La chapelle Sainte-Avoye de Meulan
que les Révolutionnaires voulaient détruire




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Nous publions un texte d'Edmond Bories (1857-1925) qui était, à la fois, professeur de dessin et artiste-peintre, archéologue et historien régional. Pendant le premier quart du XXe siècle, il a été le premier historien du territoire allant de Poissy à Meulan, en passant par Orgeval et Villennes, deux villes où il a vécu. Les habitants des Mureaux le connaissent encore grâce à la rue à laquelle son nom fut donné. Résidant à Villennes pendant les trois dernières années de sa vie, il aurait pu être connu comme son premier historien s'il en avait eu le temps.

L'un de ses principaux ouvrages est Histoire du canton de Meulan, comprenant l'historique de ses vingt communes depuis les origines jusqu'à nos jours. Dans une de ses parties (livre septième, chapitre premier), Edmond Bories relate un épisode de la période révolutionnaire ; heureusement, la décision du conseil municipal de détruire la chapelle troglodytique de Sainte-Avoye n'a pas été suivie d'effet.

La comparaison du dessin de cette chapelle, réalisé et publié par l'auteur, et de notre photo montre qu'elle s'est un peu dégradée depuis le début du XXe siècle mais que, toujours vide, elle n'a pas beaucoup changé.




{C'est] un ancien oratoire, qui, comme tous les petits édifices élevés dans l'enclos des demeures seigneuriales, servait à renfermer les trésors des églises, des châteaux ou des villes(1).

Le petit oratoire roman, appelé depuis chapelle Saint-Avoye, était celui de Héluise, femme de Hugues II, comte de Meulan. Ainsi que nous l’avons rapporté, Héluise se retira du siècle après la mort successive de Hugues et de son second mari, Algon. Elle se fit recluse auprès du monastère de Coulombs, et mourut en odeur de sainteté (1034).

Bâtie dans le roc, parmi la verdure, cette petite chapelle fut pendant des siècles le but d’un pèlerinage. Au milieu du XVIIe siècle, un ermite du nom de Cardin y habitait ; Nicolas Davanne(2) rapporte : qu'au mois de juin 1643 « il a attesté qu’en sa présence, un enfant amené à Saint-Nicaise, qui était muet, âgé de quatre à cinq ans, et que, pendant qu’on disait l’Evangile sur sa teste, il commença à parler à sa mère disctinctement, et qu’ayant récité ce miracle à un voisin dont l’enfant, assez âgé, n'avait pas encore pu parler, il le voua à Saint-Nicaise et la langue se délia. »

A l’époque de la Révolution, guerre aux monuments religieux, c'est le mot d’ordre ; dans un arrêté, les membres du Conseil général de la commune de Meulan recommandent dans les termes suivants la destruction de cette chapelle.

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ

Le huit frimaire, seconde année de la République française une, indivisible et impérissable

Le Conseil général de la commune de Meulan aux représentants du peuple dans le département de Seine-et-Oise.

Citoyens représentans,

La municipalité de Meulan a oublié de vous faire observer qu’il existe dans son enceinte un ancien repaire du fanatisme, c'est un réduit obscur creusé dans la carrière qui domine la commune ; là se rassemblait en certains temps de l'année un grand concours de peuple qui, victime de la superstition et du mensonge, évoquait vainement les mânes d’une prétendue Sainte Avoye pour intervertir le cours ordinaire des effets de la nature. Ce misérable recoin n’offre en compensation des frais de la démolition qu’une petite cour et le sol aride qui recouvre la carrière. La municipalité vous prie de lui abandonner ce petit théâtre de l’erreur et ses accessoires, tout modiques qu’ils soient. Elle se charge d’en faire la prompte démolition afin de porter par là le dernier coup de massue au fanatisme qui a trop longtemps asservi la raison. Le Conseil vous prie aussi de lui dire la conduite qu'il doit tenir à l’égard de l’armée révolutionnaire qui lui demande l’étape indépendamment de la paye, toutes les fois qu'elle va en détachement dans les communes voisines. Nous attendons votre décision avant de rien statuer là-dessus.

Fait et arrêté les jour et an que dessus, en séance publique.
(Suivent les signatures.)

Vu le mémoire ci-dessus, les représentants du peuple,
Arrêtent que la chapelle dont il s'agit sera démolie et l'emplacement vendu sur deux publications, de quinzaine en quinzaine, pour les deniers en provenant être employés : 1° à solder les frais de démolition ; 2° aux distributions intérieures à faire dans la halle couverte.
La municipalité est autorisée à procéder à l'adjudication.
Versailles, le 11 frimaire An II de la République une et indivisible.
Signé : Musset et Delacroix(3).


Sources d'Edmond Bories :

1. Du Cange. - Glossaire.
2. Nicolas Davanne. - Vie de Saint-Nicaise.
3. Archives communales de Meulan, P. I. 29.

Source de l'ACV :

L'ouvrage Histoire du canton de Meulan, comprenant l'historique de ses vingt communes depuis les origines jusqu'à nos jours d'Edmond Bories, consulté dans Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèue nationale de France