement du XVIIe siècle, Meulan commença à vivre une existence pacifique et devint la place forte du Vexin français, une cité religieuse et un centre commercial important entre Rouen et Paris que les souverains aimaient favoriser. C'est ainsi qu'en 1636, la prophétie d'une religieuse de Meulan annonça à Anne d'Autriche qu'elle serait mère. Mariée depuis 22 ans, elle n'avait pas de descendance. Cette prophétie se réalisa. Ce fut la naissance de Louis XIV. En reconnaissance, Anne d'Autriche favorisa cette religieuse par la création d'un monastère des « Annonciades » qui fut consacré en janvier 1642. Dans le même temps furent réalisés la restauration du monastère Saint-Nicaise, la réfection de l'Hôtel-Dieu et l'établissement des Pénitents Blancs.

Le commerce prospérait : le commerce des grains, les moulins, les tanneries, les fabriques de bonneterie contribuèrent largement à la prospérité du comté de Meulan qui passa dans le domaine privé du roi Louis XVI.

Mais la Révolution de 1789 vint de nouveau bouleverser la ville. L'église Saint-Nicaise devînt un atelier de construction d'affûts d'artillerie, l'église Notre-Dame un arsenal, le couvent des Pénitents une caserne, la chapelle Saint-Michel un grenier à sel, l'église Saint-Jacques un magasin à fourrage, l'église Saint-Nicolas devint le Temple de la Raison.

Le couvent des Annonciades, fondé par Anne d'Autriche, fut partiellement détruit par les révolutionnaires qui en rasèrent la chapelle. Le reste fut morcelé et vendu comme bien national.


Ci-contre : La chapelle Saint-Michel (dessin d'Edmond Bories, publié dans son ouvrage Histoire du canton de Meulan, comprenant l'historique de ses vingt communes depuis les origines jusqu'à nos jours, 1906)




A la fin de l'Empire, Napoléon, chassé de Moscou, battu à Leipzig, dut se replier et ce fut l'invasion. C'est ainsi qu'en avril 1814, après un combat à la limite de Meulan, les Cosaques occupèrent la ville.

Le général Gency, enfant de Meulan, se distingua à cette occasion, comme il l'avait fait dans toutes les campagnes napoléoniennes et c'est en souvenir de ce fait d'armes que la place de l'Hôtel de Ville porte le nom de place Gency.